Droits humains : Amina Bouayach reçoit le Prix de la Fondation Méditerranée 2025    Kampala: M. El Bouari réaffirme l'engagement du Maroc pour le développement d'une agriculture résiliente    Marrakech bat un « record historique » avec près de 4 millions d'arrivées en 2024    Secteur bancaire : des performances records attendues durant la période 2024-2026    Parti libéral du Canada: Le successeur de Trudeau sera connu le 9 mars    2024, année la plus chaude et la première à dépasser le seuil de réchauffement de 1,5°C    Bab Sebta: Interpellation d'un ressortissant suédois objet d'un mandat d'arrêt international    Températures prévues pour le dimanche 12 janvier 2025    Incendies à Los Angeles: Onze morts et plus de 14.000 hectares partis en fumée    Fin de parcours du Maroc dans la King's League après leur défaite face à la Colombie    Banques en ligne vs banques locales : que choisir quand on s'expatrie ?    Le Maroc condamne les visées israéliennes sur des territoires de pays arabes    Moroccan footballer Yahya Attiat-Allah undergoes surgery after facial injury in Cairo    Morocco Tourism Office launches regional tour to unite key sector players    Marrakech : Arrestation d'un Français muni d'un faux passeport recherché par Interpol    Yennayer : Idernan, la galette de la paix qui augure une saison agricole abondante    Bab Sebta : Interpellation d'un ressortissant suédois objet d'un mandat d'arrêt international    Grâce Royale au profit de 1.304 personnes à l'occasion de la commémoration de la présentation du Manifeste de l'Indépendance    Rabat International Fashion Fair 2025: La mode mondiale débarque à la capitale    Vignette : le paiement électronique est gratuit (DGI)    Rougeole : 47 cas d'infection recensés dans neuf établissements pénitentiaires    Ould Errachid souligne l'importance de la dimension parlementaire dans la dynamique des relations maroco-françaises    Taxis vs VTC : Les syndicats ouverts au dialogue [INTEGRAL]    Artisanat : publication de dix enregistrements de marques déposées auprès de l'OMPIC    Réunions des commissions chargées de la révision des listes électorales    Le Roi félicite Joseph Aoun pour son élection à la présidence du Liban    Casablanca. La diversité culturelle au cœur des célébrations d'Id Yennayer 2975    Paris. Le caftan à l'honneur    Histoire : Caligula a tué le roi romain de Maurétanie à cause d'un manteau de pourpre    CDM (f) U17 Maroc 25: La CAF dévoile son programme qualificatif    CCAF : Un arbitre burundais pour Lunda-Sul vs RSB.    Découverte des épaves de deux navires archéologiques au large d'El Jadida    Sao Tomé-et-Principe. Carlos Vila Nova nomme une nouvelle Première ministre    Présidentielle 2025. Ouattara candidat pour succéder à lui-même ?    L'Afrique du Sud et l'Algérie vont adorer cette décision américaine    A Scandal Tarnishes Mandela's Legacy... His Grandson, the "Icon" in Algeria, Accused of Theft and Crime    Los Angeles : Saïd Taghmaoui témoigne du cauchemar des incendies    Cour des comptes : El Adaoui au Parlement mercredi    Des experts US s'informent à Rabat de l'expérience marocaine en matière juridique et judiciaire    Air Arabia inaugure un nouveau vol direct Rabat-Oujda    Le régime algérien refuse de reprendre ses "porte-paroles" de la France... Un pays qui jette ses citoyens au-delà de ses frontières    LDC: Le Raja sans ses supporters face à l'AS FAR    Football: La FRMF et les Ligues Nationales tiendront leurs AG le 13 mars prochain    La CGEM réitère l'importance de la promulgation de la loi sur la grève    Marrakech. 15.000 marathoniens attendus le 26 janvier    La décision du Ghana de rompre ses relations avec le "Polisario" suscite un large intérêt dans la presse italienne    PLF 2024 : Lekjaa annonce une réduction du déficit budgétaire à 4 % du PIB en 2024    Adieu L'artiste...    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Années de plomb : La parole libérée
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 23 - 12 - 2004

La première séance d'auditions publiques des victimes des années de plomb s'est déroulée mardi dernier, avec une retransmission en direct sur le petit écran. Les témoins ont exprimé leurs souffrances, souhaitant que de tels actes ne se reproduisent plus.
La salle de conférence du Centre d'Accueil du ministère de l'Equipement de Hay Riad à Rabat se remplissait petit à petit. Des chefs de partis politiques, des députés, des ministres, des écrivains, des anciens combattants, des universitaires, des militants associatifs et des journalistes (surtout marocains, les étrangers étant pour la plupart en vacances de fin d'année) se sont donné rendez-vous, un mardi soir, pour écouter les témoignages tant attendus des victimes des années de plomb. Tout sera retransmis en direct sur le petit écran.
