L'ambiance n'est plus à la fête et à l'enchantement comme c'était le cas lors de la précédente campagne électorale qui avait amené Barack Obama de manière triomphale à la Maison blanche. Cette première campagne, en pleine déroute financière, avait créé une réelle espérance dans la société américaine et particulièrement auprès des couches populaires qui ont été lourdement touchées par la crise en perdant leurs emplois et leurs maisons dans la crise des subprimes. Le candidat d'alors avait promis d'apporter des réponses aux angoisses de la société américaine et aux peurs des Américains. Comme il avait aussi promis des réponses à l'engagement militaire des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan dont le coût devenait de plus en plus insupportable en termes financiers comme en vies humaines. Le candidat Obama avait alors mené une campagne triomphale vis-à-vis du vieillissant Mc Cain et avait réussi à attirer une large fraction de la jeunesse américaine qui a pu porter pour la première fois dans l'histoire américaine un candidat de couleur à la Maison blanche. Mais, les temps ont beaucoup changé en quatre ans de présidence démocrate et c'est plutôt le désenchantement qui règne auprès des plus grands appuis de Barack Obama à sa réélection. Certes, le soutien de certaines personnalités médiatiques comme Michael Moore, qui a produit des films leitmotivs contre le capitalisme, ou du milliardaire Warren Buffet ainsi que les patrons de la Sillicon Valley et les grandes vedettes de Hollywood lui est toujours acquis. Mais ce soutien n'a plus la même ferveur que quatre ans auparavant. Surtout que le candidat Obama ne parvient pas à créer une dynamique populaire en faveur de sa réélection. C'est plutôt une ambiance morose qui prévaut au sein du camp démocrate, même si le Président est parvenu à mobiliser d'importants moyens financiers et de dons qui lui seront certainement utiles pour sa campagne. Mais le cœur n'y est pas et le camp démocrate n'est pas sûr de la victoire de son candidat ! Comment expliquer cette morosité et le désenchantement ambiant ? La faute au bilan de ces quatre années de présidence américaine et l'incapacité du Président Obama à initier une rupture forte et voulue par les Américains au moment de son élection. En effet, sur les différents grands dossiers qui devaient marquer son premier mandat, le Président Obama n'a pas été en mesure d'imprégner à la première puissance mondiale un véritable changement et une transformation économique. Le premier grand chantier auquel devait s'attaquer le Président fraîchement élu est celui de la réforme d'un système financier qui était au bord de la faillite et mettre fin par la même occasion à une finance casino qui s'est libérée de l'économie réelle et est devenue un lieu de spéculation et d'amassement de grosses fortunes par les traders. A ce niveau, le Président a eu des mots très durs contre les financiers de Wall Street et ceux qu'il appelle les «fats cats». Il a également initié d'importantes réformes financières comme la loi Dodd-Franck qui devait renforcer le contrôle et la régulation du système financier et diminuer la prise de risque de la part des banques en faisant une séparation entre les banques d'affaires et les activités commerciales. Mais, en dépit de ces bonnes intentions, l'exécution et la mise en œuvre n'ont pas suivi et les traders de Wall Street sont loin d'avoir été profondément inquiétés de la part de l'administration. Beaucoup ne sont pas loin de penser que c'est la présence des défenseurs de Wall Street, dont le Secrétaire au Trésor Timothy Geithner, qui était au moment de la crise le gouverneur de la Banque centrale de New York, ou Larry Summers, qui a occupé pendant quelques années la position stratégique de Directeur du Conseil économique et social du Président Obama, et bien d'autres anciens banquiers qui ont intégré l'équipe économique de la Maison blanche, qui a empêché le Président d'entamer des politiques radicales dans le domaine financier. C'est la thèse défendue notamment par Ron Suskind, un essayiste de renom qui a gagné le prestigieux prix Pulitzer en 1995, et qui vient de publier un essai au vitriol intitulé «Obama, la vérité. Dans les coulisses de la Maison Blanche». N'est resté de cet effort de réformes que des paroles et des lois qui n'ont pas empêché la poursuite de la financiarisation et de nouveaux scandales financiers. Au niveau des choix sociaux et de ce qui est perçu par beaucoup comme la mesure phare de son mandat, le «Obama care», ou le nouveau système de couverture sociale mis en place par le Président, ne fait pas non plus le consensus. Cette loi a été combattue par la droite qui la considère trop radicale et se traduit par une mainmise de l'Etat sur l'assurance maladie. Alors que les milieux démocrates considèrent qu'il s'agit d'une loi minimale qui ne répond pas aux besoins des plus démunis. Mais les uns et les autres s'accordent aussi pour dire qu'il s'agit d'une loi très complexe et qui sera très difficile à mettre en place. Pour ce qui est de la politique internationale, le Président est également loin du compte. Certes, il a promis un retrait d'Irak, ce qui fût fait ! Cependant, l'Irak reste livré à une violence confessionnelle sans précédent et nous sommes loin du havre de paix et de démocratie promis par les administrations américaines. Par ailleurs, la situation en Afghanistan paraît de plus en plus compliquée et le risque d'enlisement de l'armée américaine dans ce conflit paraît réel, particulièrement après le retrait d'un grand nombre d'alliés européens. La stratégie du Président au Moyen Orient paraît également floue. En effet, après le discours du Caire qui a laissé apparaître beaucoup d'espoirs, l'administration américaine semble incapable d'imposer une solution pacifique au conflit. Cette situation s'est compliquée avec l'avènement des printemps arabes et les difficultés de l'administration américaine à redéfinir une vision stratégique particulièrement avec l'avènement de l'islam politique comme la plus importante force politique régionale. Les critiques et le désenchantement touchent aussi la politique économique du Président sortant. Certes, d'importants plans de relance économique ont été mis en place pour appuyer la reprise économique. Par ailleurs, la Réserve fédérale est sortie des sentiers battus de l'orthodoxie économique pour mettre en place des politiques monétaires non conventionnelles afin d'appuyer l'économie. Cependant, ces efforts n'ont pas été en mesure de sortir l'économie de sa morosité. La croissance reste fragile et surtout le niveau de chômage reste très élevé ce qui explique un grand désespoir et le grand désenchantement de larges fractions de la jeunesse et des couches populaires. Comment expliquer ces atermoiements et les hésitations de la Maison blanche à opérer la rupture et le changement largement voulu par les américains. Beaucoup explique cette situation par la personnalité du Président sortant qui est un centriste convaincu. Par ailleurs, il refuse l'affrontement et cherche toujours le consensus en lieu et place de la confrontation et de la rupture. Les difficultés du Président sortant Barack Obama ont été renforcées par un premier débat catastrophique avec le candidat républicain Mitt Romney. Devant un candidat à l'aise, le Président est paru moins convaincant et avait perdu de sa superbe. Cette mauvaise prestation a eu des effets immédiats sur les sondages d'opinion et a effacé la légère avance en faveur de son challenger. Certes, depuis, le Président Obama a amélioré sa prestation lors du second débat contre le candidat républicain. Ceci était d'autant plus prévisible que les propositions économiques du candidat républicain étaient floues. Beaucoup d'experts indépendants ont montré que son projet de réduire les prélèvements fiscaux des hauts revenus, qui est une constante des candidats du parti républicain, ne pouvait que renforcer le déficit budgétaire américain au moment où la préoccupation centrale est de le réduire. En dépit de ce retour en grâce du Président sortant et des difficultés du candidat républicain à convaincre par son programme économique, l'incertitude sur le sort des élections du 6 novembre prochain reste totale ! So, wait and see !