DG Dislog Health Care. Largement dépendante des importations de médicaments et de vaccins, l'Afrique s'efforce de bâtir une industrie pharmaceutique locale. Mais entre contraintes financières, infrastructures défaillantes et cadre réglementaire pesant, le chantier demeure titanesque. Quel bilan tirez-vous de la transformation récente de l'industrie pharmaceutique ? L'industrie pharmaceutique a connu une croissance rapide ces dernières années, en partie dopée par la crise du Covid-19. Ce contexte exceptionnel a poussé à la surconsommation de certains produits, mais, aujourd'hui, nous revenons à une dynamique plus stable, autour de 5 à 6 % de croissance annuelle. L'extension de la couverture sociale universelle, lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, constitue un levier majeur. En effet, les dépenses de santé devraient croître de 26% d'ici 2030. Cependant, pour que cette transformation bénéficie pleinement aux patients, il faut renforcer l'industrie locale et encourager la consommation de génériques. Quels sont les obstacles majeurs à la souveraineté sanitaire au Maroc, et à l'échelle du continent ? Le Covid-19 a été une leçon brutale. En temps de crise, chaque pays se recroqueville sur lui même. Or, aujourd'hui encore, nous dépendons presque entièrement des importations de matières premières pour produire nos médicaments. Pourtant, les industriels locaux disposent des compétences et des infrastructures aux standards internationaux. L'acceptabilité du «Made in Morocco» est forte sur les marchés africains, mais les volumes d'export restent modestes comparés à d'autres secteurs. Il manque une politique publique ambitieuse et des incitations pour structurer une véritable industrie pharmaceutique régionale. Pourquoi le générique peine-t-il encore à s'imposer? Le générique ne représente aujourd'hui que 45% du marché domestique en valeur, bien en deçà des niveaux observés ailleurs. La méfiance des patients, l'absence d'une politique incitative et le manque d'un véritable accompagnement des industriels expliquent cette situation. L'instauration du droit de substitution, qui autoriserait les pharmaciens à proposer des génériques à la place des médicaments de marque, est une réforme essentielle. Il est également crucial de garantir une visibilité réglementaire et des incitations claires pour les industriels souhaitant investir dans ce segment. L'Afrique peut-elle tirer parti du repositionnement thérapeutique ? Sans aucun doute. Nombre de médicaments, dont les brevets sont tombés dans le domaine public, restent sous-exploités en Afrique, alors qu'ils pourraient offrir des alternatives abordables et efficaces aux traitements coûteux. Les industriels marocains possèdent les compétences techniques pour produire ces molécules, notamment les biosimilaires. Mais la taille critique du marché demeure un véritable défi, au point où investir dans des unités de production n'est viable que si la demande est suffisante, d'où l'importance d'une approche intégrée à l'échelle du contient. De ce fait, la mutualisation des besoins entre pays africains permettrait de créer cette échelle de marché et de justifier ces investissements. A.I. / Les Inspirations ECO