Le parti travailliste (au pouvoir depuis 1997) qui aborde les élections législatives de mai prochain avec un retard relativement réduit par rapport à son rival conservateur, garde l'optimisme de se maintenir au pouvoir pour un quatrième mandat consécutif même dans un gouvernement de coalition. Par Abdelghani Aouifia L'opération représente un double défi pour Gordon Brown, Premier ministre sortant et leader du labour, à savoir de conduire sa formation vers une victoire historique et obtenir un mandat claire des électeurs pour poursuivre son programme de réformes notamment économique. Le grand gestionnaire contesté par les siens Porté à la direction du labour sans élection en juin 2007 suite à la démission de l'ancien Premier ministre et chef du parti Tony Blair, Brown s'est forgé, même de l'avis de ses détracteurs, une réputation de "grand survivant" capable de renverser la vapeur en sa faveur, malgré les résultats des sondages qui le donnent à la traine des conservateurs. L'actuel locataire du 10 Downing Street, qui ne faisait pas l'unanimité y compris parmi les siens, a échappé à plusieurs reprise à la défiance au sein de sa propre formation suite aux déroutes des travaillistes dans les élections municipales et européennes de 2009. Après avoir réussi à contenir la crise au sein du parti qui menaçait son avenir politique, Brown s'est attelé à chercher les moyens de faire sortir la Grande-Bretagne de sa plus grave crise financière et sa plus long récession depuis plusieurs décennies. Faisant prévaloir ses compétences de grand gestionnaire économique, cet ancien ministre de l'Economie et des Finances, présenté par ses proches collaborateurs comme le véritable architecte des années fastes de l'économie britannique entre 1997 et 2007, a multiplié les actions sur les plans national et international pour trouver une issue à la crise. L'ancien Chancelier de l'Echiquier se targue des plans de relance et de sauvetage du secteur bancaire qu'il a mis en oeuvre au summum de la crise, en dépit du cout faramineux de ces plans, dont une hausse record du déficit budgétaire (167 milliards de livres Sterling). Pour gérer une telle situation intenable, le parti de la rose plaide pour le réalisme, tout en promettant un contrôle des plus rigoureux des dépenses publiques sans pour autant courir le risque d'une rechute de l'économie dans une récession qui pourrait être plus sévère. Brown et Alistair Darling, son Chancelier de l'Echiquier, ont averti que tout réduction "prématurée" des dépenses publiques serait dangereuse pour une économie qui cherche toujours à retrouver sa vitesse de croisière. Sur le plan international, la direction travailliste est favorable à une action concertée au niveau des pays du G-20 pour un contrôle "plus sain" de la finance internationale, le but étant de sauvegarder les postes d'emploi et assurer une pratique bancaire loin des risques incalculables qui avaient déclenché la crise.
Blair appelé à la rescousse Brown, à qui on reproche son caractère austère et son incapacité de communiquer notamment avec la presse, risque fort bien de payer un lourd tribut pour son manque de charisme. Les analystes de la presse londonienne estiment que les stratèges de la formation labour ont été amenés à faire appel aux services de leur ancien chef, Tony Blair, justement dans le but de combler ce vide. Blair, qui a animé récemment un rassemblement du labour, a tenté d'étaler ses talents d'orateur pour défendre le bilan de son successeur, le qualifiant de leader expérimenté et audacieux et louant ses actions pour contenir la crise économique internationale. Or, certains observateurs argumentent que ce rappel de Tony Blair risque d'être couteux pour le labour. D'après eux, le retour sur scène de l'ancien Premier ministre rappellerait aux électeurs le sombre épisode de la guerre en Irak.
Les débats télévisés, ou le moment de vérité pour Brown De l'avis des commentateurs, les trois débats télévisés qui seront tenus lors de la campagne électorale entre Brown, son challenger conservateur David Cameron et le dirigeant du parti libéral-démocrate, façonneront en grande partie les choix des électeurs, en particulier les indécis d'entre eux. Face à son rival conservateur télégénique et visiblement plus éloquent, Brown tentera de faire prévaloir sa grande expérience et son réalisme pour convaincre les électeurs de sa capacité de mener la barque de l'économie britannique a bon port. Ces débats, les premiers dans l'histoire électorale du Royaume-Uni, porteront sur les questions intérieures, la politique étrangère et les questions économiques. La tache de Brown ne sera pas aisée face à un électorat qui aspire à un changement de direction après 13 ans sous un gouvernement travailliste.