ALM : Est-ce que votre dernière réunion avec le gouvernement a permis d'avancer, notamment concernant la réforme des caisses de retraite? Miloudi Moukharik : Notre dernière réunion avec le chef de gouvernement, les ministres concernés et la présidente de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) est venue dans le cadre de la commission supérieure de concertation. Nous avons eu des échanges concernant la situation sociale et économique du pays. Nous avons également abordé les conditions de travail et de vie des salariés. Il a ainsi été convenu de retenir un certain nombre de thèmes. Le premier concerne les caisses de retraite, notamment la CMR. La délégation de l'UMT a rappelé que la question a été soulevée depuis 2003. Il est regrettable aujourd'hui que la commission nationale de la réforme des caisses de retraite ne se soit réunie qu'une seule fois depuis sa création. La commission technique et les cabinets d'études ont donc continué à faire cavalier seul. C'est la raison pour laquelle nous avons insisté pour que la réunion de la commission nationale se tienne le plus rapidement possible pour sauver les caisses de retraite. Le deuxième thème concerne la réforme de la fiscalité puisque tous les salaires sont aujourd'hui fortement imposés. Dans ce sens, il a été convenu de tenir des Assises de la fiscalité en avril prochain. Le troisième axe est relatif à la Caisse de compensation qui nécessite une profonde réflexion. De même, nous avons soulevé les libertés syndicales qui sont encore bafouées dans les secteurs public et privé malgré la nouvelle Constitution et les conventions internationales signées par le Maroc. Enfin, nous avons évoqué l'échelle mobile des salaires qui reste un sujet important. Le coût de la vie ne cesse d'augmenter alors que les salaires sont en stagnation. L'échelle mobile des salaires peut être une bonne solution puisqu'elle consiste tout simplement à indexer les salaires sur le coût de la vie.
En attendant la réunion de la commission nationale, le dernier passage au Parlement du chef de gouvernement a été consacré à la réforme des caisses de retraite. Comment avez-vous trouvé les arguments défendus par M. Benkirane ? Le chef de gouvernement n'a pas défendu des arguments. Il a plutôt fait le diagnostic que nous connaissons tous. Nous n'avons pas cessé depuis 2003 de tirer la sonnette d'alarme mais malheureusement l'ancien gouvernement était en quasi-hibernation durant 5 ans. Aujourd'hui, si la CMR connaît des problèmes financiers, il faut déterminer les causes. Si ces épargnes des fonctionnaires avaient été bien placées et fructifiées, la CMR ne se serait pas retrouvée aujourd'hui dans cette situation. Il faut d'abord déterminer les causes à l'origine de ce problème puis choisir l'un des scénarios de réforme proposés par les experts. Mais aucune réforme ne doit se faire au détriment des intérêts des fonctionnaires.
D'un point de vue plus global, nous constatons qu'il y a un rapprochement entre le patronat et les syndicats alors que le dialogue avec le gouvernement piétine. Pourquoi ? Il n'y a pas de rapprochement entre le patronat et les syndicats. Il existe plutôt des relations de négociations et de partenariat tout à fait normales. Il ne faut pas oublier que la CGEM est la seule partie habilitée à discuter d'un certain nombre de dossiers concernant le secteur privé. De même, il ne faut pas donner une interprétation politique à la signature du pacte social entre la CGEM et l'UMT. Lorsque les lois ne sont pas respectées dans le privé, nous jouons notre rôle de défendre les salariés par l'adversité. Idem avec le gouvernement. Mais les divergences avec le gouvernement sont légion, notamment concernant la loi organique de la grève et la loi des syndicats ainsi que les retenues sur les salaires des grévistes… On ne peut pas être d'accord avec tous les gouvernements sur tous les dossiers. S'agissant de la grève, c'est un droit hautement symbolique et constitutionnel. Nous constatons que les responsables qui prônent la loi sur les grèves veulent plutôt restreindre ce droit constitutionnel. De notre côté, nous voulons une loi qui protège ce droit selon des mécanismes bien définis. En ce qui concerne les ponctions sur les salaires, le gouvernement a choisi la voie facile en effectuant des retenues sur les salaires des grévistes. Ceci constitue une atteinte à un droit constitutionnel. Le choix unilatéral fait par le gouvernement va tout juste amplifier le problème.