Nabil El Bousaadi Après la mort, dans des conditions douteuses, de Mahsa Amini, une jeune iranienne de 22 ans, trois jours après son arrestation le 13 septembre, par la police des moeurs, pour «port de vêtements inappropriés» – évènement qui avait marqué le point de départ des manifestations qui se poursuivent aujourd'hui encore – l'ONG, Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, a fait état de la mort d'au moins 54 manifestants en neuf jours de protestations alors que Human Rights Watch (HRW), a parlé, de son côté, de 51 personnes qui seraient tombées sous les tirs de la police ; des chiffres qui sont appelés à «grossir» du moment que la contestation semble loin d'être à bout de souffle. Mais comme toutes les morts ne font pas le même bruit même si tout mort est toujours un mort de trop, c'est le décès, sous les balles des forces de l'ordre, le 25 Septembre, à Karaj, une ville de la province d'Alborz située à 30 kilomètres à l'Ouest de Téhéran, d'une autre jeune femme de 20 ans, Hadis Ndafaji, qui a retenu l'attention, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Iran, car sur les vidéos amateurs publiées, en boucle, sur les réseaux sociaux, en marge de ces manifestations, l'intéressée apparaissait, très souvent, en première ligne, sans voile et le front haut alors même que le président Ebrahim Raïssi avait exhorté les forces de l'ordre à agir « fermement contre ceux qui portent atteinte à la sécurité et à la paix du pays et du peuple » et qu'en lui emboitant le pas, le chef du pouvoir judiciaire iranien a menacé, dimanche, de ne faire preuve d'«aucune indulgence» envers des manifestants. Mais si la mort de Mahsa Amini avait donné le coup d'envoi des émeutes contre le régime des Mollahs, force est de reconnaître que celle de Hadis Ndafaji, a profondément marqué les esprits et ému la twittosphère car sur une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 24 septembre – soit peu de temps avant que six balles tirées par la police ne transpercent son frêle corps de jeune fille – on la voit de dos, sans voile, nouant ses cheveux et se préparant à affronter les forces de la répression. Au vu des nombreux messages qui lui ont rendu hommage sur les réseaux sociaux, Hadis Ndafaji est rapidement devenue un symbole de la lutte des femmes contre la répression féroce et sauvage exercée à leur encontre par le régime des Mollahs même si elle n'est ni la première ni la dernière manifestante à avoir été tuée et que nombreux sont les jeunes hommes qui ont été abattus au cours de ces émeutes car, après la mort de Mahsa Amini, ce sont plutôt les visages des martyres de la cause des femmes qui ont été mis en avant par les réseaux sociaux. Face à cette répression féroce et d'un autre âge, la colère ne cesse de monter aussi bien dans la rue que sur les réseaux sociaux. Aussi, en étant soucieuse de dresser les listes précises des personnes décédées portant mention de la cause de leur mort et de la ville où ils ont été tués, des morts non identifiés et des personnes arrêtées mais en déplorant, aussi, le fait que le régime « débranche » progressivement le pays d'Internet, la «Human Right Activists News Agency» (HRANA), une ONG de défense des droits humains, demande aux internautes de se dépêcher de l'aider «à collecter des informations plus précises sur les détenus et les morts des manifestations en Iran». Une autre ONG, Iran Human Right, a déclaré, de son côté, que pour rendre aux familles les dépouilles de leurs proches tombés lors de ces manifestations, le pouvoir exige, parfois, que leur enterrement soit effectué de manière secrète. Enfin, «face à la mort de Mahsa Amini et à la façon avec laquelle les forces iraniennes ont répondu aux manifestations » auxquelles elle avait donné lieu, l'Union européenne qui a condamné, ce dimanche, l'usage «généralisé et disproportionné de la force » contre les manifestants a décidé de « continuer à examiner toutes les options à sa disposition avant le prochain Conseil (des ministres des) Affaires étrangères» et le chef de sa diplomatie, Josep Borell, a dénoncé «la violation flagrante de la liberté d'expression» suite à la décision prise par les autorités iraniennes « de restreindre drastiquement l'accès à Internet et de bloquer les plateformes de messagerie instantanée». Les manifestants donnant l'air de ne point être au bout de leurs peines en dépit de la recrudescence des morts et de la violence avec laquelle leur font face les forces de l'ordre, tout indique que la contestation est là pour durer mais attendons pour voir...