Les recettes fiscales ne couvrent que 60% des dépenses publiques, ce qui pousse l'Etat à s'endetter. La dette publique s'élève à 583 Mds de DH, soit 70% du PIB actuellement. Elle observe une tendance haussière depuis 2008. Entre 1983 et 2011, le Maroc a remboursé aux créanciers internationaux 115 milliards de dollars. L'endettement du Maroc a toujours été soumis à des conditionnalités. La facture de la dette reste globalement salée pour le pays selon des analystes. L'emprunt recèle de manière implicite une relation de domination. La première intervention du Fonds monétaire international dans le Royaume remonte à 1964. Le Maroc avait fait appel au FMI pour mobiliser sa quote-part. Déjà, en cette période, les conditions d'obtention de prêts étaient draconiennes. Cela a conduit à l'augmentation de 100% du prix du sucre, à la compression des dépenses sociales, et à l'augmentation des impôts directs et indirects. Les années 80 marquent l'introduction du Programme d'ajustement structurel (PAS) qui mettait l'accent sur des mesures de stabilisation. Il consistait à l'ajustement de l'offre et surtout de la demande. Cette réduction de la demande a augmenté les prix des produits de base, la baisse des salaires, du pouvoir d'achat et la compression de l'emploi public (gel des embauches). C'est en 1980, que la notion de «diplômés-chômeurs» a fait son apparition au Maroc. Ces mesures d'austérité des années 80 ont induit la baisse des dépenses d'éducation et de santé (respectivement 5 et 11%). La restructuration du service public (baisse des subventions) a conduit à la hausse du prix de l'eau et de l'électricité. Ce qui a naturellement préparé la privatisation. Une dette de haute facture Comme si l'histoire était un éternel recommencement, le Maroc a de nouveau bénéficié en 2012 d'une liquidité de précaution du FMI, pour un montant de 6,3 Mds de dollars. Et, ce, dans l'optique de faire face à un éventuel choc (volatilité des taux de change et des prix). Or il appartient à la réglementation financière internationale de stabiliser les taux de change. Comment sortir de l'endettement pour construire le développemnt? Telle est la question à laquelle a tenté de répondre le séminaire organisé récemment par l'association Attac Maroc. Il faut rappeler qu'en échange de ce prêt du FMI, le Maroc s'est engagé à réduire son déficit budgétaire de 7 à 3% du PIB à l'horizon 2017, ce qui induira une décompensation de 6 à 3% du PIB. Ces mesures imposées par le FMI au Maroc restent impopulaires aux yeux de certains car les classes populaires pâtiront de cette mesure de décompensation (augmentation des prix du carburant, des transports en commun et des produits de base). La solution que suggère le FMI est l'exemple brésilien qui consiste à un versement direct de sommes d'argent aux couches défavorisées. Cette méthode a des limites car au Brésil, seuls 59% de la population ciblée sont réellement atteints. Dans le cadre de cette ligne de crédit du FMI, le Maroc s'est engagé en 2012 à geler les recrutements ainsi que les salaires du secteur public. A ce titre, certains estiment que cela provoquera la baisse de la demande (dont la conséquence directe est la stagflation : inflation + chomage). D'autres experts estiment que le FMI mène une forte campagne de communication pour convaincre l'opinion publique que la Caisse de compensation est la mère de tous les maux actuellement. Ces spécialistes restent convaincus que la priorité absolue du FMI est d'établir un plan pour que le Maroc puisse lui rembourser au titre de la ligne de crédit. Les plus radicaux pensent pour leur part que les institutions financières internationales ne sont que des canaux appropriés pour maintenir la dépendance des pays en développement par le truchement de la dette. A l'heure actuelle, beaucoup de suspicions pèsent sur la notion de gouvernance. A ce propos, le Professeur Mohamed Harakat, intervenant lors du séminaire organisé par Attac Maroc, estime que la gouvernance est un concept de crise échafaudé pour les pays en développement afin que ces derniers rationalisent leurs dépenses, au mépris des conditions sociales pour payer leur dette. Par ailleurs, on observe au Maroc que l'on parle de plus en plus d'une dette «illégitime», du fait que, certains financements des organisations internationales se sont avérés être des «éléphants blancs» qui n'ont eu aucun véritable impact sur le développement du pays. A ce titre, des voix s'élèvent pour réclamer un audit de la dette publique. La Cour des comptes pourrait jouer un rôle important dans ce cadre. Les méthodes utilisées au Canada pourraient servir de modèle transposable au Maroc. L'engrenage de l'endettement Certains spécialistes estiment que le Maroc est entré dans le piège de la dette depuis les années 80 qui ont eu comme point d'orgue le PAS. Ils considèrent aussi que cette période marque les prémices de la situation de dépendance du pays. Car depuis lors, à chaque fois que l'Etat a été acculé face à des dépenses publiques croissantes causant le déficit budgétaire, il a préféré la solution de facilité. Celui-ci a opté pour la plupart du temps pour l'endettement au lieu de mettre en place des stratégies courageuses de réformes fiscales en profondeur. Pour le professeur Najib Akesbi : «le système fiscal marocain se trompe d'assiette». Il fait aussi observer que 60% des recettes du budget découlent de l'impôt sur la consommation. Ce qui s'avère inefficace (insuffisance des recettes) et injuste pour les classes populaires. D'où l'urgence de mettre sur pied la fiscalité agricole, la création d'un impôt sur la fortune et sur les successions, tout en garantissant leur réelle progressivité. Aujourd'hui, certains macroéconomistes estiment que le Maroc est repris par la crise des finances publiques. Chiffres à l'appui, la dette publique est actuellement de 583 Mds de DH, soit 70% du PIB. Ce qui est largement au-dessus du seuil de soutenabilité des 60% du PIB. Cette dette est 3,25 fois supérieure aux recettes fiscales. Depuis 2008, on constate une hausse effrénée de la dette publique. En faisant une intrusion sur le budget de 2013, on constate que les recettes fiscales ne couvrent que 60% des dépenses publiques, contre 85% en 1997. Les participations et autres recettes n'assurent que 10% des dépenses. Et le gap des 30% des dépenses publiques restants est financé par la dette. Pour certains, le plus préoccupant est que l'Etat est désormais obligé de s'endetter davantage en devises, vu la dégradation des déficits jumeaux (budget, comptes extérieurs). A cela s'ajoute le service de la dette qui représente 15 % du budget de l'Etat. D'autres spécialistes se défendent de jouer aux oiseaux de mauvais augure et, pourtant, la réalité et les indicateurs les confortent dans l'idée selon laquelle, la crise de l'endettement du pays est devant nous et que la dette observera lors des années à venir une tendance haussière. Ils préconisent un audit citoyen de la dette publique, ce qui est à leurs yeux une mesure de salut public, vu la gravité de la situation.