Nabil El Bousaadi «Pendant toutes ces années, ils ont fait de nous ce qu'ils voulaient. Ils nous insultaient, nous tiraient dessus, nous contrôlaient par la peur... mais ça suffit ! (...) Ces derniers jours [les soldats] avaient des matraques et des gaz lacrymogènes. Et maintenant, ils ont des armes et ils nous tuent (...) Beaucoup de gens sont morts, bien plus que le bilan officiel qu'ils ont donné... Nous avons très peur mais si on ne descend pas dans la rue malgré la répression, ces gens seront morts pour rien (...) Nous espérons la chute du régime et un jour çà arrivera !». C'est en ces termes que Sara, une jeune manifestante iranienne de 26 ans, a décrit, à « France-Info », via un réseau informatique crypté, la violente répression qui s'est abattu sur le pays depuis la mort, dans des conditions douteuses, de la jeune Mahsa Amini, après avoir été arrêtée par la police des mœurs, le 13 septembre, pour n'avoir pas porté correctement le voile devant lui recouvrir la tête et le cou et dissimuler ses cheveux, comme l'a imposé aux iraniennes la Révolution islamique de 1979. Craignant que l'accès à l'Internet, déjà fortement restreint, ne soit totalement suspendu, puisqu'au sixième jour des manifestations, les autorités ont déjà bloqué l'accès à Instagram et à WhatsApp, Sara a saisi cette occasion pour lancer un véritable cri d'alarme : « S'ils coupent les connexions pour nous isoler complètement du reste du monde, ne nous oubliez pas s'il vous plaît. Souvenez-vous que nous nous battons contre ces monstres ! ». Pour rappel, depuis le blocage, ces dernières années, par le régime des Mollahs, des plateformes YouTube, Facebook, Telegram, Twitter et Tiktok afin d'étouffer la liberté d'expression, les seules « fenêtres » qui permettaient encore aux iraniens de bénéficier d'un semblant de liberté étaient Instagram et WhatsApp. Mais cette « liberté », au demeurant fort relative, ne sera que de courte durée car, en suscitant de très vives condamnations tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la République islamique, la mort de Mahsa Amini a permis, au pouvoir, de donner un tour de vis supplémentaire même si, pour «arrondir les angles», le président iranien, Ebrahim Raïssi, en visite à New York, ce jeudi 22 septembre, pour participer à l'Assemblée Générale de l'ONU, a promis une enquête sur les conditions de la mort de Mahsa Amini. D'après l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, les manifestations auxquelles a donné lieu ce tragique évènement ont touché près de 80 villes iraniennes et fait, à ce jour, au moins 50 personnes. Mais, comme toute révolution donne lieu, généralement, à une contre-révolution et que les manifestations en cours ont pour raison d'être la condamnation, ferme et sans équivoque, de la loi sur le port du foulard et des autres règles attentatoires à la liberté imposées par la révolution « Khomeïniste », des organisations gouvernementales, soucieuses de « condamner les actions indécentes de quelques mercenaires qui ont [...] incendié des mosquées et le drapeau sacré iranien, profané le hijab des femmes, détruit des biens publics et porté atteinte à la sécurité » ont, dès vendredi, appelé à des contre-manifestations en faveur du port du voile. Mais, sur quoi donc vont déboucher ces protestations qui sont les plus importantes qu'a connu le pays depuis celles qui, en Novembre 2019, avaient été déclenchées par la hausse des prix de l'essence et qui, d'après Amnesty International, auraient fait plus de 300 morts et 230 selon un bilan officiel ? Au vu de tout cela est-il permis de croire que la contre-révolution anti-khoméiniste est en marche ou ne s'agit-il, dans le meilleur des cas, que d'un faux-départ ? Disons pour terminer que s'il est difficile de croire en la fin prochaine du régime des Mollahs étant donné l'intransigeance des enturbannés qui dirigent le pays depuis plus de quatre décennies, attendons pour voir...