La dette publique poursuit sa trajectoire ascendante. Le seuil de soutenabilité des 60% du PIB est dépassé. Faut-il s'en inquiéter ? Les avis et les recommandations prodigués par différentes institutions s'opposent radicalement sur cette problématique. Actuellement, les finances publiques agrègent autour d'elles toute l'attention de l'opinion publique, comme en attestent les dernières Assises sur la fiscalité tenues à Skhirat. Elles cristallisent aussi des controverses, voire des quiproquos institutionnels, en ce qui concerne les voies pouvant constituer une panacée aux déséquilibres macroéconomiques. Pour peu que nous soyons vigilants, il est assez aisé de constater les discordances entre certaines institutions (Bank Al-Maghrib, le Haut commissariat au plan et le ministère de l'Economie et des Finances) quant à la politique macroéconomique à suivre pour sortir de «l'impasse». Parmi les sujets qui suscitent un intérêt ascensionnel, il convient de mettre l'accent sur la dette publique. Pour avoir un ordre de grandeur, seule la dette du Trésor public représente 57,8% du PIB en 2012, contre 47,1% en 2009 d'après le CMC. Et ces chiffres font abstraction de l'emprunt à l'international des établissements publics. Exacerbation de la hausse de la dette publique Le dernier rapport sur la dette nous renseigne de façon probante sur l'évolution croissante de la dette publique qui émaille les finances de l'Etat. Aussi, pour certains spécialistes chevronnés, les dépenses publiques de plus en plus croissantes couplées aux recettes fiscales insuffisantes (baisse de 3 Mds de DH des recettes de l'IS cette année), et étant à l'origine du déficit budgétaire prononcé de 7,1%, sont des facteurs endogènes qui présagent d'un alourdissement de la dette publique à l'avenir. Ainsi la dette intérieure du Trésor se chiffrait à près de 331,3 Mds de DH en 2011, soit une augmentation de 39 Mds de DH par rapport à 2010, et représentait 41,3% du PIB. Quant à la dette extérieure, elle est estimée à près de 99,6 Mds de DH. Elle est en augmentation de 7 Mds de DH par rapport à 2010 et représente près de 12,4% du PIB. Dans ce sillage, il convient aussi de rappeler qu'en août dernier, le Maroc a obtenu une ligne de crédits de 6,2 Mds de DH de la part du FMI pour permettre au Trésor de se constituer un financement d'appoint, et aussi d'éviter l'éviction du secteur privé à l'accès de liquidité au marché interne. Par ailleurs, la structure de l'endettement du Trésor souligne une prédominance de la dette intérieure par rapport à la dette extérieure. Les charges de la dette en intérêts sont également en nette augmentation de plus d'un milliard de DH par rapport à 2010. A cela, s'ajoute au niveau international, la crise d'endettement chronique des pays européens. D'où la survenance de l'assèchement et du renchérissement des financements à l'international et au niveau national, comme en témoignent les chiffres du HCP faisant mention d'un taux d'intérêt de plus de 5% pour l'émission des bons du Trésor à moyen terme en 2013. A ce titre, notons qu'une prochaine sortie du Trésor à l'international pour contracter un emprunt reste probable et sera annoncée par le ministère de l'Economie et des Finances d'ici le mois de juin. De plus, on constate que les charges en intérêts et commissions de la dette extérieure sont en hausse de 25% en 2012. La part de la dette extérieure a maintenu sa tendance haussière entamée depuis 2007. Concernant le financement du Trésor sur le marché intérieur, une contrainte majeure a été récemment relevée par BAM. Il s'agit du resserrement des conditions de financement, en raison du déficit criant de liquidité bancaire, suite à la dégradation des avoirs extérieurs nets qui fondent comme neige au soleil. L'insuffisance de liquidité bancaire s'est aussi creusée de plus en plus entre 2011 et 2012, passant ainsi de 62,4 Mds de DH à 73, 2 Mds. Cet état des lieux met en évidence les conditions de financement ardues de la dette publique. Comment sortir de la «spirale» de l'endettement croissant? Pour certains, réduire la dette publique passe par une baisse des dépenses publiques. Pourtant, on constate que les dépenses ordinaires (hors fonds de soutien des prix) sont à hauteur de 209 Mds de DH en 2013, soit une hausse de 8,6% par rapport à 2012. Les dépenses de matériel sont aussi en progression de 5,1%. Et l'on observe aussi que les charges de la dette du budget 2013 sont en hausse de 10,6% par rapport à 2012. Cette augmentation des dépenses de l'Etat accroît systématiquement les besoins de financement du Trésor (hausse mécanique de la dette) qui doit respecter ses engagements (paiements des salaires, paiements des fournisseurs, etc.). Face à cela, une stratégie plus dynamique de la gestion active de la dette pourrait constituer un vecteur d'allégement du coût de l'endettement. D'aucuns considèrent que la politique de la gestion active de la dette menée jusque-là peut être plus efficiente, même si le Royaume a récemment obtenu un accord de reconversion de la dette en investissements avec l'Italie (montant : 165 M de DH). Le manque de liquidité bancaire et monétaire du marché intérieur renchérit le financement de la dette publique, ce qui relance le sempiternel débat du rôle de BAM quant à la mise en œuvre d'une politique monétaire plus dynamique. Une autre question reste en suspens, celle de savoir si la dette garantie par l'Etat concernant les établissements publics (ADM, ONCF, entre autres) est soutenable à long terme, vu leurs besoins d'investissements croissants. Car la dette extérieure de ces établissements a connu un trend haussier amorcé depuis 2005 et se poursuit (augmentation annuelle moyenne de 10%). Certains se demandent, et à raison peut-être, pourquoi ces entreprises publiques ayant une certaine maturité et une grande capacité financière, continuent de bénéficier de la garantie de l'Etat pour leurs emprunts internationaux. On se rappelle aussi que l'agence de notation Standard & Poor's avait tiré la sonnette d'alarme sur les déficits «jumeaux» qu'elle estime préoccupants et pouvant contribuer à la dégradation des perspectives de la note souveraine du Maroc. Au final, on observe que les conditions de financement de la dette publique, tant au marché interne qu'externe, se corsent. Et rien n'augure d'une diminution des besoins de financements du Trésor public à court terme. En revanche, certaines dépenses publiques peuvent constituer des variables d'ajustement pour réduire la dette publique car celle-ci peut se muer en une spirale infernale. D'où la célèbre maxime : «L'endettement d'aujourd'hui est l'impôt de demain».