Quel sera l'avenir – si tant est qu'il en existe un – de la relation entre l'Algérie et le Maroc après le scrutin du 17 avril ? Sauf miracle des autres candidats adversaires de Bouteflika, personne ne se hasarde à en donner cher. Ainsi donc, persistant et signant, Abdelaziz Bouteflika brigue-t-il un quatrième mandat présidentiel ! Ce n'est pas que l'événement, quoiqu'en pensent les uns et les autres, était inattendu. Bien au contraire, non qu'il surprenne encore ceux qui le vouaient sinon à une mort clinique, à tout le moins attendaient de lui une sage décision de retrait, enfin justifiée. Elu pour la première fois à la tête de la République algérienne, le 15 avril 1999, soit trois mois avant le décès de feu Hassan II, il rempilera pour un second mandat, cinq ans après, et sera élu officiellement le 12 avril 2005 avec 85% des voix. Non content d'engranger des scores de voix, il briguera un troisième mandat et sera réélu le 9 avril 2009, comme candidat «indépendant», autrement dit non affilié, en obtenant près de 91% des suffrages exprimés. C'est plus qu'un plébiscite, il est conforté dans sa vertueuse vision que «l'Algérie sans Bouteflika court à sa ruine» ! En présentant fin février sa candidature pour le scrutin présidentiel du 17 avril prochain, Abdelaziz Bouteflika sera le «challenger» anachronique de 11 autres adversaires, dont le plus notoire est Ali Benflis, son ancien premier ministre jusqu'à son éjection en 2003. Ce dernier s'était d'ailleurs présenté en 2005 pour briguer la présidence de la République et fut battu par Bouteflika. On se doute qu'en présentant de nouveau sa candidature, Ali Benflis donne à sa candidature un air de revanche non consommée. Qui plus est, il part en campagne électorale avec une conviction chevillée au corps que le peuple algérien optera pour le changement raisonnable. Il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel d'Algérie a retenu en fin de compte douze candidats sur un nombre initial de pas moins de 130, mais tous n'ont pas réussi à recueillir les 60.000 signatures pour valider leurs candidatures avant la date du 4 mars dernier. Cela fait donc quinze ans que Abdelaziz Bouteflika règne sans partage sur l'Algérie et n'en démord pas, tant s'en faut, de quitter le pouvoir. Agé de 78 ans, il a été victime d'un grave accident vasculaire cérébral qui l'a conduit à être dirigé dare-dare à l'hôpital du Val de Grâce à Paris où il est resté hospitalisé plus de 80 jours. A telle enseigne que beaucoup y voyaient comme l'approche d'une fin crépusculaire et s'étaient mis à tirer sur des plans de la comète...Ses adversaires en auront pour leurs frais, lorsque le 3 mars, diminué à tous points de vue, voix inaudible et mains tremblotantes, il annonça sa candidature pour un 4ème mandat et apposa sa signature devant le président du Conseil constitutionnel venu l'entériner. Sans surprise à vrai dire, mais sidérant... Un sphinx qui renaît de ses cendres, une irascible et hallucinante méprise envers le peuple algérien, ses institutions, la démocratie...C'est l'illustration d'une gérontologie au mode moribond d'un Andropov ! Pendant son hospitalisation à Paris, d'aucuns se sont hasardés à crier leur colère pour dénoncer un «coup d'Etat médical», dans la mesure où le secret a entouré sa maladie et que le débat sur la succession, légitime et logique en de pareilles circonstances, a été soigneusement escamoté. En aurait-il un débat sur la succession de Bouteflika qu'il serait celui des dupes. Les caciques du FLN sont montés au créneau bien avant l'annonce de sa quatrième candidature pour préparer l'opinion et prévenir et éradiquer le mouvement de protestation légitime qui s'est esquissé, mais qui a été tué néanmoins dans l'œuf. Bouteflika a phagocyté le débat national, à la fois sur l'opportunité présidentielle – celle qu'il s'offre et se taille à vrai dire – pour rempiler une quatrième fois et sur la règle d'or de toute démocratie : le retrait volontaire et honorable de la scène qui eût ouvert pour lui le chemin de la gloire et donné aux autres, y compris ses adversaires, l'obligation de lui tresser des couronnes ! Une vague, une déferlante de protestations a traversé l'Algérie pour dénoncer sa décision de briguer un quatrième mandat, et il n'est pas jusqu'à ses propres partisans qui n'aient souhaité le voir abandonner le pouvoir au profit de nouveaux visages. «On prie le bon Dieu pour garder en bonne santé notre président ; mais il faut qu'il cède sa place maintenant à quelqu'un qui a des idées pour le pays», a affirmé un vieux partisan du FLN. La question qui se pose désormais, inconsolable, accablante pour lui et ses partisans est la suivante : un président si réduit pourrait-il diriger encore pendant quatre à cinq ans de nouveau, une Algérie plombée par le chômage endémique des jeunes, une violente lutte de classes – eh oui ! – et de clans, l'exclusion programmée de la majorité des populations des rentes du pétrole et du gaz, une présence caricaturale enfin ! Il ne faut pas oublier que le peuple algérien et la communauté internationale n'ont pas entendu sa voix depuis un certain discours, prononcé à Sétif en...mai 2012 ! Motus et bouche cousue. L'Algérie est confrontée depuis longtemps au même et sempiternel problème, celui d'être engloutie dans l'escarcelle imparable du «complexe militaro-FLN», cercle vicieux auquel n'échappait nul candidat ou clan, désireux de conquérir le pouvoir par la voie démocratique, et de la corruption rampante qui écoule d'un système bien incrusté depuis ...1962. De surcroît, il existe un risque, érigé comme une pratique, qui est celui des fraudes électorales que les adversaires de Bouteflika ne cessent de dénoncer et qui faussent et discréditent à coup sûr les scrutins. Aux dernières élections de 2008, l'ambassade des Etats-Unis à Alger, dont on ne peut soupçonner une quelconque hostilité au gouvernement algérien, a exprimé ses surprises et s'était même inquiétée officieusement. Selon Wikileaks, «l'ambassadeur des Etats-Unis à Alger avait adressé une note à Washington pour dire: «Sans aucune surprise, le président Bouteflika a été réélu pour un troisième mandat le 9 avril au cours d'élections soigneusement chorégraphiées et scrupuleusement contrôlées» !