Vendredi 31 mars était jour de commémoration pour le parti de l'Istiqlal, qui rendait hommage à son ancien (et grand) secrétaire général Mhamed Boucetta. Tout le monde était là, du palais au plus simple militant, pour se recueillir à la mémoire du défunt, décédé le 17 février. Hamid Chabat, persona (presque) non grata à cet hommage, en a profité pour faire une indigne récupération politique. Et le lendemain, au siège, les choses ont basculé… Lors de l'hommage à Boucetta, entré sous les vivats de ses « hommes », voire ses milices, main dans la main avec Abdelilah Benkirane, Hamid Chabat a fait chanter l'hymne du parti, puis s'est fait bruyamment acclamer par ses troupes, sous le regard consterné des 2.000 participants. Le message royal a été lu, les caciques et grands amis du parti ont parlé, le fils du défunt s'est ému, et tous ces gens ont appelé à la nécessaire union du parti, appelé à tenir son congrès électif dans un mois. En scène, les deux challengers, le sortant et remuant Hamid Chabat et l'élégant et discret Nizar Baraka. Lors de la cérémonie, l'auteur de ces lignes a échangé quelques mots avec Chabat, qui a expliqué, dans une sorte de délire, que « Hamdi Ould Rachid a affirmé que le ministère de l'Intérieur démantèlera le parti de l'Istiqlal »… Il faut savoir qu'Ould Rachid s'est retourné contre Chabat, après l'avoir longtemps soutenu. Quant à Nizar Baraka, Chabat pense qu' « il devrait reprendre ses esprits (alhah yehdih en VO), et renoncer à aller à la course au secrétariat général »… Et, de fait, samedi, au siège du parti, une rencontre était organisée par Chabat et ses amis. Cette rencontre n'existe nulle part dans les statuts : elle a été appelée fédération des instances nationales du parti de l'Istiqlal. « Un machin », dit un dirigeant du parti, qui ajoute que « Chabat a perdu tous les organes de l'Istiqlal, et il a inventé cette chose pour la forme, l'image et la photo ». Que s'est-il passé ? Un différend est né d'une discussion entre participants, dont des gens venus de Laâyoune, et comptés dans les rangs de Hamdi Ould Rachid. Abdelkafer el Kihel, membre du Comité exécutif et ami de Chabat, a qualifié les Sahraouis de « Polisario, séparatistes ». Ce qui a immédiatement mis le feu aux poudres. Y a-t-il eu destruction de matériel et coups et blessures ? Non, assure un participant. Des chaises renversées, des mouvements d'humeur, des énervements verbaux, et la tribune mise à terre. Mais sans plus, sinon, la police serait intervenue. Cela n'a pas été le cas. Cette situation est ce que cherchait exactement Chabat, pour « enclencher la phase dans laquelle il excelle, à savoir le hooliganisme, la violence et l'intimidation », explique notre source. Un communiqué a été publié, signé par les représentants des différentes organisations parallèles qui siégeaient ce jour-là, et tout ce monde a demandé à Chabat de prendre ses responsabilités pour ramener l'ordre au sein du parti. Et voilà Chabat, qui avait été marginalisé par le Conseil national du 31 décembre, remis en selle. Aujourd'hui, c'est le congrès qui est remis en question. « Comment organiser un congrès alors que Hamid Chabat a amené ses milices et entreprend d'intimider tout le monde ? », s'interroge ce dirigeant du parti. « On ne peut organiser le congrès dans cette ambiance et Chabat ne veut rien lâcher… Rappelez-vous quand il avait menacé l'Etat d'incendier Fès s'il n'obtenait pas la présidence de la Région Fès-Meknès, en 2015… et rappelez-vous comment il avait menacé de se jeter dans les bras du PJD s'il n'obtenait pas la présidence de la Chambre des représentants »… On comprend mieux aujourd'hui le veto d'Aziz Akhannouch, signifié à Benkirane en novembre, contre l'Istiqlal. On ne peut siéger dans un gouvernement avec un homme pareil, et à cette époque, les amis de Benkirane avaient copieusement insulté le président du RNI. Il reste une question… Où est la justice ? Pourquoi ne se prononce-t-elle pas suite aux propos de Chabat qui laissait entendre sa mort prochaine, une mort explicitée plus tard par un article publié sur le site du parti, dont le secrétaire général est responsable ? Pourquoi ne prend-elle pas fait et cause pour le Comité exécutif qui a mis Chabat en minorité ? Pourquoi ne s'enquiert-elle pas des membres du Conseil national, présentés comme tels alors qu'ils ne le sont pas mais qui ont voté la confiance à Chabat, et la défiance pour Taoufiq Hjira et les autres Ghellab et Baddou ? Aujourd'hui, les dirigeants de l'Istiqlal pensent et craignent une scission de l'Istiqlal, avec la possibilité que Chabat parte avec ses troupes et crée une autre structure. Ancien secrétaire général de l'UGTM, le syndicat du parti, il est fort possible que Chabat emmène avec lui cette organisme, plus toutes les autres organisations parallèles qu'il a noyautées. Où est la justice ?