Après la désignation mardi du Burkina Faso comme responsable du conflit ivoirien, les deux voisins sont désormais en crise. Sur le terrain, Américains, Français et Britanniques renforcent progressivement leur présence. Mercredi, les autorités ivoiriennes ont décidé de couper toute liaison téléphonique avec le Burkina Faso voisin. Cette «instruction ministérielle» faisait suite aux accusations portées la veille contre le président burkinabé, Blaise Compaoré, qualifié de «seul et unique déstabilisateur de la Côte d'Ivoire». Une crise ouverte qui s'annonçait d'ailleurs dès les premiers jours de l'insurrection, le chef d'Etat ivoirien Laurent Gbagbo ayant évoqué vendredi dernier la responsabilité de «forces extérieures». Un de ses proches collaborateurs avait même accusé un «Etat voyou» de la sous-région tandis que les forces loyalistes commençaient à chasser les immigrés burkinabés du pays. Qui d'autre que le Burkina Faso pouvait donc être «le» coupable ? Ce pays situé au nord de la Côte d'Ivoire a depuis de longues années développé des relations chaotiques avec son voisin du sud. Des tensions qui se sont faites un peu plus pressantes après l'assassinat à Ouagadougou de l'ex-ministre ivoirien, Balla Keita, dans la nuit du 1er au 2 août dernier. Dans un pays où la question de «l'ivoirité» domine largement les débats politiques, la présence de 2,5 à 3 millions de Burkinabés ne pouvait d'ailleurs qu'être présentée comme gênante. Ces derniers sont les plus nombreux d'une communauté immigrée qui représente le tiers de la population ivoirienne. A cette tension s'ajoute la concentration de cette main-d'œuvre dans le secteur économique clé du pays: le cacao. Premier producteur mondial, la Côte d'Ivoire compte 620.000 plantations de cacaotiers où travaille la moitié des ressortissants du Burkina Faso présentés dans le territoire. «Qui ira aux champs si les planteurs ou leurs employés ne se sentent pas en sécurité», s'inquiétait un gros producteur ivoirien dont le personnel immigré se voit chassé malgré l'approche de la saison des récoltes. Le cas du leader de l'opposition RDR, Alassane Ouattara, est tout aussi révélateur. Ce musulman originaire de Korhogo, au nord, ex-Premier ministre et responsable du FMI, a été à chaque échéance électorale -à commencer par celle de la présidentielle de 2000 remportée par le socialiste Gbagbo -exclu de toute participation pour «nationalité douteuse». Décision qui avait entraîné des combats entre partisans du Front populaire ivoirien et ceux du Rassemblement des républicains: au moins 300 morts. Après un exil d'une année, Ouattara était revenu en décembre dernier dans son pays et avait obtenu ses papiers d'identité ivoirienne en juin, ce qui avait entraîné de nouveaux troubles. Mercredi, plusieurs milliers de jeunes Ivoiriens ont protesté devant l'ambassade de France à Abidjan, où le leader -victime d'une tentative d'assassinat- est réfugié depuis jeudi. L'appel à cette manifestation avait été lancé sur la radio nationale par des personnalités connues pour leur extrémisme. Rejetant les accusations publiées par le journal du parti du président Gbagbo, le gouvernement burkinabé avait déjà décidé mardi la fermeture de ses frontières terrestres avec la Côte d'Ivoire. «Le Burkina, qui dément toute implication», entend «démontrer clairement (qu'il n'a) rien à voir dans cette crise» a alors affirmé Moumouni Fabré, ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation. «Si des hommes armés tentent de s'infiltrer, nous les désarmerons et les remettrons à la Croix Rouge», a-t-il ajouté. Le même jour, les autorités burkinabés avaient envoyé une lettre de protestation aux autorités ivoiriennes pour dénoncer «les mauvais traitements dont ont été victimes de nombreux ressortissants». Sur le terrain, la Côte d'Ivoire se semblait pas trouver d'issue à une crise encore floue malgré l'envoi de plusieurs délégations régionales. Isolée de la plupart de ses voisins, elle a vu l'arrivée de quelque 200 soldats américains et d'un détachement militaire britannique envoyés pour assurer la sécurité de leurs ressortissants. Les Etats-Unis entendaient notamment protéger l'école américaine de Bouaké. Mais les forces françaises semblaient avoir pris les devants en sécurisant ce mercredi l'établissement où se trouvent 170 enfants. Un autre convoi français a également quitté Yamoussoukro pour Bouaké tandis que les combats entamés lundi soir entre forces gouvernementales et rebelles se poursuivaient toujours. La confusion aussi.