Le président algérien, candidat à sa propre succession, multiplie les pirouettes à l'approche du scrutin du 8 novembre. Au menu, critiques de l'Armée et flirt avec d'anciens émirs de l'AIS. A mesure que l'échéance électorale du 8 avril approche, Abdelaziz Bouteflika qui n'a pas encore digéré l'accueil de Tizi Ouzou, en pays kabyle, multiplie les déclarations, les bains de foule, et les attitudes dont certaines sont pour le moins ambiguës : d'abord cette sorte d'adieu faite à Constantine, vendredi 2 avril, devant une foule de partisans : «Vous croyez que je suis venu demander le soutien ; mais peut-être suis-je là pour faire mes adieux» Des déclarations qui ont jeté la stupeur dans le camp présidentiel et qui ont fait l'objet de larges commentaires de la presse algérienne qui décèle une certaine «lassitude» dans le discours du président sortant. Entouré de deux généraux à la retraite et d'une pléthore de sénateurs, Bouteflika a ensuite clamé que «le rôle de l'armée est fini», avant de se rattraper vers la fin de son discours, pour scander avec fougue son appartenance à cette institution : «Que cela soit clair, je suis de l'Armée et pour l'Armée». Le mal est déjà fait. Cette sortie, selon le sociologue algérien, Liess Boukra, qui a accordé un entretien au quotidien “Liberté”, marque le divorce de Bouteflika avec l'ANP. Quelques jours auparavant, le général Lamrani a d'ailleurs exhorté l'administration a faire comme l'Armée, c'est-à-dire à rester neutre. A noter, lors de ce meeting, la présence pas assez discrète, mais en second rang, de quelques figures islamistes dont, selon la presse, «d'anciens émirs» de l'AIS reconvertis à la faveur de la «Concorde nationale». Critique, la presse algérienne accuse Bouteflika de vouloir jouer sur la vibre religieuse des algériens pour se faire réélire à la manière du Front islamique du Salut, en 1991. Vendredi dernier, plusieurs imams, relayés généreusement par la télévision du pays, ont axé leurs prêches sur les élections présidentielles, exhortant les fidèles à aller voter en masse en faveur du président-candidat. Interpellé à ce sujet par la presse, le ministère des Affaires religieuses a refusé de s'exprimer sur la question. Ce qui montre, selon Le Matin, «son implication directe dans la campagne électorale en faveur de Bouteflika». Le même journal accuse le chef d'Etat algérien de s'être attaqué dans son discours à Batna, le vendredi, aux «laïcs extrémistes», nom qui désigne certains organes de presse. Les observateurs pensent qu'il s'agit de “Liberté”, de “Le Matin”, d'“El Watan”, d'“El Khabar” et de “Le Soir d'Algérie”, très critiques à l'égard du chef d'Etat sortant. Mais plus que toutes ces déclarations, c'est l'ombre d'un certain Aïssa Lehilah, ex «émir » de l'Armée islamique du salut (AIS), selon la presse algérienne, aperçu régulièrement derrière le président Bouteflika, qui sème le trouble. Le 2 avril, les deux hommes devisaient côte à côte à Jijel, wilaya située à 350 km à l'est d'Alger, lors d'un meeting. “Le Matin” fait savoir notamment que Aissa Lehilah était celui qui édictait «les fatwas légitimant le djihad et les assassinats». Berceau de l'AIS, Jijel est l'une des villes les plus touchées par le terrorisme. C'est dans cette wilaya que l'AIS avait signé la trêve en 1997 avec le commandement de l'Armée populaire. Le discours islamiste de Bouteflika et son accointance avec les figures honnies d'hier, tiendraient, d'après ses partisans, d'une logique politique. Derrière les deux candidats nationalistes, le président sortant et Ali Benflis, Djaballah, président du parti «Islah», pourrait jouer un rôle d'arbitre en cas d'un second tour.