Des milliers de poissons ont été retrouvés morts dans le fleuve Moulouya. Tandis que les ONG locales tirent la sonnette d'alarme dénonçant une « catastrophe écologique », l'unique unité industrielle de la région, la sucrerie Sucrafor, nie toute responsabilité. Le point sur l'origine de la pollution. Qui a tué les poissons du fleuve Moulouya ? Après les prélèvements effectués dans l'eau, quelques premiers résultats sont tombés, sans pour autant déterminer l'origine exacte de leur mort, puisque les analyses du ministère de la Santé montrent l'absence d'éléments toxiques dans les cadavres des poissons. Dans les analyses de l'eau du fleuve, un déficit d'oxygène a néanmoins été détecté, signe d'une pollution organique. « Cela oriente la recherche mais la Commission étudie toutes les possibilités. On ne pointe aucun acteur de la région du doigt » indique Mohamed Chtioui, le directeur de l'Agence du bassin hydraulique de Moulouya. Pour les ONG locales, la source de la catastrophe est à chercher du côté de l'usine sucrière de Zaio, filiale du groupe marocain Cosumar, qui détient le monopole de la production nationale de sucre. « Le jour de la catastrophe (le 15 juillet, ndlr) les riverains ont déclaré qu'une très forte odeur venait de l'usine. Le 18, je me suis rendu sur le site, l'eau était trèschaude et noire et des odeurs bloquaient la respiration », témoigne Najib Bachiri, président de l'Association Homme et environnement de Berkane. Sur les odeurs suspectes, le président de l'Agence du bassin affirme que si « l'année dernière, la population se plaignait effectivement d'odeurs de l'usine », des « efforts » ont été fait depuis par la sucrerie. Concernant les rejets industriels, le DG de Sucrafor, Salah Nahid explique : « Dans la production de sucre, nous utilisons un seul produit, qui est naturel : la chaux, que nous produisons nous-même à partir de calcaire. Quant à l'eau pour le lavage des betteraves, nous la stockons dans des bassins ». Des bassins ont effectivement été créés pour stocker les rejets mais sont-ils remplis ? Non, affirme Najib Bachiri qui a indiqué s'être rendu le 18 juillet aux bassins pour le constater. Interrogé sur cette question, le président de l'usine Sucrafor s'est fait hésitant, avouant n'avoir aucune preuve que les bassins étaient remplis à la mi-juillet. Et encore un point de discorde… Mais selon l'écologiste Najib Bachiri, outre les odeurs, d'autres éléments accusent Sucrafor. Selon lui, cette catastrophe est la troisième depuis les années 80 et à chaque fois, ça se déroule en juillet. Simple coïncidence ? « Pourquoi le mois de juillet alors que l'usine démarre justement au mois de juin ?» interroge-t-il. Le scénario se répète et la sucrerie de Zaio rejette toute responsabilité, à chaque fois. Contacté par Le Soir échos, son directeur général Salah Nahid, répète inlassablement son discours. Pour lui, les ONG ont pointé son industrie du doigt « sans réfléchir » alors qu'il est nécessaire «d'étudier toutes les pistes ». Premier point de discorde entre les parties : le lieu de contamination. « L'incident dont on parle s'est produit au village de Garma, soit à 50km de l'usine », martèle en boucle le président de la sucrerie. Faux, répondent les associations écologistes, qui disent que le point de contamination est en réalité situé dans l'affluent de l'usine, au niveau de l'Oued Zebra, à quelques kilomètres seulement de la ville de Zaio. Mais au-delà du lieu qui ne fait pas consensus, Salah Nahid tient à rappeler qu'« il n'y a pas que Sucrafor dans la région. Il y a les égouts des villes aussi ». Une piste à considérer, tout autant que celle de l'usine. Ce qui est sûr, c'est que toutes les parties attendent les résultats des analyses. Et sur cela, pas de secret : « Une fois les résultats connus, il faudra appliquer la loi », conclut sagement Mohamed Chtioui. Difficile de connaître exactement l'ampleur et la nature exacte de la catastrophe vu les versions contradictoires. Si les Eaux et forêts maintiennent que seul le barbeau a été touché par la catastrophe, les ONG continuent d'affirmer que non seulement cette espèce a été touchée mais aussi la carpe, l'alose, l'anguille, la dorade et bien d'autres encore. Quant au décès d'ovins et de caprins, aucune preuve matérielle n'a encore été enregistrée, mais selon les paroles de Najib Bachiri, des témoignages de riverains font état de quelques décès et de caprins qui n'auraient pu mettre bas à terme.