Une vision d'horreur. Des milliers de poissons de diverses espèces gisant sur les rives de la Moulouya, empoisonnés par des produits chimiques (voir vidéo). C'est depuis le 15 juillet que les poissons de ce fleuve, non loin de Berkane, s'entassent sur les rives, morts empoisonnés, et que les odeurs nauséabondes flottent aux alentours. Les associations se mobilisent et pointent du doigt une usine sucrière, Sucrafor, installée à Zaio. « Une catastrophe de grande ampleur, du jamais vu. On n'a jamais vu une telle catastrophe à Moulouya». Depuis le 15 juillet dernier, la faune de la Moulouya, fleuve de 600 km de long et dont l'embouchure est classée Site d'intérêt biologique et écologique (SIBE), meurt. Sur plusieurs kilomètres, des cadavres de poissons flottent aux bords de la rivière, entre Zaio et l'embouchure de la Moulouya, dans la région de l'Oriental. Les «militants écologiques» et l'opinion publique sont scandalisés. Pour les associations actives dans la région (Association Homme et Environnement de Berkane, Espace de Solidarité et de Coopération de l'Oriental, Association Chems pour l'éducation, la citoyenneté et l'environnement d'Ahfir, Association Moubadra pour le développement durable et le tourisme, Zaio) cela ne fait aucun doute : l'usine sucrière, Sucrafor, qui déverse ses eaux usées dans le fleuve est à la source du problème. Ayant déjà signalé les dépassements du pollueur dans les années 80 et 90 (une lettre du gouverneur de Berkane adressée au directeur de Sucrafor en 1996 à ce sujet en atteste), les associations sont déterminées cette fois-ci d'aller jusqu'au bout. Etat des lieux Quand la catastrophe a eu lieu, les associations ont commencé par passer le terrain au crible : ils ont longé la baie de Moulouya, classé SIBE, sur 50km et pris des échantillons d'eau et de poissons depuis l'embouchure du fleuve jusqu'au lieu de rencontre de la rivière de la Moulouya et l'Oued Zebra. Ce dernier draine l'effluent de l'usine sucrière Sucrafor de Zaio et mélange ses eaux contaminées par les produits toxiques déversés par l'usine à celles du Moulouya. Une fois constaté l'ampleur de la «catastrophe», ces associations ont tiré la sonnette d'alarme. En faisant pression sur la direction de l'usine, celle-ci a accepté de rencontrer ces militants écologiques pour s'expliquer. Sucrafor dans le déni Le directeur de Sucrafor, accompagné du directeur du département QSE (Qualité, sécurité et environnement) a accepté de rencontrer ces associatifs le 20 juillet dernier. Face aux accusations, le directeur a décliné toute implication de Sucrafor dans ce désastre écologique en mettant en avant l'absence de preuve formelle pour incriminer l'usine. Il a affirmé que «la société utilisait dans son procédé de fabrication la chaux et non des matières chimiques». Mais les espèces aquatiques dévastées par les matières toxiques présentes dans l'eau sont bien réelles. Promesses de Sucrafor Devant la pression exercée par les associatifs, le directeur de Sucrafor a néanmoins fléchi. Il promet «de réduire leur consommation en eau (de l'usine) et par conséquent leurs rejets liquide […] (et) s'est engagé à stopper les écoulements liquides de l'usine vers la Moulouya» nous informe le communiqué publié par les quatre associations. Mais vu les antécédents de cette même usine, rien n'écarte avec certitude le risque de récidive. La vidéo est datée du 23 juillet 2011 et réalisée par les associations oeuvrant dans le domaine de l'environnement dans la région du Moulouya. Elle témoigne des dégats occasionnés par le déversement de produits toxiques dans le fleuve. La menace qui plane Si rien n'est fait dans les plus brefs délais, cette catastrophe menace de s'étendre à d'autres espèces de la région, qui est classée SIBE (Site d'intérêt biologique et écologique). Selon Najib Bachiri, président de l'Association Homme et environnement de Berkane, un riverain aurait déjà « perdu une vache et d'autres ont vu leurs brebis avorter». Le nettoyage du site se présente également comme une urgence. Les oiseaux présents sur le site et qui se nourrissent de poisson risquent également d'en patir et/ou de porter la contagion vers d'autres régions. En attendant des mesures concrètes, les internautes ont déjà lancé une pétition pour augmenter la pression.