à chaque fois qu'ils se produisent, les attentats terroristes meurtriers soulèvent l'indignation des opinions publiques. Depuis quarante ans, ils rythment malheureusement l'actualité mondiale. Ils laissent des traces douloureuses là où ils ont fait leurs victimes, mais ces dernières sont cependant vite oubliées. Le Maroc en sait quelque chose, lui qui n'a pas été épargné ces récentes années. Mais les massacres terroristes sont devenus, dans plusieurs pays (Irak, Afghanistan, Pakistan), si fréquents, presque quotidiens, que le risque de s'y habituer existe. Ou, au moins, celui de nous résigner. Dernier carnage: celui qui a eu lieu, le vendredi 22 juillet, à Oslo et dans ses environs. Un seul homme, Anders Behring Breivik, armé jusqu'aux dents, a massacré en quelques heures presque quatre-vingt personnes dont une majorité de très jeunes gens. Il avait projeté depuis longtemps son entreprise meurtrière, voulant créer un coup d'éclat capable de faire entendre largement la conception de la société qui est la sienne. Manifestement, l'auteur de ce massacre de masse avait programmé plus de morts encore, mais il est néanmoins parvenu à ses fins de propagande. Lorsque le drame est survenu, le premier réflexe a été de penser à un nouvel attentat islamiste. L'organisation Al-Qaida, en particulier, ne reproche-t-elle pas depuis plusieurs années à la Norvège son engagement militaire en Afghanistan aux côtés des Américains? Mais très vite il a fallu se rendre à l'évidence: l'assassin en quête de tribune idéologique était «un Norvégien de souche» de 32 ans, ancien élève de commerce, chrétien protestant conservateur, et, surtout, un nationaliste islamophobe. Pays paisible où est cultivé l'art du consensus, la Norvège était aussi capable de produire un pareil monstre!Loup solitaire ruminant depuis des années sa haine islamophobe, Anders Behring Breivik n'est certainement pas représentatif de son pays et de son peuple. Il n'empêche que, en Norvège, se développe depuis plusieurs décennies une droite populiste anti-immigrés. Aux dernières élections législatives norvégiennes, un parti qui peut être classé à l'extrême-droite (à l'image du Front National en France), le Parti du Progrès, a remporté 22, 9% des voix. Il est, ainsi, le principal parti d'opposition de droite dans un pays gouverné par un parti de centre-gauche, le Parti Social-Démocrate. Aujourd'hui, toutes les démocraties européennes sont attaquées par cette gangrène que constitue la phobie de l'Islam. L'installation de la religion musulmane en Europe, liée principalement aux flux migratoires sciemment organisés dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, entraîne de plus en plus des peurs délirantes. Extrême droite radicale, droite et gauche réactionnaires, défenseurs d'une laïcité extrême ou nostalgiques de l'Europe majoritairement chrétienne, ils sont de plus en plus nombreux à développer le phantasme d'une «islamisation de l'Europe» qui serait destructrice de leur civilisation. Au lieu d'entrer dans un dialogue productif avec la majorité des musulmans d'Europe qui sont porteurs d'un Islam fraternel, ils croient trouver leur salut dans des attitudes de rejet. Au risque d'enfanter des Anders Behring Breivik.