Pour mieux cerner le profil d' Anders Behring Breivik, présumé coupable dans la double attaque de vendredi en Norvège, Le Soir échos a contacté le Professeur Mohammed Jawhar, spécialiste en criminologie. Suite aux premiers éléments de l'enquête, Anders Behring Breivik a été qualifié de « loup solitaire ». En quoi cette appellation colle-t-elle au profil du suspect ? L'expression « loup solitaire » signifie qu'il n'y a pas eu une action concertée. Il s'agit d'une personne qui a réfléchi, monté et programmé son action en toute quiétude et sérénité. Cela colle à la double attaque en Norvège dans la mesure où l'action de cet homme est le fruit d'une longue maturation. Ses idées sont partagées par d'autres éléments de l'extrême-droite, mais il est sorti du carcan pour réaliser son action, qu'il considère comme la seule issue à ses idées. Vu le profil du suspect, aurait-il été possible de le repérer avant l'attaque ? C'est difficile de dire cela. La Norvège est un pays tranquille et bien que l'extrême-droite soit répandue en Europe du Nord, il est difficile de prévoir ce genre d'action spectaculaire. En commettant un massacre, l'homme a voulu attirer l'attention pour contester le multiculturalisme de la société norvégienne. Je crois que rien ne sera plus comme avant après ce massacre. Les autorités vont être plus vigilantes à ce genre de profils d'extrémistes. Cela a attiré l'attention sur la dangerosité potentielle de l'extrême-droite, alors qu'avant, la menace ne pouvait venir que de l'extrémisme islamiste. Peut-on comparer le terrorisme d'extrême-droite à celui des islamistes ? Représentent-ils un danger équivalent ? Qu'il s'agisse de l'extrême -droite ou des islamistes, ça reste une action terroriste. Elle peut être commise par un individu comme par un groupe. Les motivations sont les mêmes, il s'agit dans les deux cas d'une action revendicative et spectaculaire, à teinte politique, qui produit un effet désastreux. La chef des services de renseignements intérieurs norvégiens Janne Kristiansen a déclaré hier sur la BBC qu'il n'y avait aucune preuve pour l'instant que le suspect du carnage en Norvège ait eu des complices ou des liens avec des cellules en Europe. « C'est possible, mais je pense que c'est hautement improbable», a estimé la responsable avant d'ajouter : « Je pense que cet individu veut continuer à focaliser l'attention sur lui et être sous les feux de la rampe ». Les services de renseignements norvégiens étudient toutefoisr cette question, en collaboration avec leurs homologues en Europe et aux Etats-Unis. Anders Behring Breivik, auteur d'une double tuerie qui a fait 92 morts. Anders Behring Breivik était un individu isolé socialement mais très présent sur les réseaux sociaux virtuels. Quels rôles ont joué les réseaux sociaux dans le renforcement de ses convictions ? Au travers de ses réseaux d'échange d'idées, il a trouvé un effet miroir de ses convictions dans l'opinion des autres. Ces réseaux mettent en évidence la très grande liberté d'expression qui existe dans les pays scandinaves. Ça l'a encouragé à aller jusqu'au bout, à transformer une expression d'opinion en une action spectaculaire. Comment expliquez-vous que cet homme ait voulu traduire ses opinions en une action spectaculaire ? L'effet spectaculaire recherché est présent même après l'exécution du carnage. Il a demandé la transmission publique de son jugement et à se présenter en uniforme. Il cherche à transmettre des messages. Dans l'action d'un terroriste, plus on parle d'eux, plus l'objectif est atteint. Le fait de tuer n'est pas un objectif en soi, mais c'est plutôt le fait d'attirer l'attention sur le sujet qu'on défend. Comment qualifierez-vous Anders Behring Breivik ? C'est un fanatique qui a tourné dans une action paranoïaque. Il s'est cru persécuté et a réagi avec une violence extrême, même à l'égard des siens qu'il considère comme des coupables.