Mohamed Boussaid se voulait rassurant en répondant aux critiques et craintes des députés de la commission des Finances et du développement économique, réunis en fin de semaine dernière dans le cadre de l'examen général du projet de loi de finances 2018. Aux groupes parlementaires qui avaient émis des interrogations sur la poursuite de la décompensation, le ministre des Finances affirme que le gouvernement continuera à soutenir le sucre, le gaz butane et la farine nationale de blé tendre en attendant de disposer d'un registre commun de la population éligible. A travers cette base de données, le gouvernement entend affecter les subventions de manière plus ciblée au profit des catégories pauvres et vulnérables qui répondent aux critères d'éligibilité des programmes sociaux. Selon Boussaid, ce registre servira de base à l'ensemble des programmes sociaux, notamment le Ramed et Tayssir. Une fois le registre prêt, le gouvernement procèdera à la révision des modalités d'inscription à ces programmes. Gare donc aux fraudeurs qui en profitent sans répondre aux critères d'admissibilité, notamment ceux qui bénéficient à la fois du Ramed et de l'Amo. Le scénario retenu pour le sucre et la farine Le registre commun permettra surtout au gouvernement de procéder à la décompensation graduelle des trois produits qui restent. Le schéma retenu pour le sucre prévoit d'unifier les prix de vente de ce produit en mieux réglementant le prix sortie usine. Pour Boussaid, cette mesure est de nature à limiter les spéculations qui touchent actuellement le prix du sucre, permettant ainsi de réduire la subvention consacrée à ce produit. En fait, l'idée d'unifier les prix ne date pas d'aujourd'hui. Cette mesure est prévue dans le contrat-programme 2013-2020 conclu entre l'Etat et l'interprofession sucrière. Concernant la farine nationale de blé tendre, Boussaid plaide pour le parachèvement de la décompensation. Déjà, le volume de la farine subventionnée a beaucoup baissé pour s'établir à 6,5 millions de quintaux au lieu de 10 millions en 2009. En attendant le démantèlement de la subvention, le gouvernement compte revoir le système actuel de distribution de ce produit en fonction de la nouvelle cartographie de la pauvreté. Là encore, l'objectif est de mieux cibler les ménages ayant un faible niveau de vie. Il faudra aussi s'attendre à une réforme des droits de douane appliqués à l'importation du blé tendre en vue de favoriser la consommation de la production nationale tout en réduisant la facture des importations. Boussaid justifie les dettes des EEP L'endettement des établissements et des entreprises publics n'est pas passé inaperçu lors de l'examen général du projet de budget 2018. Les membres de la commission des finances de la Chambre des représentants ont interpellé Mohamed Boussaid sur les dettes colossales de ces établissements et surtout le recours à outrance au financement externe. En effet, la dette extérieure des EEP a atteint 312 milliards de dirhams à fin 2016 contre 301 milliards un an auparavant, soit 30,8% du PIB et 46% de la dette du trésor. A fin juin 2012, le volume de cette dette a atteint 171,4 milliards de DH. Boussaid explique que ces financements sont nécessaires pour accompagner les programmes d'investissements déployés par ces structures. Le volume des investissements est passé de 117,6 milliards en DH à 373,8 milliards sur la période 2012-2012. Pour le ministre, les EEP ne peuvent pas compter uniquement sur leurs propres ressources pour exécuter les projets d'investissements. Ces ressources ne représentent, en effet, que 30% du total des investissements. Les transferts de l'Etat ne suffisent pas non plus, selon Boussaid. D'où le recours à l'endettement extérieur. Pour rassurer les députés, Boussaid a affirmé que les EEP ne bénéficient du financement externe qu'après avoir élaboré des études profondes sur l'efficacité des investissements prévus et leur capacité à rembourser les prêts. D'ailleurs, la garantie de l'Etat est subordonnée à ces études. «Elle n'est accordée que si le projet d'investissement a un impact positif sur l'économie nationale», a rappelé Boussaid. Cinq grands établissements cumulent en fait des dettes colossales. A leur tête, l'OCP avec 10,8 milliards de DH. Viennent ensuite l'ONEE, l'ONCF, la Caisse de financement routier et la société Autoroutes du Maroc. Selon Boussaid, des réunions ont été tenues avec les pôles financiers de ces EEP pour examiner leur situation et identifier des solutions alternatives à l'endettement extérieur. Hajar Benezha
Les réserves de change se redressent Le ministre des Finances a également rassuré sur les causes de la baisse des réserves de change depuis le premier semestre de 2017. Selon lui, le déséquilibre des échanges extérieurs n'est pas en cause. «C'est l'effet d'annonce de l'entrée en vigueur du nouveau régime de change», explique-t-il. L'annonce du passage au nouveau régime s'est traduite par des approvisionnements record auprès de la Banque centrale, surtout en mai et juin derniers. En effet, les banques et les opérateurs économiques ont recouru à ces achats massifs pour se prémunir contre les risques de la flexibilité du dirham. En l'espace d'un mois, le matelas de changes a fondu de 20 milliards de DH. Mais la situation est revenue à la normale au lendemain de l'annonce du report de l'entrée en vigueur du régime de change flexible, a affirmé Boussaid. Depuis le 7 juillet, les réserves de change ont progressé de 25 milliards pour totaliser 227 milliards de DH. Elles couvrent actuellement 6 mois et 27 jours d'importations de biens et services. Au-delà du niveau des réserves de change, Boussaid a encore été interpellé sur l'impact du nouveau régime sur le pouvoir d'achat et les échanges commerciaux. Les prévisions du ministère des Finances montrent un impact limité dans la mesure où une hausse de 1% du taux de change devrait se traduire par une légère augmentation de l'inflation, allant de 0,15% à 0,25%.