«Les nouveaux ennemis de l'Occident» arrivent à maturité. Au Figaro, le choc des civilisations est revivifié. Il aura fallu plus de deux décennies de travail de déconstruction intellectuelle pour que le démon idéologique renaisse de ses cendres. Le «courageux» Charlie Hebdo devait lâchement faire face à ses obligations financières, les chaînes d'info en continu cherchaient à tout prix le buzz en hashtaguant la menace terroriste «#islam», mais la réelle menace persiste. En 2012, l'Occident, ce bloc homogène et facilement identifiable, trouve de nouveaux ennemis. Si tant est de supposer qu'il ne les a pas cherchés. La recette est évidente : partir du simple pour virer au simplisme, évoquer l'anecdotique pour mieux ériger ces folies individuelles en irréfutables vérités générales. Faire le buzz en diffusant des croquis moquant ceux dont la dignité se résume à une attestation de foi, créer un court-métrage d'une qualité au moins proportionnelle à son honnêteté intellectuelle, et voici que douze personnes s'excitent à #Islam-abad ou à Benghazi. Cadrer ensuite une ou deux barbes autoradicalized-muslim-friendly, zoomer sur quatre ou cinq niqab voilant des femmes soumises et arriérées, et titrer «la haine musulmane s'empare du monde arabe». Enfin, s'interroger «Why do they hate Us ?» pour creuser ce gigantesque fossé distinguant le «eux» du «Nous» ; un «Nous» supérieur sinon divin. Ces gens sont fous : elles s'indignent abusivement pour quelques vilaines scènes et dessins mais se taisent étrangement lorsque Nous les bombardons puis les occupons, dans l'élan d'un salut démocratiquement salvateur. Ces gens, donc, ne partagent manifestement pas les mêmes valeurs que «Nous». Autant ils nous faisaient saliver en portant le minimum génital qui leur permit de détrôner des dictateurs ici et là au Maghreb et au Mashrek, autant leur plan islamo-maçonnique secrètement gardé s'est à présent révélé : faire germer le printemps démocratique avant de le soumettre aux intempéries islamistes. Et Nous, nous qui parlions de «contagion démocratique dans le monde arabe» - contagion évoquant la diffusion d'une maladie-, nous qui bavions devant la bravoure de ces hommes et femmes prêts à s'immoler pour un avenir meilleur, nous voilà rattrapés par une réalité : loin d'être dérangeante, celle-ci est conciliante. Elle nous convainc que la démocratie est effectivement une maladie pour ces peuples rompus à l'autoritarisme. Ces peuples, dont les dirigeants compensent un manque de lumière cervicale par un surplus de muscles répressifs, ne sont pas prêts pour la démocratie. Lorsque Nous leur octroyons cette bénédiction occidentale, ils s'en servent pour mettre des barbus au pouvoir. Dans le chaos subséquent, ils peignent leurs rues d'un rouge sang, et nous privent de vacances au bord de la belle bleue lorsque nos comptes sont sur le vert. 2012 nous prouve que nous avions raison de nous méfier : toujours tempérer notre enthousiasme hésitant par un réalisme stratégique. Ces peuples sont relégués dans l'antre d'une galaxie lointaine, où l'univers et surtout l'universel n'ont pas vraiment de sens. Mais en vain, tout cela se passe ailleurs, mais pas vraiment chez Nous. «Les nouveaux ennemis de l'Occident», eux, sont chez Nous : ils sont nés ici, dans le berceau de l'Occident, grandissent ici, s'inscrivent dans nos écoles, et apprennent nos valeurs pour mieux les pervertir. Ils brûlent des voitures ou cassent du flic lorsqu'ils pénètrent leurs zones de non-droits, ils perçoivent l'argent du Hezbollah via le trafic stupéfiants halal – c'est pour la bonne cause. Ils plaident ensuite pour des Quick islamiquement corrects, où l'on peut manger halal et séparer d'un rideau opaque les clients des clientes. Ils défendent le port du niqab et exècrent les nudistes du Cap d'Agde qui régalent nos enfants. Enfin, ils sont capables de rassembler jusqu'à 150 personnes au cœur de la capitale pour mettre en péril Nos valeurs républicaines. Certains disent même qu'ils sont aptes à utiliser des réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter. On aurait lu sur leur statut des slogans anti-Blancs. Ces ennemis sont dangereux puisque omniprésents : ce peut-être l'Arabe du coin qui nous fournit en alcool quand le Français ferme boutique; le footballeur pas-de-calaisien qui formule ostensiblement ses invocations après chaque but, la dame de ménage qui porte un fichu à la place d'un voile ou même le rappeur en pleine prédication et répétant à l'envi «moi hamdoullah ça va». Ces ennemis, ce sont nos voisins, nos camarades et parfois même nos collègues de travail. Surtout, ils sont musulmans et français à la fois. Ils ont cette double appartenance et le poids du nombre. Ils semblent faibles, accoutumés au rôle de bouc émissaire, et peu réactifs sur le registre rationnel lorsqu'on titille leurs convictions. Le danger est là. Ce que les quelques salafistes autoradicalisés, assassins, ex-futurs terroristes, niqabistes et anti-Blancs cachent réellement ; ce sont des millions de français musulmans qui vont dans les écoles républicaines, travaillent et paient leurs impôts, se soumettent à la loi et la respectent, mêlent critique à l'autocritique lorsqu'on en fait des marque-page de l'agenda politico-médiatique, demandent à ce que l'égalité de droit soit respectée de fait, ne parlent pas de s'intégrer mais d'être intègre. Parmi eux, des ouvriers conscientisés, des professeurs d'université, des journalistes, des médecins, des avocats et même – oui, c'est ce qui se dit – des intellectuels. Les vrais tenants du protocole islamo-maçonnique, ce sont eux. Et gare à ceux qui n'ont pas lu.