Alliée militaire de l'Ukraine et partenaire économique privilégiée de la Russie, la Turquie tente, par tous les moyens, de s'imposer comme médiatrice dans la crise qui oppose Moscou à Kiev. C'est donc à ce titre que le président turc Recep Tayyip Erdogan a participé, ce jeudi, au ballet diplomatique actuellement en cours dans la capitale ukrainienne alors que l'Ukraine est toujours sous la menace d'une attaque par la Russie que les occidentaux accusent d'avoir massé quelques 100.000 soldats le long de sa frontière en vue d'une potentielle invasion ; ce qui a entraîné l'une des pires crises russo-occidentales depuis la guerre froide. Ayant été reçu en allié par le président Volodymyr Zelensky, le président turc qui reste le seul dirigeant de l'OTAN à rencontrer régulièrement Vladimir Poutine, a saisi cette occasion pour proposer d'organiser une entrevue entre le président russe et son homologue ukrainien. Recep Tayyip Erdogan a, également, profité de cette occasion pour signer, avec son homologue ukrainien, un accord visant à augmenter, la production, par l'Ukraine des fameux TB2, ces drones développés par Baykar, le fleuron de l'industrie turque de l'armement que Kiev avait déjà acquis auprès d'Ankara après l'annexion par Moscou de la Crimée en 2014 à un prix cinq fois moins cher que celui des appareils israéliens ou américains et que, par la suite la Turquie lui avait permis d'assembler sur son territoire. L'accord signé ce jeudi par Kiev et Ankara va permettre, également, aux deux pays de travailler ensemble sur un nouveau drone furtif qui devra être prêt en 2023. Or, même si Poutine et Erdogan ont développé une relation assez étroite ces dernières années, l'Ukraine reste, néanmoins, un sujet très sensible entre Moscou et Ankara qui tout en soutenant l'adhésion de Kiev à l'OTAN avait fermement condamné l'annexion de la Crimée par la Russie au nom de la protection de la minorité tatare turcophone dont elle est le berceau et fourni à Kiev les drones armés que l'armée ukrainienne utilise contre les séparatistes pro-russes du Donbass. Autant de raisons pour lesquelles la visite effectuée par Erdogan, ce jeudi, à Kiev a déclenché la colère du président russe qui, en lui téléphonant le jour-même, a dénoncé une «activité provocatrice» dans la mesure où, ces deux dernières années, les drones turcs ont renversé le cours de la guerre aussi bien en Libye que dans le Haut-Karabakh et ce, au détriment des protégés de la Russie ; ce qui inquiète fortement le Kremlin. Mais bien que la Russie et la Turquie soient opposées en Syrie et que le président turc avait fustigé l'annexion de la Crimée, force est de reconnaître, toutefois, que Moscou et Ankara se ménagent mutuellement et que Poutine reste bien content d'être parvenu à vendre à Erdogan ses missiles sol-air S400 puisque cela lui avait permis, à la fois, de bousculer l'OTAN et de semer la zizanie entre Washington et Ankara qui s'était, dès lors, trouvée exclue du programme d'avions de chasse américains F-35. Mais la Turquie n'est pas la seule à proposer une médiation entre Moscou et Ankara car, en lui emboitant le pas, Paris a, le jour-même, envoyé ses émissaires à Kiev à l'effet de rapprocher les points de vue de la Russie et de l'Ukraine et ce, au moment-même où Washington a assuré, par la voix de John Kirby, le porte-parole du Pentagone, avoir des preuves que Moscou préparait une vidéo de fausse attaque ukrainienne en guise de prétexte pour envahir l'Ukraine. «Nous pensons que la Russie pourrait produire une vidéo de propagande très violente qui montrerait des cadavres et des acteurs jouant le rôle de personnes en deuil ainsi que des images de lieux détruits avec des équipements militaires ukrainiens ou occidentaux (...) Nous avons des informations selon lesquelles les Russes veulent probablement fabriquer un prétexte pour une invasion ; ce qui correspond tout à fait à leurs façons de faire». S'achemine-t-on réellement vers une invasion de l'Ukraine par la Russie ? Attendons pour voir...