Loin d'être un fleuve tranquille, la reconnaissance par Israël de la marocanité du Sahara a été précédée par un long bras de fer politique et diplomatique avec le Maroc. Après la reconnaissance de la marocanité du Sahara par l'administration Trump, le 10 décembre 2020, Rabat s'attendait à ce que Tel-Aviv emboîte le pas à Washington, notamment après la signature, le 22 décembre 2020 dans la capitale du royaume, et en présence du roi Mohammed VI, de la Déclaration tripartie Maroc-Israël-Etats-Unis. Néanmoins, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Trois semaines plus tard, Israël avait rendez-vous, le 13 janvier 2021, avec de nouvelles élections législatives. S'en est suivie une période d'incertitude et d'âpres négociations, avant la proclamation, en juin de la même année, d'un gouvernement hétéroclite où se côtoient droite, centre gauche, gauche classique et formations arabes. La reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara n'a pas constitué une priorité pour le nouvel exécutif, même si son ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, s'est rendu en août 2021 au Maroc décochant des flèches en direction de l'Algérie et l'Iran. Une année après le déplacement de Lapid au royaume, l'ancienne ministre israélienne de l'Intérieur, Ayelet Shaked, a affirmé à l'issue de ses entretiens avec le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, qu'«Israël réaffirme son soutien à la souveraineté du Maroc sur le Sahara». Le gouvernement dirigé alors par le Premier ministre Yaïr Lapid n'a pas opérationnalisé par un acte officiel les propos de Mme. Shaked, malgré des relations politiques et diplomatiques avec le Maroc au beau fixe. Avec le retour de Netanyahu au pouvoir, Rabat hausse le ton L'exécutif Lapid n'a pas fait long feu. Les législatives du 1er novembre 2022 donnent la victoire aux conservateurs menés par le revenant Benyamin Netanyahu. Avec ce retour au pouvoir, le Maroc met sur la table des négociations la reconnaissance de la marocanité du Sahara. Le site d'information américain Axios a révélé, en janvier dernier, que des responsables marocains avaient exigé la reconnaissance officielle par Israël, en échange de l'ouverture d'une ambassade du royaume à Tel-Aviv. La partie marocaine a exprimé aussi ses réserves quant à l'accueil de la deuxième édition du Forum du Néguev. Un coup de froid frappe alors les relations politiques et diplomatiques entre les deux pays. Le traditionnel flux de visites de ministres israéliens au Maroc se tarit. La première rencontre officielle entre un ministre du gouvernement Netanyahu, Ofir Akunis, et son homologue marocain, Nizar Baraka, en marge de la conférence des Nations unies sur l'eau, organisée en mars à New York, a été boudée par les médias officiels marocains. Outre la pression du Maroc sur Netanyahu, cette reconnaissance par Israël de la marocanité du Sahara est aussi le fruit d'une médiation menée par des députés et sénateurs américains, réunis au sein de l'«Abraham Accords Caucus», qui se sont rendus en janvier et février au royaume avant de s'envoler vers Israël, avec pour mission de réconcilier les deux pays. Des efforts qui ont permis, dans un premier temps, le retour des visites de ministres israéliens eu Maroc. En témoignent les déplacements effectués ces derniers mois par Nir Barkat, chargé de l'Economie et l'industrie, Ofir Akunis (Innovation, sciences et technologies), Miri Regev (Transports) et Moshe Arbel, à la tête des départements de l'Intérieur et la Santé. La troisième personnalité à Tel-Aviv, le président de la Knesset, Amir Ohana, a fait aussi le déplacement à Rabat en juin dernier. Depuis le siège de la Chambre des représentants, il avait d'ailleurs invité le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, à reconnaître la marocanité du Sahara. «Nous travaillons actuellement sur cette question (la reconnaissance) et notre plan est d'avoir notre décision finale au Forum du Néguev», a déclaré le 3 juillet le ministre des Affaires étrangères. La lettre adressée par Netanyahu au roi Mohammed VI intervient presque une dizaine de jours après la visite effectuée en Israël par le conseiller du souverain, André Azoulay, pour recevoir la médaille d'honneur présidentielle pour son engagement pour la paix entre Israël et la Palestine.