Les membres de l'Instance Equité et Réconciliation (commission ad hoc du Conseil consultatif des droits de l'Homme) sont sur le qui-vive pour ne pas dire angoissés. Et pour cause, ils ont travaillé d'arrache-pied pour que cette opération historique réussisse. "Nous n'avons pas fermé l'œil depuis plus d'une semaine", confie l'un d'entre eux. "Nous souhaitons qu'il n'y ait pas de dérapages", poursuit-il. "C'est une épreuve difficile, car l'échec de cette opération sera indubitablement mis sur le dos des membres de l'IER, alors que sa réussite sera celle de tous les Marocains". Rassurons-les: l'organisation était irreprochable.
Déjà, vers 17 heures, chacun occupait son siège et attendait le coup d'envoi. Les quelques journalistes étrangers ont pu bénéficier d'une traduction simultanée en français, ce qui leur a énormément facilité la tâche. Les organisateurs priaient gentiment l'assistance d'éteindre les téléphones portables, d'éviter d'adresser la parole aux témoins, ne pas applaudir, ni même quitter la salle avant la fin de la séance.
Sur la tribune, devant pas moins de 500 personnes, six témoins étaient assis, cinq hommes et une femme d'un certain âge. Derrière elles, ont pris place des proches parents et d'autres victimes, qui prendront peut-être la parole un autre jour, dans une autre ville.
Leurs regards étaient remplis d'appréhension. Ça se sentait. Les visages des témoins basculaient, en un clin d'œil, de la béatitude d'une victime dont l'existence a enfin retrouvé un sens, à une crispation manifeste due, vraisemblablement, à la remémoration d'une souffrance gratuite et indescriptible qu'ils ont vécue.
A 18 heures 15 minutes, toutes les personnes présentes dans la salle de conférence, et derrière elles des millions de téléspectateurs, se tenaient prêts à affronter le passé synonyme de souffrance. Après une brève introduction assurée par le président de l'IER, Driss Benzekri, le premier témoin à prendre la parole est manifestement le plus âgé: Ahmed Benmansour.
S'en est suivies deux heures de témoignages poignants. Une ambiance pesante s'est installée. Tout le monde a été projeté dans les années 1960 et les 1970, dans des ruelles étroites d'un Maroc en construction, à des heures tardives de la nuit, au moment où des policiers en civil conduisaient manu militari des dizaines de militants de gauche (et d'ailleurs) dans des fourgonnettes banalisées vers des destinations inconnues. L'injure, l'humiliation, la torture et peut-être la mort : voilà ce qui attendait les détenus.
Il suffisait aux autorités de l'époque d'une once de soupçon pour mettre en branle leur machine de brutalité et d'extermination. Et aucune région du Maroc n'a été épargnée par les campagnes massives de répression, d'exaction, de torture et d'exécution sommaires. Du fin fond des montagnes du Rif aux confins du Sahara, en passant par les grandes villes comme Casablanca, Marrakech ou Agadir, les bourreaux ne faisaient aucune distinction. Les six témoignages ont été très instructifs car ils illustrent aussi bien les terribles souffrances de la victime torturée pendant plusieurs années, que celles de la femme et les enfants jetés dans la jungle sociale et les parents (surtout la mère) meurtris par l'incarcération et même souvent la disparition d'un fils.
Même si les victimes ne se sont pas attardées, par pudeur évidemment, sur les détails abominables de leurs tortures, on pouvait aisément comprendre, à l'intonation de leurs voix ou aux larmes qui envahissaient soudain leurs yeux, que les sévices pratiqués par leurs tortionnaires étaient tout simplement bestiaux.
A l'écoute des témoignages, force est de constater que tous les appareils de l'Etat sont "mouillés" dans cette politique de répression à grande échelle. On en veut pour illustration, les propos de Rachid Manouzi, victime-témoin. Il a rappelé le circuit infernal de sa détention. Du centre de détention de Derb Moulay Chérif à Casablanca, il fut transféré à la prison militaire de Kénitra, pour atterrir enfin à la prison civile de Marrakech. Tout au long de cette détention qui a duré un an, Rachid Manouzi et ses compagnons d'infortune avaient toujours les mêmes gardiens. "Ils nous suivaient partout", dit-il. Ces gardiens étaient habillés en civil, à Derb Moulay Chérif, ils portaient la djellaba vert-olive de l'armée dans la prison militaire de Kénitra et arboraient la tenue officielle des gardes pénitentiaires (un corps sous tutelle du ministère de la Justice) dans la prison civile de la ville ocre. En clair, la Direction générale de sûreté nationale (DGSN), les Forces armées royales et le ministère de la Justice sont entièrement responsables des exactions du passé. L'heure est à la mea culpa pourvu que la page soit définitivement tournée.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.