L'hydrogène vert est le nouveau terrain de concurrence entre Rabat et Alger. Alors que le Maroc a pris une longueur d'avance dans ce secteur de pointe, l'Algérie dit être capable de répondre jusqu'à «40%» des demandes de l'Europe. L'Algérie veut se positionner comme l'exportateur principal d'hydrogène vert vers le marché européen. Les responsables multiplient les déclarations sur la capacité du pays à répondre aux demandes du Vieux continent en cette énergie renouvelable. La dernière sortie sur ce sujet, est signée par le directeur général du Cluster Energie Solaire (organisme public), Boukhalfa Yaïci, qui a affirmé, ce mercredi 20 juillet, dans des déclarations à la Radio publique algérienne, que son pays «est le mieux placé» pour assurer l'approvisionnement de l'Europe en hydrogène vert. Un autre haut cadre au ministère de la Transition énergétique a même estimé que son pays peut satisfaire jusqu'à «40% de la demande européenne». Néanmoins, le Commissariat aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique, Noureddine Yassaa, s'est montré plus prudent. Dans une interview accordée en avril à l'APS, il préfère parler d' «atouts intéressants» de l'Algérie pour produire cette énergie propre. Le président Abdelmadjid Tebboune a souligné, en février dans une allocution lue en son nom par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, que «l'Algérie œuvre actuellement, sur la base de ces atouts comparatifs, à l'élaboration d'une stratégie nationale de développement de l'hydrogène, y compris l'hydrogène vert». Mais dans son discours, le chef de l'Etat n'avait pas abordé la phase de l'exportation. Le Maroc a une longueur d'avance En Algérie, l'hydrogène vert est un sujet fréquent dans la couverture des médias locaux lors de visites de responsables européens. Ce fût le cas lors de la visite du Premier ministre italien, Mario Draghi, en juin et juillet, et de Katja Keul, la ministre adjointe allemande des Affaires étrangères qui s'est rendue en juin à Alger où elle avait annoncé «la réalisation, à titre d'essai, d'un projet d'hydrogène en Algérie avec des compagnies allemandes». Dans ce domaine, le royaume a une longueur d'avance. «Le Maroc a développé un modèle énergétique favorable à la production de l'hydrogène vert, basé essentiellement sur la montée en puissance des énergies renouvelables. Il a entamé depuis 10 ans une révolution en termes de déploiement des énergies renouvelables, affichant des objectifs ambitieux et volontaristes quant aux capacités à installer pour dépasser le cap de 52% à l'horizon 2030, annoncé lors de la COP21», lit-on dans «la Feuille de route, d'hydrogène vert». Fort de ces atouts, le World Energy Council (Conseil Mondial de l'Energie), dans le cadre de son étude de 2018 intitulée «Feuille de route Power-to-X», a identifié le royaume comme un des 6 pays avec un fort potentiel de production et d'exportation d'hydrogène et de dérivés verts. Un classement qui a séduit l'Allemagne pour signer avec le Maroc, le 10 juin 2020 à Berlin, un accord portant développement de l'hydrogène vert. Il prévoyait que le Maroc, via l'Agence Marocaine de l'Energie Solaire (Masen), s'associe au ministère allemand de la Coopération économique et du Développement pour diriger des projets conjoints de recherche et d'investissement dans l'utilisation de l'hydrogène, qui fait partie intégrante des objectifs de neutralité énergétique de l'Allemagne à l'horizon 2045. Un accord qui avait fait les frais, en mai 2021, de divergences de fond sur la question du Sahara occidental entre Rabat et le gouvernement d'Angela Merkel, notamment après la reconnaissance de la marocanité du territoire, le 10 décembre 2020, par le président des Etats-Unis, Donald Trump. La coopération entre les deux capitales dans ce secteur a été récemment relancée, à la faveur du réchauffement des relations maroco-allemande, opéré dans le sillage de l'appui du gouvernement d'Olaf Scholz au plan marocain d'autonomie au Sahara occidental. En témoigne, d'ailleurs, la Déclaration conjointe publiée en mars dernier, suite aux entretiens entre le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, et la ministre allemande de la Coopération économique et du Développement, Svenja Schulze. A cette occasion, les deux parties ont mis l'accent sur «l'intérêt partagé d'intensifier la coopération en particulier dans ce domaine». Depuis qu'il a pris ses quartiers, en mai à Rabat, l'ambassadeur allemand, Robert Dölger, aborde le sujet avec tous les responsables marocains qu'il rencontre. Preuve en est sa réunion, de la semaine dernière, avec le président de la Chambre des conseillers, Naam Miyara. Le diplomate a également pris part, en juin à Marrakech, à la deuxième édition du «World Power-to-X Summit». Le groupe français Total Energies, porte aussi un intérêt aux atouts du Maroc dans le domaine. La Stratégie de développement de l'hydrogène vert, mise en place en 2021 par le gouvernement El Othmani, ambitionne de capter jusqu'à 4% de la demande mondiale en ce produit, indiquait en août un communiqué du ministère de l'Energie et des Mines.