Les premiers secrets du futur grand stade de Casablanca ont été révélés, publiquement, par son architecte, Tarik Oualalou, lors de la 5ème édition de la Science Week, organisée par l'UM6P. Dans cette interview, le jeune concepteur nous dévoile les éléments qui façonnent ce bijou architectural, inspiré de la tradition de l'hospitalité marocaine. Explications. * Le choix a été porté sur votre Cabinet pour la conception du grand stade Hassan II en préparation à la Coupe du Monde 2030. Comment avez-vous reçu cette nouvelle ?
Pour nous, il ne s'agit pas d'un simple stade, comme d'autres dans le monde. C'est l'un des grands projets d'infrastructures de haut niveau portés dans le cadre de la vision éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en préparation de la Coupe du Monde. Que ce soit en tant que grand amateur de football, partageant l'euphorie du public, ou en tant qu'architecte cherchant à marquer son empreinte dans cette belle aventure, nous sommes particulièrement fiers et honorés de tracer le chemin pour les grandes manifestations que notre pays va accueillir. Le sentiment général de participer à un projet, aussi particulier et important, est une véritable fierté. Ce qui justifie le travail acharné de tous les intervenants, qu'il s'agisse de la fédération, du maître d'ouvrage ou des autres acteurs, contribuant à notre petite échelle à la réussite de la Coupe du Monde.
* Le stade adopte la figure de la tente. Qu'est-ce qui vous a inspiré dans cette démarche et quels messages cherchez-vous à véhiculer à travers cette architecture inédite ?
Il y a beaucoup de secrets dans ce projet. Permettez-moi de vous dire que le stade, tel qu'il est placé au cœur de la forêt de Benslimane, ne ressemble à aucune forme de tente existante dans le monde. La tente, en tant que forme proto-architecturale, qui a émergé bien avant la création des bâtiments, se trouve partout dans le monde, depuis la nuit des temps. Cependant, la tente au Maroc est intimement associée au Moussem, un espace temporaire de rassemblement et de partage, où tout le monde se réunit pour vivre une festivité. Cela représente, bien évidemment, l'essence même d'un match de football et d'une Coupe du Monde, où tous se rassemblent pour vivre des moments de pur plaisir, loin de toute autre considération. En choisissant la tente comme élément central de la conception de ce projet, nous souhaitons rendre hommage à la tradition de l'hospitalité marocaine, tout en ouvrant la porte aux autres cultures du monde pour encourager l'acceptation de l'autre. Ainsi, les spectateurs qui auront la chance d'assister à un match de football dans ce stade pourront non seulement échanger avec la culture marocaine, mais aussi vivre une expérience unique de partage et de découverte. D'un autre côté, à travers leur vécu et leur mémoire, les spectateurs du monde auront l'opportunité de ressentir une connexion avec leur propre culture. L'objectif n'est pas seulement de montrer qui nous sommes, mais de les aider à découvrir des points de convergence, des moments de partage et de communauté. À mon sens, un projet d'architecture réussi est avant tout un projet qui met en valeur une culture tout en établissant un pont vers d'autres cultures. Aujourd'hui, chacun des intervenants travaille dans cette optique pour concrétiser cette vision commune.
* Comment ce nouveau stade se connecte-t-il à son environnement ? Notre objectif est d'assurer cette connexion, mais avec plus de douceur, dans la mesure où il s'agit d'un bâtiment destiné à protéger son environnement et non pas à y peser. La structure tendue de la tente est un immense espace de protection de la nature, qui intègre de la verdure dans chaque coin. A vrai dire, l'enjeu était de créer un espace public qui sert à toutes les occasions et qui profite avant tout à la communauté locale. Il fallait imaginer à quoi ça pourrait servir, à d'autres espaces de sport, des espaces de jeu pour les enfants, des parcours de santé... C'est un bâtiment en dialogue avec la nature et qui ne s'impose pas à son environnement mais l'intègre en douceur.
* La durabilité est un enjeu pour le Maroc de demain. Quelles mesures ont été prises pour garantir que le stade soit respectueux de l'environnement et durable à long terme ? Au XXIème siècle, il ne s'agit plus de créer des bâtiments étanches ou des carapaces, mais plutôt des membranes respirantes qui établissent un nouveau rapport avec la vie et la nature. La durabilité est un véritable enjeu pour nous, raison pour laquelle nous nous employons pour intégrer les dispositifs technologiques les plus avancés en matière de frugalité énergétique, de récupération des eaux, d'arrosage intelligent, et de systèmes mesurables pour lesquels une certification complète est délivrée. L'équipe s'efforce à pousser le projet au-delà de toutes les normes afin d'honorer notre responsabilité à cet égard en intégrant une vision exemplaire, conformément aux recommandations de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA). Mais au-delà de cette responsabilité, il est impératif de créer un nouveau lien entre le corps humain et la nature. Au fond, l'architecture n'est rien d'autre que la relation que l'homme établit entre le sol et le ciel. Cette vision n'est plus un luxe, mais une nécessité, compte tenu du rapport complexe de l'homme avec la nature et des ressources désormais très rares.
