La campagne présidentielle bat son plein en France. Vue du Maroc, cette échéance est suivie attentivement compte tenu des divers intérêts et passerelles qui relient les deux pays. Entre Chirac, côté cœur, et Jospin, côté raison, les préférences des Marocains balancent. Mais, c'est d'abord une affaire franco-française. Passionnées. C'est le terme qui qualifie le mieux les relations maroco-françaises. Depuis l'indépendance et tout au long du règne de feu SM Hassan II, les rapports entre Rabat et Paris ont été marqués d'une succession d'embellies et de «brouilles», qui n'ont jamais véritablement remis en question la qualité des liens de partenariat entre les deux pays, la France demeurant le premier partenaire européen du Maroc. Au fil de la succession des présidents français à la magistrature suprême, les rapports entre les deux pays ont, selon les cas, soufflé le chaud ou le froid. Si, sous Charles de Gaules, le cordon entre les deux partenaires a connu un extrême degré de tension suite à l'affaire Ben Barka, l'accession de Valery Giscard d'Estaing a permis de consacrer une embellie qui devait durer longtemps. Sous le mandat François Mitterrand, les caprices météorologiques ont de nouveau régné dans le ciel bilatéral, souvent en relation avec des positions officieuses françaises à l'égard de la question du Sahara marocain. Si l'horizon maroco-français ne s'est pas irrémédiablement assombri alors, c'est grâce d'une part à la volonté des chefs des deux Etats d'effacer les nuages passagers au profit d'un partenariat bénéfique aux deux parties, notamment à travers deux voyages du président Mitterrand au Maroc en 1983 et 1984, et d'autre part à la modération de celui qui était alors le Premier ministre français : Jacques Chirac. C'est en cette période houleuse que le Premier ministre Chirac rappelle que la France n'a pas reconnu le Polisario, «cette organisation, je dis bien organisation, car ce n'est pas un Etat». Le président Chirac, candidat à sa propre succession, a toujours été un ami du Maroc. C'est au Maroc que Jacques Chirac a réservé son premier voyage officiel en juillet 1995, moins de trois mois après son élection à la présidence. Au Royaume, Jacques Chirac effectuera pas moins de quatre visites officielles. C'est également au Royaume que le président vient régulièrement se ressourcer à titre privé et en famille. Encouragé en cela par les «relations personnelles et affectueuses» que le président français dit avoir nouées avec la famille royale. C'est cependant, le vibrant hommage que Jacques Chirac rendra à feu SM Hassan II en juillet 2000, à l'occasion du premier anniversaire de la disparition du défunt souverain, qui donnera la pleine mesure du respect et de l'admiration que le président a eu pour le souverain. «Je lui dois en quelque sorte une initiation aux complexités et aux valeurs du monde arabe et musulman. Je lui dois des analyses visionnaires sur les drames, mais aussi sur les chances de la paix au Proche-Orient. Je lui dois une plus claire conscience des enjeux internationaux, du rôle de l'Europe en Méditerranée mais aussi de ce que le monde attend de la France», écrit le Président français dans un message lu par l'ambassadeur d'alors Michel de Bonnecorse. «J'ose affirmer que le grand roi que fut feu SM Hassan II a doublement accompli son destin. Grâce à lui et grâce au nouveau souverain, le trône est plus que jamais le lien sacré entre tous les Marocains», ajoute M. Chirac dans son message. Le septennat Chirac aura en définitive fait revivre aux relations maroco-françaises une embellie de l'essor de celle qu'elles connurent du temps de Valery Giscard D'Estaing. Cela a toutes les chances de durer en cas de réélection du candidat Chirac. Sans pour autant que soient remises en cause les bonnes dispositions de la gauche française post François Mitterrand et post alternance vis-à-vis du Maroc.