Larbi El Harti, un jeune écrivain marocain, a reçu un prix littéraire en Espagne. Il a été récompensé par Sial Nobel, un Prix international qui a pour objet la promotion des jeunes talents dans le domaine littéraire. Ce Prix intervient à point nommé pour rappeler que les relations politiques ne sauraient altérer les rapports culturels entre le Maroc et l'Espagne. Sial est une maison d'édition qui s'est dévouée depuis des années aux jeunes écrivains hispanophones. Le prix qu'elle leur attribue entraîne systématiquement la publication du manuscrit qui a été soumis au comité de rédaction. La valeur marchande de ce prix est modeste (60 000 DH), mais son attribution entraîne une large distribution de l'auteur primé dans les pays hispanophones, lui assurant de la sorte une présence dans un grand marché du livre : l'Amérique du Sud. Le livre de Larbi El Harti est actuellement sous presse. Intitulé « Mémoire de clou de girofle », il rassemble sept nouvelles qui mettent en scène autant de femmes différentes. Des Marocaines, des Espagnoles, Des Marocaines nées ou vivant en Espagne. Le chassé-croisé entre les deux cultures sert de toile de fond aux récits de l'auteur. « Il s'agit de regards croisés entre deux cultures. Chaque personnage vit une initiation qui modifie son rapport aux choses. L'identité de soi s'éprouve aussi dans le rapport à l'autre », dit l'auteur. Cette initiation s'effectue dans des eaux troubles. «Un personnage forge son imaginaire dans un univers différent de celui dont il est issu. Un personnage peut découvrir sa propre culture grâce au regard étranger de l'autre, c'est cela peut-être le fin mot de mes nouvelles », précise Larbi El Harti. Le livre sera dans les librairies à partir du mois de novembre. On ne peut pas donc se prononcer sur sa qualité. On peut en revanche louer le travail de l'intéressé, l'une des personnes qui oeuvrent le plus activement pour le rapprochement des artistes et des intellectuels marocains et espagnols. Il est l'initiateur des rencontres poétiques qui ont rassemblé poètes espagnols et marocains lors du dernier festival de Rabat. Il a également traduit des poésies espagnoles en arabe et réciproquement. Interrogé sur son sentiment après l'obtention de ce prix, Larbi El Harti répond : «J'éprouve une satisfaction personnelle, et cela me donne la possibilité de travailler en vue d'une plus grande communication entre les deux ». Ce prix intervient en effet à un moment où les rapports entre les deux pays sont au plus bas. L'intéressé insiste sur le fait que les tensions politiques ne sauraient altérer les rapports culturels. «Le travail fondé sur l'amitié et l'estime entre les artistes et les intellectuels des deux pays est une réalité qui existe et existera, indépendamment des problèmes d'ordre politique». Il ajoute : « la résistance par la culture doit s'accroître et les politiques seraient fondés d'apprendre de ce que des personnes anonymes, aussi bien marocaines qu'espagnoles, font tous les jours pour consolider les ponts entre nos deux pays ». Larbi El Harti fait incontestablement partie de ces hommes qui nagent à contre-courant de la surenchère politique. Il a conçu le projet d'une caravane réunissant des artistes, des écrivains et des intellectuels des deux pays. La caravane partira de Barcelone, s'arrêtera dans plusieurs villes espagnoles et marocaines, avant d'atteindre son point d'arrivée à Marrakech. L'homme est donc un passeur. L'un de ceux qui travaillent le plus activement, mais loin des feux des projecteurs. Cet homme, né en 1961, a déjà publié un recueil de poésie en Espagne. Il enseigne la littérature espagnole à la Faculté des lettres de Rabat. Il a écrit une thèse portant sur l'autobiographie dans la poésie espagnole contemporaine. Et justement ses nouvelles sont « basées sur des faits autobiographiques » comme il le rappelle. Ses clous de girofle tombent à point nommé à un moment où le gouvernement de Monsieur Aznar se livre à un casse-tête chinois pour enfoncer irrémédiablement les relations entre le Maroc et l'Espagne. À défaut de lire ce recueil, Aznar & Co devraient se serrer étroitement la tête avec des girofles pour se guérir du mal du Maroc.