Le Maroc ne parvient pas encore à se débarrasser de l'image d'un pays où la pratique de la torture est fréquente. Juan Mendez, le responsable onusien, l'avait mentionné dans son rapport présenté, en avril à Genève, devant les membres du Conseil des droits de l'Homme. Et hier à Paris, deux Français, Mostafa Naïm, animateur social, et Adil Lamtalsi, producteur de cinéma, viennent juste de déposer une plainte contre l'Etat marocain pour aveux extorqués sous la torture. La semaine dernière Mostafa Naïm et Adil Lamtalsi sont, enfin, transférés de la prison de Salé vers celle de Villepinte à Paris pour terminer leurs peines, 5 ans pour le premier et 10 ans pour le second. Mardi, la défense des deux Franco-marocains dépose une plainte contre l'Etat marocain pour «aveux extorqués sous la torture au centre de Témara». Dans des déclarations à Yabiladi.com, une avocate au cabinet Bourdon nous confie que «Mustafa Naïm se porte bien. Il est heureux de rentrer chez-lui, tout proche de sa femme et de sa fille». Le parquet pourrait faire appel et empêcher l'ouverture d'une instruction «La plainte a été postée hier par voie recommandée, elle devrait normalement arrivée aujourd'hui», indique la même source. A la question de savoir si la plainte vise des noms bien spécifiques, l'avocate nous répond par la négation. «Pour des considérations diplomatiques nous avons opté pour qu'elle soit contre X. C'est ensuite au juge d'instruction de viser des personnes bien déterminées». Cette ferme volonté de la défense des deux Franco-marocains risquerait de subir le couperet du parquet qui pourrait user de son droit de faire appel pour empêcher l'engagement de toute procédure judiciaire contre le Maroc, appréhende notre interlocutrice. Dans le cas contraire, «l'instruction des affaires de torture nécessite environ 18 mois d'enquête avec bien entendu des commissions rogatoires», fait savoir l'avocate. Une perspective qui ne pourrait que rappeler les mauvais souvenirs du juge Patrick Ramël chargé du dossier de la disparition de Mehdi Ben Barka. Pour mémoire, en octobre 2009, sous la pression de ce magistrat et de la famille du célèbre opposant à Hassan II, Paris autorise le lancement des mandats contre cinq sécuritaires marocains, dont le général Hosni Benslimane, le chef de la gendarmerie. 24 heures plus tard, elle faisait marche arrière. Griefs contre l'ambassade de France à Rabat L'avocate du cabinet Bourdon reproche, par ailleurs, le peu de soutien de la représentation diplomatique française au Maroc à Mostafa et Adil. «Leur action n'était pas à la hauteur. Ils n'ont pas agi pour appuyer les allégations de torture des deux détenus français». Là aussi les considérations politiques ont pris le dessus sur le droit de Naïm et Lamtalsi de jouir d'une assistance plus engagée de l'ambassade. Ces propos sont quasiment sur la même longueur d'onde du communiqué de Me William Bourdon et Me Joseph Breham, tous membres de l'ONG Action des chrétiens pour l'abolition de la torture : «Face à ce calvaire, ils se sont tournés vers leur pays, la France, qui ne leur a accordé qu'une protection consulaire au rabais, au nom de la préservation de la souveraineté marocaine». Enfin, il convient de rappeler que Mostafa Naïm compte déjà une plainte contre l'Etat marocain pour séquestration. C'est le cabinet Heyraud qui suit l'affaire. «Je vais le rencontrer vendredi à la prison de Villepinte», nous confie, brièvement, l'avocat.