* Quand prévoyez-vous l'achèvement complet du projet et quel impact espérez-vous avoir sur l'expérience des spectateurs ? Il y a des délais qui sont prévus pour le projet et qui sont absolument maintenus. Il y a la volonté du maître d'ouvrage d'être plus performant comme la plupart des projets en cours dans diverses villes du Royaume. Le travail avance très bien dans ce sens. C'est un stade de nouvelle génération destiné à être le plus grand stade dans le monde, et s'appuie sur les dernières recommandations de la FIFA avec énormément de retour d'expérience. Nous avons la chance d'avoir parmi nos partenaires le cabinet britannique Populous fort d'une expertise de longue date dans la conception de sites sportifs et de divertissement mondiaux, avec lesquels nous veillerons à garantir une immense expérience footballistique avant le match, pendant et après le match.
* A quel point le Maroc a façonné votre style ?
Je suis architecte marocain et je porte le Maroc en moi, là où je vais, même dans mes projets. Au-delà des autres éléments qui façonnent notre culture, il y a notre rapport à l'organisation de nos communautés, la vivacité de nos échanges et notre relation à l'espace. Le Maroc est l'un des grands théâtres de l'invention du XXIème siècle où l'humanité peut réinventer son rapport au monde.
* Comment appréhendez-vous l'évolution du paysage contemporain de l'architecture ?
C'est une affaire complexe. Le Maroc est l'un des grands théâtres de l'invention architecturale de notre siècle, à l'instar du XXème siècle. Des évolutions intéressantes sont déjà évidentes, mais je ne cesse de répéter que nous pouvons faire mieux en privilégiant la production locale de matériaux. Je suis particulièrement convaincu que notre production est capable de servir tant le besoin interne qu'externe du reste du monde. Tirant les leçons des expériences passées, notre responsabilité en tant qu'architectes est d'épurer ce que nous avons créé de toute influence et sans aucune résistance, que nous n'aurions pas pleinement maîtrisée. Cette implication enthousiaste a inévitablement conduit à la détérioration de notre planète et de notre nature. Nous sommes conscients que notre participation à ce grand projet nous définira de manière indélébile pour les générations à venir, d'où la nécessité pour la nouvelle génération d'architectes d'adopter des pratiques de construction responsables, tant pour notre environnement que pour la gestion de nos ressources.
Recueillis par Mina ELKHODARI Stade Hassan II : Un espace public pour toutes les occasions Le futur grand stade de Casablanca, conçu en préparation de la Coupe du Monde 2030, révèle petit à petit ses secrets à travers son architecte, Tarik Oualalou, dont le Cabinet a été retenu pour la conception de ce bijou architectural. Ce stade, qui respire la vie, s'implante au cœur de la province de Benslimane, dans la commune de Mansouria, à 38 km au Nord de Casablanca. Jeune architecte imprégné de culture et de philosophie de vie, les propos de Tarik Oualalou n'ont pas manqué de romantisme lorsqu'il a présenté ce joyau architectural, lors de la 5ème édition de la Science Week, qui se tient jusqu'au 23 février à Benguerir. Lui-même impressionné par l'originalité de ce projet, le jeune a fait appel à une démarche architecturale novatrice qui s'imprègne de la tradition marocaine comme une véritable modernité à ancrer et à transmettre, dans des occasions comme la Coupe du Monde ou la Coupe d'Afrique. D'une capacité d'accueil de 115.000 places, le stade baptisé Hassan II est conçu pour toutes les occasions réunissant les communautés, et pas uniquement pour la Coupe du Monde. « Ce grand stade bénéficiera également à nos prestigieux clubs de Casablanca, le Raja et le Wydad, et permettra de réinventer l'expérience des spectateurs ainsi que leurs interactions avec leur club préféré », a-t-il déclaré sur un ton optimiste, devant une salle captivée. Il était d'ailleurs évident de percevoir l'impression positive du public, les yeux rivés sur les images vivantes du stade présentées par Tarik Oualalou. Grand amateur de football, et fin connaisseur des attentes des spectateurs, l'architecte promet une nouvelle expérience de connexion avec la nature, offrant une vue ouverte favorisant le dialogue entre le sol et le ciel, et entre l'homme et la nature. Il s'agit, selon lui, d'une expérience inédite qui se trouve au Maroc, et nulle part ailleurs.