Alors que depuis dix jours la rue algérienne est en ébullition pour dénoncer l'idée-même d'une cinquième candidature à la magistrature suprême du pays de Bouteflika, un président moribond dont la mobilité et l'élocution sont réduites depuis qu'il avait été victime d'un accident vasculaire cérébral en 2013, ce dernier parti en Suisse – comme si de rien n'était mais vraisemblablement à cause d'une détérioration de son état de santé – a quand même pris soin de «donner ses instructions» pour que son nouveau directeur de campagne dépose sa candidature auprès du Conseil Constitutionnel dans les délais requis puis d'adresser aux algériens un message leur disant qu'il aurait «entendu» leurs doléances. A-t-il réellement entendu le cri de la rue? En est-il seulement capable ? Nul ne pourrait y croire car les algériens, qui ne sont pas dupes, savent pertinemment que Bouteflika ne tient plus les rênes du pays depuis son AVC. Qui commanderait le pays alors ? Ses deux frères et quelques courtisans, galonnés ou non, qui gravitent depuis toujours autour du chef de l'Etat. Sûr de lui-même et de sa victoire, celui que le peuple algérien n'a plus entendu parler depuis plus de six années se serait même engagé à organiser des élections présidentielles anticipées à la date qui sera fixée par la Conférence nationale indépendante et à ne pas y participer. Il consentirait donc à partir mais sans être chassé. En demandant, en somme, au peuple algérien de voter pour lui -rien que cette fois-ci, comme dirait un petit enfant après avoir été sévèrement réprimandé- il lui promet de passer le flambeau « dans des conditions incontestables de sérénité, de liberté et de transparence». Monsieur le Président se serait, également, engagé à faire adopter, par référendum, une nouvelle Constitution qui «consacrera la naissance de la nouvelle république» et garantira une nouvelle «redistribution des richesses et l'élimination de la marginalisation et de l'exclusion sociales». Le message attribué au vieux président devenu candidat-président évoque également une «révision de la loi électorale»; un vrai programme de campagne auquel nul ne croit à l'exception de sa garde rapprochée qui pensait faire taire la rue en essayant de le lui faire avaler. Mais rien n'y fit ; la ficelle est tellement grosse que tous les algériens voient clairement que ce ne sont pas les mains du vieux président moribond qui la tiennent. Aussi, après ce message qui n'avait pas lieu d'être puisque la meilleure façon de «changer le système» aurait consisté à renoncer à provoquer la colère des algériens en briguant ce cinquième mandat la confiance est bel et bien rompue entre le pouvoir et le peuple algérien descendu en masse, dans toutes les villes du pays, pour dénoncer pacifiquement la mascarade en cours. C'est, en effet, par milliers que, partout dans le pays, les algériens sont sortis dans la rue pour dénoncer cette candidature en scandant des slogans hostiles au pouvoir et en réclamant « la fin de l'humiliation du peuple » et l'instauration d'une nouvelle république. Des députés FLN n'ont pas hésité à dénoncer la position de leur parti. L'un d'eux, Khaled Tazaghart, qui a annoncé sa démission, a déclaré : «Le peuple a tranché contre un 5ème mandat et pour le changement (…) Notre alliance est avec le peuple et le sort de notre chère nation est plus que jamais menacé». Au vu de l'important rejet de la cinquième candidature d'un président moribond, le bras-de-fer actuellement engagé entre le pouvoir et le peuple va-t-il servir de prélude à un printemps algérien avec une passation pacifique du pouvoir ou alors allons-nous assister à une réédition de cette décennie noire de la «guerre civile» qui avait fait plus de 200.000 morts après la décision des autorités d'annuler les élections législatives de 1991 quand le Front Islamique du Salut – dissous par la suite – y avait obtenu une avance très confortable au premier tour? Espérons que cette fois-ci le bon sens va l'emporter, que les vieux généraux véreux et autres caciques corrompus du vieux FLN vont accepter de se dessaisir pacifiquement du pouvoir et attendons pour voir…