Le premier Forum marocain des médias associatifs et communautaires s'est tenu sous le thème «Pour un paysage médiatique libre et pluriel», afin de mettre en lumière le rôle de ces supports dans la garantie du pluralisme. La liberté d'expression était également une question incontournable du Forum. «Pour un paysage médiatique libre et pluriel» a été le thème de la première édition du Forum marocain des médias associatifs et communautaires, tenu les 12 et 13 février pour mettre l'accent sur la place des supports associatifs dans le champs médiatique au Maroc. Initié par le Forum Maroc alternatives (FMAS) et le Portail E-joussour, l'événement a été une occasion pour la réflexion et le questionnement sur le renforcement des acquis dans le secteur et pérenniser son impact. Les intervenants ont également abordé les modèles institutionnels et économiques de ces organisations collaboratives, ainsi que l'équilibre entre professionnalisme et bénévolat. «Les médias associatifs et communautaires comme levier de liberté d'expression et du pluralisme dans l'espace médiatique» a été l'un des trois axes de ce premier Forum. Intervenant à cette occasion, le secrétaire général du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Mounir Bensalah a mis l'accent sur la réforme du cadre juridique pour le pluralisme des médias et la liberté d'expression au Maroc. «Le CNDH insiste, du moins depuis 2019 dans son rapport annuel, sur le fait que toutes les lois relatives à la presse et aux médias soient rassemblées dans un même code unifié», a-t-il rappelé. Il a indiqué par ailleurs que la liberté d'expression, prévue dans l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, revêtait des obligations liées essentiellement au respect des valeurs internationales et qu'au Maroc, «certains articles du Code pénal abordent l'exercice de la liberté d'expression». Intégrer les supports associatifs et collaboratifs au champs médiatique L'idée pour le CNDH est «qu'il y ait un débat public élargi, avec la participation des spécialistes, chercheurs et universitaires afin de définir un nouvel espace permettant d'exercer la liberté d'expression en dehors des canaux classiques» des médias et de la presse, selon le secrétaire général de l'institution, qui a appelé à ce qu'il n'y ait pas un deux-poids, deux-mesures dans le traitement à l'égard des médias classiques et des nouveaux formats qui émergent essentiellement via Internet. C'est ce contexte qui est évoqué par les organisateurs de ce premier Forum, où les craintes ont été exprimées concernant un «surplus de contraintes sur les libertés comme cela a été le cas avec l'approbation sous réserve du gouvernement du projet de loi 22-20 relative à l'utilisation des réseaux sociaux et des plateformes de communications instantanées». «Une loi spécifique au principal vecteur de pluralisme d'opinion, bien que mise au placard, témoigne de l'esprit qui prévaut menant potentiellement plus de restrictions aux libertés numériques», a noté le FMAS. Pour Mounir Bensalah, «les médias sont un outil d'intermédiation entre les acteurs politiques et les différentes composantes de la société, dans le cadre d'un Etat de droit». Mais avec l'évolution technologique ces relations connaissent des changements, «dans la mesure où l'espace digital permet désormais aux citoyens de devenir des acteurs, de diffuser des informations et de les recevoir à la fois, d'où on parle de médias collaboratifs, alternatifs, citoyens…». «D'une manière ou d'une autre, ces différentes formes d'expression se font dans l'espace digital, où il existe de grandes problématiques et défis», a souligné le secrétaire général du CNDH, rappelant que ce dernier a précédemment recommandé d'«élargir la liberté d'expression dans ces espaces-là», tout en tenant compte des dimensions de lutte contre les fausses informations, de l'utilisation de cet espace pour atteindre d'autres droits humains, ainsi que de la protection des données personnelles. Dans le même sens, Mounir Bensalah a souligné que «l'exercice de la liberté d'expression, dans certains pays démocratiques, n'est pas limité par des textes de lois, en dehors de principes constitutionnels ; mais en même temps, il y a une autorégulation, des mesures éthiques et déontologiques» qui rappellent aux utilisateurs leurs obligations. En d'autres termes, les changements technologiques ont donné lieux à de nouveaux processus. «Le broadcasting classique est fait de manière à ce qu'il soit régulé à différentes étapes. Dans le domaine digital qui dépasse la dimension de la liberté d'expression en elle-même, ce n'est pas le cas, d'où la question sur le sens de responsabilité et d'éthique, y compris dans l'utilisation de l'intelligence artificielle», a encore noté le responsable. Conseiller pour la communication et l'information bureau de l'UNESCO pour le Maghreb, Ming-Kuok Lim a axé son intervention sur les médias communautaires et associatifs en tant que levier du pluralisme et de la liberté d'expression, parmi ces nouvelles formes de transmission et de diffusion des informations. Si une grande partie de ces initiatives a émergé où a gagné en visibilité grâce à Internet, «la radio reste un média très important dans le monde», a rappelé le représentant, dans un contexte où le monde a célébré la Journée mondiale de la radio, le 13 février. Les médias communautaires ont aussi un rôle de lutte contre les fake news «La radio est le média le plus utilisé dans le monde. Malgré la croissance de la numérisation, la moitié des personnes à travers le monde reste non-connectée à Internet et la radio reste le moyen le plus accessible pour s'informer et s'exprimer», a encore souligné Ming-Kuok Lim. Pour lui, les radios associatives et communautaires en particulier ont trois fonctions essentielles, qui contribuent au pluralisme, à la liberté d'expression et à la diversité. D'abord, ce sont des médias dirigés «par la communauté et pour les communautés, surtout celles moins visibles à la télévision». Ils «donnent la priorité à la communication directe et mettent au premier plan les préoccupations de ces communautés-là». Aussi, ils «parlent la langue des personnes auxquelles ils sont destinés», a-t-il souligné. Ming-Kuok Lim a mis l'accent aussi sur le rôle des radios communautaires dans la diffusion d'informations fiables, correctes et vérifiées, afin de faire barrage à la propagation de rumeurs, de données erronées ou de fake news. Cette fonction est revenue singulièrement au premier plan, en période de crises sanitaires. «Nous en avons été témoins particulièrement pendant ces périodes, car avant le nouveau coronavirus, il y a eu Ebol ; le rôle de ces radio-là a été important pour diffuser les opérations de sensibilisation de manière compréhensible et accessible à tous», a-t-il souligné. De ce fait, le conseiller du bureau de l'UNESCO pour le Maghreb a estimé que «la radio communautaire est le troisième pilier des médias, au côté des médias publics et privés». «C'est un levier du pluralisme, de la diversité et de la liberté d'expression que l'UNESCO encourage et accompagne, surtout au Maroc, à travers un programme de renforcement des capacités, de plaidoyer et de mise en réseau», a-t-il rappelé. «Nous croyons en la fonction de la radio communautaire dans la démocratie, dans la protection et la promotion des droits fondamentaux, la liberté d'expression, le droit d'accès à l'information et l'égalité des genres, mais surtout en sa capacité à parvenir à des régions éloignées des grands centres urbains, d'où sa grande importance», a plaidé Ming-Kuok Lim. Pour le FMAS, cette réalité «nécessite des ruptures en termes législatif et des mutations au niveau des modèles économiques, mais aussi une reconnaissance du rôle démocratique et social d'un tiers-secteur médiatique, et de là, le sauvegarder et le pérenniser». Selon les organisateurs, cette question revêt une grande importance, dans un contexte de débats sur la liberté d'expression plus largement dans les médias ainsi que chez les internautes.