Comment crédibiliser une élection que tout le monde sait jouée d'avance? C'est le casse-tête actuel du régime algérien qui tente de susciter une candidature capable de donner un minimum de crédit à la présidentielle d'avril qui aboutira à un troisième mandat du président Bouteflika. Alger, qui veille toujours à sauvegarder les apparences surtout vis-à-vis de l'extérieur, fait donc tout pour que le président-candidat ne concourre pas avec des «sanafirs», comme l'humour algérois appelle les partis et personnalités de peu de poids auxquels on fait appel lorsqu'il faut donner l'illusion d'une compétition électorale. Jusqu'ici, et malgré dix-sept candidatures, cette tentative est restée vaine. Au point que les Algériens sont invités par SMS à s'inscrire sur les listes électorales et que Abdelaziz Belkadem, le secrétaire général du FLN, assure que «rien n'empêche les candidats dits lourds de se présenter»... L'impossibilité de trouver un lièvre crédible Tout incite au contraire les personnalités et les partis un tant soi peu crédibles, de l'ancien premier ministre réformateur Mouloud Hamrouche au FFS de Hocine Aït-Ahmed, à ne pas jouer les «lièvres» dans un scrutin sans enjeu: le désintérêt total de l'opinion ; le risque que cette élection aboutisse à nouveau au scénario des législatives de 2007 qui avaient vu un taux d'abstention record; la lassitude de la population face à des élections qui n'ont aucun impact sur sa vie (l'Algérie est le pays qui a le plus voté depuis 1995); l'identification du régime à une mafia et aux affaires et enfin le souvenir cuisant de la présidentielle de 2004. A l'époque, les services de sécurité et l'armée avaient réussi à créer l'impression d'une élection «ouverte» en faisant croire qu'ils ne soutenaient plus le président sortant Abdelaziz Bouteflika et que, dès lors, l'ex premier ministre Ali Benflis avait des chances de l'emporter...La promesse n'engageant que ceux qui l'ont cru, ce dernier a été battu à plate couture. Ultime raison du refus de se compromettre dans ce simulacre électoral, y compris de la part de personnalités qui, à l'instar de Saïd Sadi, se sont forgées une crédibilité à l'extérieur tout en faisant un long morceau de chemin avec le régime: l'impression que ce troisième mandat durera seulement le temps que le permettra la santé d'Abdelaziz Bouteflika. Intégrer les islamistes dans la course La rebuffade la plus spectaculaire est quoi qu'il en soit venue de l'ancien président Liamine Zeroual pressé depuis de longs mois de se porter candidat, comités de soutien -souvent inspirés par le pouvoir- à l'appui. Le 13 janvier, le général Zeroual a mis fin à l'espoir de le voir venir homologuer l'existence d'une compétition électorale réelle. Dans un communiqué faisant clairement allusion au président-candidat, il a souligné l'importance de «donner une chance à l'alternance au pouvoir » et s'est dit «étranger à la notion d'homme providentiel». A moins de trois mois d'un scrutin, dont la date précise n'est toujours pas connue -et où tout est plus opaque que jamais au sommet de l'Etat, sauf la toute puissance du président Bouteflika et de son clan-, le régime semble désormais vouloir intégrer les islamistes dans la course. Non seulement pour la crédibiliser mais pour engranger les voix de l'opposition islamiste et faire ainsi baisser le taux d'abstention. L'hypothèse est d'autant plus plausible que le pouvoir penche culturellement aujourd'hui du côté islamiste. Dans ce cadre, plusieurs noms circulent, de Mohamed Saïd à cheikh Abdallah Djaballah, dont on suppose qu'il pourrait fédérer les courants islamistes, rallier une partie de la base de l'ex-FIS et des repentis de son ex-bras armé, l'AIS, voire même créer une troisième force islamiste pacifiste... En attendant, l'équipe de Abdelaziz Bouteflika prépare un show grandiose pour le non évènement que représente l'annonce, prévue début février, de sa candidature.