L'ouvrage intitulé « Les fourmis prédatrices, ou l'itinéraire d'un expulsé d'Algérie », de ses co-auteurs Fatiha Saidi et Mohamed Moulay, a été présenté, lundi à Rabat, en présence d'une pléiade de militants des droits de l'Homme, de chercheurs et d'universitaires. L'ouvrage (147 pages) en langue française, publié aux éditions Bouregreg, est un témoignage de Mohamed Moulay qui retrace le parcours de ce Marocain contraint de quitter l'Algérie dans des conditions très difficiles et inhumaines, levant par la même le voile sur l'expulsion arbitraire de dizaines de milliers de Marocains qui ont été renvoyés manu militari, en décembre 1975, laissant derrière eux leur famille et leurs biens. « Ce roman autobiographique qui retrace l'itinéraire de Mohamed Moulay depuis son enfance, au moment de son expulsion, jusqu'à la reconstruction, est un devoir de mémoire et une façon de faire connaitre cette page de l'histoire tournée sans être lue », a souligné Mme Saidi à cette occasion. « D'aucuns peuvent estimer que les expulsions massives dont ont fait l'objet les Marocains vivant en Algérie ne sont qu'un simple fait divers de l'histoire. C'est bien loin d'être le cas, car les souffrances endurées par des milliers de personnes restent des plaies béantes », a-t-elle insisté. « Les propos des victimes de cette expulsion sont toujours parasités par les sanglots et après plus de quatre décennies, les souvenirs douloureux continuent à noyer les yeux et nouer les gorges. On constate que les plaies ne sont pas pansées et encore moins cicatrisées lorsqu'ils s'aventurent dans les dédales du souvenir », a martelé cette petite-fille de Marocains expulsés d'Algérie, appelant à s'intéresser davantage à cette question et à donner la parole aux personnes encore en vie pour faire des lectures sociologiques et des études historiques. Sur l'intitulé de l'ouvrage « Fourmis prédatrices », l'écrivaine a fait référence aux fourgons verts et blancs s'activant comme des fourmis prédatrices et ramassent avec frénésie, que ce soit en rue, dans les écoles, les usines, les chantiers, les commerces et les maisons, les Marocains installés en Algérie. « Ce livre a été un rêve. J'ai été inspiré par l'ouvrage de Mohamed Charfaoui +la Marche noire+ qui est un témoignage du drame des milliers de familles marocaines expulsées d'Algérie, en réponse à l'organisation de la Marche Verte, le 6 novembre 1975 », a souligné, pour sa part, M. Moulay. « Ce moment d'expulsion restera à jamais gravé dans ma mémoire. C'est un traumatisme, un sentiment d'injustice profond et un tatouage indélébile », a-t-il affirmé, notant qu'en racontant son récit, il a « enlevé un lourd poids de ses épaules ». De son côté, le président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Driss El Yazami a indiqué que la migration marocaine, majoritairement du Rif, à destination de l'Algérie a contribué significativement au développement et à l'essor économique de l'Oranie, notant que l'expulsion des Marocains de l'Algérie est un crime qui est resté méconnu et déni pendant des décennies sur le plan politique et médiatique et en matière des droits de l'Homme. Ce n'est qu'en 2010 qu'un organe des Nations-Unies, le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, qui est groupe d'experts indépendants créé en vertu de la convention du même nom, reconnaît l'ampleur du dommage causé par cette expulsion, a-t-il rappelé. Les experts onusiens ont appelé le gouvernement algérien à prendre toutes les mesures nécessaires pour restituer les biens légitimes des travailleurs migrants expulsés, à leur offrir une indemnisation juste et adéquate et à faciliter la réunification de ces migrants avec leurs familles restées en Algérie, a-t-il souligné. Fatiha Saidi est une Belge d'origine marocaine, née à Oran et qui vit en Belgique depuis l'âge de 5 ans. Petite fille de Marocains expulsés d'Algérie, elle est ancienne députée bruxelloise et ancienne membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et scénariste honoraire. Actuellement, elle est adjointe au Maire à Evere (Bruxelles). Mohamed Moulay est un fonctionnaire retraité du ministère de la Jeunesse et des Sports. Né à Ançor à Oran, il vit depuis 1975 au Maroc.