La hausse de la dette en devises des entreprises et établissements publics est problématique à plus d'un titre. Un endettement qui pèsera sur les réserves de change. En 2017, la dette publique globale du Maroc devrait légèrement reculer. Selon les projections publiées récemment par le haut-commissariat au Plan, elle devrait passer de 81,8% du PIB en 2016 à 80,5% du PIB en 2017. A priori, c'est une bonne nouvelle pour nos finances publiques. Sa soutenabilité serait assurée, comme l'ont encore récemment affirmé le FMI, la Banque mondiale, et les pouvoirs publics. Mais plus que le niveau d'endettement public global, c'est bien la structure de cette dette, de plus en plus marquée par la hausse de sa composante extérieure, qui pose problème. Comme l'a relevé la semaine dernière le HCP, la composante extérieure de la dette prend le pas, depuis plusieurs années maintenant, sur sa composante interne, surtout pour les établissements et entreprises publiques (EEP). Et cela est un motif d'inquiétude pour le département de Ahmed Lahlimi. Les chiffres témoignent de l'envolée récente de la dette extérieure, principalement celle contractée par les établissements et entreprises publiques. Entre 2007 et 2015, la dette extérieure des EEP est passée de 56 milliards de DH à plus de 160 milliards de DH, dont près de 100 milliards de DH sont garantis par l'Etat. Elle représente désormais plus de 17% du PIB ! 53% de la dette extérieure publique est accaparée par les EEP quand le Trésor se contente de 46,8%. Ce bond significatif de l'endettement extérieur des EEP est lié aux énormes investissements opérés par les grandes entités publiques à l'image de l'OCP, l'ONCF, Masen ou encore Autoroutes du Maroc. Cette évolution de la structure de la dette remet en question la thèse de la soutenabilité. «Il est clair que quand la dette prend de l'ampleur dans sa composante externe, cela n'a pas la même signification que quand elle est cantonnée au niveau interne», souligne Najib Akesbi, économiste, joint par téléphone. D'autant que comme le souligne notre interlocuteur, il n'y a pas dans la littérature économique d'études claires et incontestables qui déterminent un seuil de soutenabilité. «Le seuil de 60% du PIB du FMI est plus un seuil politique qu'économique», indique-t-il. La LPL comme parapluie La dette extérieure publique, en particulier celle des EEP, a véritablement commencé à déraper vers 2012, concomitamment à l'accroissement des difficultés de la balance des paiements, de la balance extérieure, et l'ap parition des déficits jumeaux. «A partir de 2013, souligne N. Akesbi, il fallait non seulement affronter le déficit du Budget, mais aussi celui de la balance des paiements. Ce qui fait que le Maroc a dû non seulement s'endetter, mais s'endetter en devises». 2013, c'est aussi l'année où le Maroc a bénéficié de sa première Ligne de précaution et de liquidité (LPL) de la part du FMI. «Le message était clair: on va devoir de plus en plus emprunter au niveau du marché international, et on a donc besoin du parapluie de la LPL», analyse l'économiste. Le fait que cet endettement extérieur ait été davantage sollicité par les EEP que par le Trésor, est problématique pour au moins deux raisons. La première est liée au retour sur investissement. «Ces EEP se sont endettés d'abord pour financer des projets dont le moins que l'on puisse dire, est que leur rentabilité est lointaine, s'il y a rentabilité. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur l'activité des EEP montre que plusieurs entreprises sont en difficulté, et certains projets sont des gouffres financiers», signale Akesbi. La deuxième raison est relative à l'impact de cet endettement sur les réserves de change. «Il faut regarder le cycle de l'endettement», fait remarquer notre interlocuteur. «Le remboursement de la dette va peser de plus en plus sur nos réserves de change. Non seulement une grande partie de ces dettes est garantie par l'Etat, mais il faudra en plus puiser dans notre stock de devises pour les rembourser». En d'autres termes, la pression sur les réserves de change va s'accentuer, non pas par les effets traditionnels que l'on connaît, à savoir la hausse des importations, etc. mais par le remboursement de la dette des EEP. Quant à l'appétit des EEP pour les devises, il devrait aller crescendo dans les prochaines années. «Objectivement, ces établissements se sont engagés dans des programmes d'investissements colossaux, mais qui manifestement sont au-dessus de leurs moyens. Ils ont besoin de s'endetter», conclut Akesbi.