La crise économique et financière, qui semble avoir eu un impact plus avéré sur le Royaume-Uni par rapport aux autres pays industrialisés, a suscité un large débat dans les milieux politico-militaires à Londres sur l'engagement britannique dans le monde. -Par Abdelghani AOUIFIA- Face à cette crise, avec son lot en termes de hausse du chômage et augmentation vertigineuse de la dette publique, des voix se sont élevées remettant en cause les capacités du Royaume-Uni de continuer de jouer son rôle de leader, aux cotés des Etats-Unis, en matière de maintien de la paix dans le monde. .+Rupture avec la politique interventionniste des travaillistes+. La Baronne Neville-Jones, porte-parole du parti conservateur pour les questions de Sécurité et auteur de la stratégie que les Tories comptent mettre en oeuvre dans ce domaine en cas de victoire dans les prochaines législatives, a mis en garde récemment que l'engagement militaire britannique à l'étranger "se fait aux dépends de nos ressources", soulignant que la Grande-Bretagne "n'est plus une superpuissance mondiale". David Cameron, chef du parti conservateur, qui devrait remporter, si l'on croit les sondages d'opinion, le scrutin législatif du printemps prochain, a affirmé que sa formation mettra un terme à la politique étrangère poursuivie par son rival travailliste. Il a notamment souligné que les Tories rompront avec la politique "des guerres interventionnistes", lancées sous la direction de l'ancien Premier ministre travailliste, Tony Blair, notamment en Irak et en Afghanistan. Le choix des conservateurs est dicté par les contraintes budgétaires, résultat de la sévère crise financière qui ébranle le Royaume-Uni depuis la mi-2008. Le ministre de l'Economie et des Finances, Alistair Darling, a indiqué mardi que son gouvernement est déterminé d'aller de l'avant dans la mise en oeuvre de sa politique d'assainissement des dépenses publiques dans le cadre de ses efforts de réduire de moitié le déficit budgétaire d'ici quatre ans. "Il ne peut y avoir de doute au sujet de notre engagement d'opérer des réductions importantes", a dit le Chancelier de l'Echiquier. Le ministère de la Défense sera l'un des départements clefs qui seront touchés par ces réductions, estiment la presse londonienne. La politique de réduction des dépenses de la défense a suscité des réactions hostiles de la part de certains hauts gradés de l'armée de la couronne anglaise, dont l'amiral Mark Stanhope, commandant de la marine royale britannique. L'amiral Mark Stanhope a mis en garde mardi que l'influence du Royaume-Uni et ses intérêts commerciaux dans le monde sont tributaires de sa capacité de développer une flotte en mesure d'opérer à plein régime. "Nous devons voir au-delà de l'Afghanistan, nous devons être préparés à des surprises et à des chocs stratégiques", a-t-il dit dans une tentative de défendre l'armée face aux programmes de réduction des dépenses. De son coté, le général David Richards, a souligné que la Grande-Bretagne "sera impliquée dans des conflits d'une nature différente au 21ème siècle". "La défense doit répondre au nouvel environnement stratégique et économique tout en assurant que nos forces armées soient en phase avec le nouveau contexte", a souligné le général dans une intervention devant l'institut international des études stratégiques (IISS, basé à Londres). La sortie de l'amiral Stanhope traduit les préoccupations de la communauté militaire de voir deux grands projets d'armement mis en veilleuse à cause de la révision postélectorale de la politique de défense, promise par les deux grands partis politiques du pays. Il s'agit en l'occurrence d'un projet d'acquérir deux nouveaux porte-avions géants et un autre prévoyant le remplacement des missiles nucléaire sous-marins Trident. Ces inquiétudes ont été minimisées par le Foreign Office, soulignant par la voix de son Secrétaire (ministre des Affaires étrangères), David Miliband, que la crise économique n'a pas entamé le statut du Royaume-Uni en tant que puissance mondiale. "Nous sommes la quatrième ou la cinquième puissance économique mondiale, nous contribuons le deuxième plus grand nombre de troupes en Afghanistan, nous disposons d'un réseau diplomatique hautement apprécié et nous avons des agences de renseignement qui jouent un rôle vital", martelé Miliband. .+Appel au réalisme+. Cette ambition aussi légitime semble-t-elle aux yeux des héritiers de l'empire britannique n'occulte pas les voix qui se font entendre au sein même du parti travailliste au pouvoir, appelant au réalisme. Kim Howells, un des ténors du labour et président de la commission en charge de superviser les services de renseignement britanniques, estime que le Royaume-Uni "n'a plus les moyens d'être à l'avant-garde des grandes opérations militaires sur le plan mondial". L'ancien ministre au Foreign Office a plaidé en faveur de l'abandon de l'idée selon laquelle le Royaume-Uni doit être aux premières lignes des opérations militaires internationales.