Deux rapports de l'agence antiterroriste et des services de renseignement néerlandais examinent les groupuscules d'extrême droite et s'inquiètent des coups portés aux valeurs démocratiques. Pendant longtemps, les services de renseignement néerlandais ont relégué au second plan, si ce n'est ignoré, la menace extrémiste des groupuscules d'extrême droite, au profit de la lutte contre le terrorisme et la surveillance de profils soupçonnés de radicalisation. Mais voilà que deux rapports élaborés par l'agence antiterroriste néerlandaise (NCTV) et le service de renseignement extérieur des Pays-Bas (AIVD) sont venus changer la donne, d'après le quotidien De Volkskrant. Respectivement intitulés «Les mouvements de vague des violences extrémistes de droite en Europe occidentale» et «L'extrémisme de droite aux Pays-Bas, un phénomène en mouvement», ils tentent d'évaluer la dangerosité de l'ultra-droite néerlandaise et d'en décrire l'ossature, et reviennent sur les trois grands mouvements d'extrême droite qui ont émergé dans l'Europe de l'après-guerre. Selon la NCTV, l'attention portée à l'extrémisme de droite s'est effectivement estompée au cours des dernières années, le menace djihadiste monopolisant toutes les antennes des services de renseignement. Mais les attaques survenues ailleurs en Europe ont conduit les autorités néerlandaises à élargir l'horizon de leur surveillance. On se souviendra notamment des attentats d'Oslo et d'Utøya (77 morts) perpétrés par Anders Behring Breivik le 22 juillet 2011, l'assassinat de la députée britannique Jo Cox en 2016 et l'arrestation, en juin, des membres d'une cellule d'ultradroite en France qui projetait de perpétrer des attentats contre des musulmans. «Un tel enchevêtrement» qui mérite que l'on s'y attarde Selon Jelle van Buuren, professeur adjoint à l'Institut de la sécurité et des affaires mondiales, de l'université de Leiden, l'extrémisme de droite ne s'incarne plus seulement dans la figure du skinhead flanqué d'un tatouage de croix gammée. «C'est désormais un mélange d'antisémitisme, d'antiféminisme, de supériorité des Blancs, qu'il soit mêlé ou non à un populisme de droite. C'est un tel enchevêtrement délicat qu'il mérite plus d'attention», souligne-t-il. Il n'empêche que la position anti-islamique semble être le motif idéologique le plus important de l'extrémisme de droite, souligne De Volkskrant, qui a pu avoir accès aux rapports. Une observation qui a valu à l'AIVD de s'attirer les foudres de l'extrême droite, qui considère qu'«avec cette analyse, l'AIVD criminalise toute personne ayant un point de vue critique sur l'islam». De son côté, la NCTV constate que les réseaux sociaux sont devenus le réceptacle de sentiments xénophobes, où la parole raciste, en plus de s'être multipliée, s'est aussi durcie. Des propos qui émanent non seulement de la part des politiciens populistes et des faiseurs d'opinion, mais également de soi-disant «citoyens mécontents». Une menace pour la démocratie En 2015-2016, Twitter a ainsi vu fleurir le hashtag #kominverzet (qu'on pourrait traduire par «faire revenir la résistance»), relayé des «dizaines de milliers de fois» par des personnalités comme Geert Wilders, dirigeant du Parti pour la liberté (PVV), ou le groupuscule d'extrême droite Identitair Verzet, qui est allé jusqu'à en faire son slogan. «Rien n'indique concrètement que des individus ou des groupes d'extrême droite néerlandais aient l'intention de commettre des actes de violence terroriste à grande échelle. Il est toutefois concevable que des loups solitaires ou des petits groupes se radicalisent rapidement et que leur violence se mue en des actes terroristes», soulignent les services de renseignement. «Selon la NCTV, il est frappant de constater que la violence motivée par les extrémistes de droite ne provient pas nécessairement de groupes, mais peut aussi être l'œuvre de simples citoyens.» Qu'elle soit l'œuvre d'un ou plusieurs individus, l'extrême droite représente une menace contre l'ordre juridique démocratique «résultant de la haine systématique consistant à diaboliser des populations, à intimider ou à créer un climat de peur», constate l'AIVD. «Si de telles idées sont de plus en plus présentes dans la société néerlandaise et se répercutent de ce fait sur l'administration publique, c'est une menace pour l'ordre juridique démocratique néerlandais», avertissent enfin les renseignements.