En investissant dans notre jeunesse dans le domaine de la santé et du secourisme, c'est vers un bien-être global qu'on se dirige. Depuis ma première action médicale dans la province de Tiznit, dans la région du Souss-Massa, j'ai compris que la seule façon d'améliorer la santé de la population, surtout lointaine, enclavée et pauvre, c'est d'investir dans l'humain. Pas le baratin de circonstance de développement humain ou de développement durable : il s'agit de le faire vraiment. Or, c'est sans compter l'adversité de certains décideurs qui ne voient le développement qu'à travers le prisme des constructions, du matériel et bien évidemment des marchés, de la population et surtout de ses élus qui ne sont que dans la demande de services. Les constructions existent déjà depuis vingt ans et fonctionnent en termes de service rendu plutôt mal que bien. Et on continue bien évidemment à construire des hôpitaux locaux et des centres de santé même s'ils restent fermés ou peu utiles. Le but n'est pas tellement de soigner les gens que celui d'étouffer les contestations. Or, étouffer n'a jamais réglé le problème si ce dernier n'est pas pris à bras le corps et traité à la racine. Vint alors la «mode» des caravanes qui sillonnent le pays le temps d'un week-end et parfois d'une semaine, avec son lot d'espoirs et surtout de désillusions ; il est connu qu'on ne soigne pas les gens seulement lorsqu'il fait beau et qu'on a le temps de se déplacer chez eux, parce que la maladie n'attend pas le médecin lors de son passage au printemps. La maladie est plus fréquente l'hiver avec son froid glacial et son manque de chauffage et de nourriture calorique, et l'été, avec ses diarrhées, ses coups de chaleurs et ses morsures de scorpion. Investir dans la jeunesse Face à ce constat affligeant et au fonctionnement souvent bancal et aléatoire décrié par la population, il fallait bien trouver une solution. Il y a bien évidement une solution, et elle est locale : il s'agit d'investir dans les jeunes hommes et jeunes femmes des villages pour en faire des secouristes et des agents de première aide. Des jeunes personnes qui n'ont pas eu la chance de finir leurs études et souvent ne dépassent pas le niveau du primaire, parce que les conditions locales, matérielles ou familiales ne leur ont pas permis de rejoindre le chef-lieu de leur région pour intégrer le collège, voire le lycée. Même sans diplôme, les jeunes ne sont pas dénués d'intelligence ; c'est pour cela qu'investir en eux par des formations de secourisme n'est pas du tout vain. Il s'agit d'un apprentissage ludique et interactif de cas et de situations vécues, connues et récurrentes, afin que chacun puisse apprendre les bons gestes avec les moyens du bord et ainsi sauver des vies. Souvent après un accident ou une crise, les premières minutes sont décisives. Même avec la présence d'un moyen de transport, il faut compter entre trente minutes et deux heures pour accéder au premier centre de santé. Et ce n'est pas la peine ici de s'attarder sur la compétence et les moyens mis à disposition dans les différents centres. J'entends déjà les critiques de ceux qui regardent l'état désastreux de la santé des gens sans rien faire, crier à l'exercice illégal de la médecine. Dans les pays occidentaux, les autorités ont mis en place des défibrillateurs dans les zones de grande affluence afin d'intervenir le plus vite possible pour sauver les vies de ceux qui sont surpris par un infarctus. Au Maroc, lorsqu'ils attendent l'arrivée des urgentistes, les patients ont une chance moindre de survie. En investissant dans notre jeunesse dans le domaine de la santé et du secourisme, c'est vers un bien-être global qu'on se dirige. Ceci permet de prendre en charge correctement les malades et les blessés, d'éviter les mauvaises habitudes comme mettre de la terre sur une plaie pour cicatriser ou du dentifrice sur une brûlure, faire les bons gestes suite à un saignement important ou une fracture, ou encore faire face à un nourrisson qui a une fièvre. Le but, également, est de construire un réseau de soins entre les villages et les centres de santé correspondant, créant ainsi des liens plus étroits avec les soignants et renouant avec une confiance nécessaire pour l'amélioration de la qualité globale des soins.