Après que le Parti Démocrate ait perdu sa super-majorité au Sénat, suite à la victoire d'un candidat républicain à une élection partielle au Massachussetts, un état pourtant traditionnellement "bleu", le président Barack Obama a réagi en replaçant l'emploi et l'économie au coeur de son agenda national, jusque là dominé par l'ambitieux projet de réforme de la santé. Par Fouad ARIF Tout en faisant observer que depuis l'investiture d'Obama, la crise économique et la morosité du marché de l'emploi étaient déjà en tête de ses préoccupations, le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs, a reconnu jeudi que l'Administration "avait mal communiqué sur cette réalité" auprès des citoyens américains. Pour beaucoup, Gibbs faisait essentiellement allusion au noyau dur du parti démocrate et aux indépendants, qui, en choisissant de rester chez eux le jour du scrutin partiel au Massachussetts, ont tenu à exprimer leur désaveu au projet de réforme du système de la santé, qui ambitionne de garantir une couverture médicale à quelque 31 millions d'Américains qui n'en ont pas, pour environ 900 milliards de dollars étalés sur dix ans. +UN MINI-REFERENDUM CONTRE LE PROJET DE REFORME DE LA SANTE+ Ce désaveu est d'autant plus significatif que le siège sénatorial en jeu avait été occupé pour plus de trente ans par feu Ted Kennedy, un ardent défenseur de ladite réforme de la santé, dont le successeur, le républicain Scott Brown avait axé son message électoral contre ce même projet qui avait suscité un vif débat jusque dans les rangs des démocrates au Congrès. Autant dire que cette défaite avait valeur de mini-référendum. Dans deux sorties jeudi, le président Obama a appelé les législateurs à se réunir autour des aspects du projet de réforme qui font l'objet d'un consensus, quitte à revoir plusieurs de ses aspects. Nombreux observateurs s'attendent à ce que le locataire de la Maison Blanche s'étale davantage sur cette nouvelle configuration dans le discours sur l'Etat de l'Union qu'il donnera mercredi prochain. Ce plan alternatif, extrapolent des analystes, mettrait en musique plusieurs propositions défendues par les Républicains et une mouture décortiquée de ce projet de réforme, en exigeant notamment des compagnies d'assurances de permettre aux personnes ayant des conditions médicales préexistantes d'avoir droit à une couverture médicale. Une révision substantielle risque, néanmoins, de mécontenter l'aile gauche du parti démocrate qui appelle encore au passage en force de cette réforme au Congrès, arguant que les démocrates disposent encore d'une majorité de 59 sièges contre 41 pour les républicains au sénat, un écart qui avait permis aux présidents Ronald Reagan et George W. Bush de remporter des victoires législatives. +PRET A CROISER LE FEU AVEC WALL STREET+ Tout en affirmant que Wall Street était sur la voie du rétablissement contrairement au ménage américain moyen, le Président Obama a appelé à la mise en place de nouvelles mesures pour limiter la taille des grandes institutions financières et leur champ d'action, dans le but, a-t-il assuré, de contenir leurs excès et protéger le contribuable. "Bien que le système financier est de loin plus solide qu'il ne l'était il y a un an, il n'en reste pas moins qu'il opère toujours sur la base des mêmes règles qui avaient failli l'anéantir", a mis en garde Obama, qui entend mettre l'accent sur des mesures fiscales strictes tout en investissant de manière conséquente dans les infrastructures. La volonté de réformer le système financier est d'autant plus grande "quand on constate un retour vers les vieilles pratiques chez certains établissements financiers hostiles à la réforme et qui ont enregistré des bénéfices records au moment même où ils prétendent ne pas être en mesure de prêter aux PME/PMI", a déploré le chef de l'exécutif US, qui souhaite justement relancer le marché de l'emploi en aidant les petites et moyennes entreprises à renouer avec l'embauche. Critiquant cette attitude "égoïste et cupide" de Wall Street, Obama s'est élevé contre "cet esprit d'irresponsabilité qui démontre clairement et justement la nécessité et la pertinence de la réforme". Il a promis que son Administration et le Congrès oeuvreront pour qu'aucune banque ou institution financière ne pourra acquérir, investir ou soutenir un fonds souverain ou encore un fonds d'investissement alternatif, le but étant de brider toute croissance excessive des plus grandes institutions financières. Dans une allocution jeudi devant l'association des maires des villes américaines où la relance de l'emploi et de l'économie étaient à l'ordre du jour, Obama a ironisé sur les défis de son mandat en citant l'ancien président Lyndon Baines Johnson qui avait une fois affirmé: "Quand le fardeau de la fonction présidentielle devient inhabituellement insupportable, je me console en me disant que cela aurait pu être pire. J'aurais pu être maire".