Anders Behring Breivik, le suspect de la double attaque de vendredi, a comparu hier devant le juge. Selon les premiers éléments de l'enquête, l'homme aurait planifié depuis longtemps ses actes, avec comme objectif la diffusion de ses idées dans la sphère publique. Anders Behring Breivik a le goût de la publicité. Pour sa première comparution devant la justice hier, il a demandé à ce que l'audience soit publique. Il a également exprimé le souhait de se présenter en uniforme. Après avoir reconnu être l'auteur de l'attentat et de la fusillade, le Norvégien trentenaire semble tout faire pour attirer l'attention sur lui. « Il veut s'expliquer pour ce qu'il a fait. Il veut le faire publiquement », a précisé l'avocat Geir Lippestad, à la télévision NRK. Selon ses déclarations, Anders Behring Breivik aurait planifié ce carnage depuis longtemps et aurait opéré seul. Toutefois, les enquêteurs s'intéressent de très près à d'éventuels liens avec des groupes d'extrême-droite britanniques. Selon le Daily Mail, une réunion avec d'autres extrémistes britanniques aurait effectivement eu lieu en 2002 et Anders aurait eu une sorte de mentor britannique, un certain «Richard». Concernant le mobile, ses prises de position sur des forums Internet et un long document de 1 500 pages mettent en évidence ses convictions nationalistes et islamophobes, ainsi que son hostilité au multiculturalisme, résultat d'un marxisme culturel selon lui. Dans ce manifeste, il évoque « l'usage du terrorisme comme un moyen d'éveiller les masses ». Expliquant sa volonté de rendre l'audience publique, il écrit également qu'un procès lui permettrait d'avoir une tribune internationale pour ses idées. Le style même du document montre bien qu'il entend se mettre en avant, et servir d'exemple, en donnant notamment à la fin des conseils pour commettre des actes terroristes. Après la double attaque sanglante de vendredi, l'Europe du Nord s'inquiète. Hier, la Finlande, l'Islande, la Suède et le Danemark ont observé une minute de silence et mis les drapeaux en berne pour rendre hommage aux victimes en même temps que la Norvège. « Je n'aurai jamais pensé que cela pourrait arriver en Scandinavie. Le monde est en train de changer », témoigne au Soir-échos Kim, un danois de 40 ans. Sur les réseaux sociaux, la solidarité avec la Norvège est visible et plusieurs utilisateurs scandinaves de Facebook affichent le drapeau norvégien sur leur profil. «Notre marque de fabrique, c'est une société ouverte, une société sûre, où l'on peut avoir un débat politique sans être menacé», a réaffirmé dès vendredi le Premier ministre Jens Stoltenberg avant de s'inquiéter. «C'est une grande qualité de la société norvégienne qui est maintenant attaquée. Nous devons réagir». Ce n'est pas la première fois qu'un militant d'extrême-droite commet de tels actes. Ainsi, plusieurs commentateurs font un parallèle avec l'attentat d'Oklahoma City, perpétré par Timothy McVeigh en 1995, qui avait fait 168 victimes, ou encore les attaques homophobes et racistes perpétrées par un militant d'extrême-droite à Londres en 1999. Le terrorisme d'extrême-droite est donc un fait bien réel et constant, selon le chercheur Jean-Yves Camus, qui arrive à intervalles réguliers et risque dès lors de se reproduire. Au-delà de l'acte même, le débat est donc celui de la gestion de la peur générée par le terrorisme au sein des sociétés. Dans le sillage des attaques, le pays du Prix Nobel s'interroge sur son modèle de société. Une remise en question qui trouve un écho dans les pays voisins, où les mouvements d'extrême-droite ont un important ancrage dans le jeu politique. « Maintenant, il faut nous éviter de nous laisser occuper par la peur, comme l'ont été les Etats-Unis après le 11 septembre 2001 »,écrivait dans un éditorial visionnaire Lars Helle, rédacteur en chef du journal Dagbladet. Mais la peur gagne la société, et alors que la peine maximale de prison en Norvège s'élève à 21 ans, des voix se sont élevées sur Internet pour réclamer le rétablissement de la peine de mort.