Mohamed Cherif ne croyait pas ses yeux lorsqu'il rencontra, mardi à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, celui qui l'a sauvagement torturé durant sept longues et douloureuses années dans la prison Arrachid de sinistre mémoire, à Tindouf. Par Mohamed Touzani Son corps frêle a tremblé et il a failli s'effondrer, si ce n'est l'endurance forgée dans cette geôle lors des séances quotidiennes de torture par les impitoyables geôliers du "Polisario", sous la supervision des non moins redoutables services de renseignements algériens. Le comble c'est que son bourreau, le dénommé Bachir Sghir, alias Kissinger, dirige lui-même la délégation des séparatistes au 11ème Forum social mondial, un rassemblement dédié à la construction d'"un autre monde" qui respecte justement les droits de l'Homme et les valeurs de paix et de tolérance. Né en 1959 à Dakhla, Mohamed Cherif est entraîné dès sa tendre jeunesse dans l'aventure séparatiste, appâté par la propagande du Polisario et de leurs maîtres à penser algériens, qui n'ont jamais avalé, plus que les colonisateurs espagnols, qu'un peuple désarmé puisse récupérer le Sahara grâce à la formidable Marche verte. Une fois débarqué dans les camps de Tindouf, il rejoint la milice du Polisario avant d'être envoyé en Libye, en 1979, pour parfaire son instruction militaire durant trois années. De retour à Lahmada, il est promu officier. Patriote, il commença à exprimer des remords pour son engagement aux côtés d'une bande de mercenaires venus de différents pays. Le cœur est également brisé par des années d'éloignement de la famille restée à Dakhla. Un jour, il a osé crier haut et fort son ras-le-bol en oubliant qu'à Tindouf, il n'y a point de place aux voix discordantes et que quiconque s'aventura à dénoncer la supercherie du siècle, il le paiera cher de sa peau. Trop cher même. "Un soir, j'ai été embarqué dans un jeep pour un endroit inconnu", se souvient-il. En réalité, il a été embarqué dans le tristement célèbre bagne Arrachid où il sera emmuré près de sept pénibles années. Les yeux bandés, il est jeté comme un rat dans une fosse en sable. Sadiques, les tortionnaires du Polisario trouvaient du plaisir à écraser les mégots de cigarette sur sa peau, qui porte, 30 ans après, les séquelles de ces sévisses. "Au bout de chaque heure, de jour comme de nuit, en hiver comme en été, je suis réveillé par les gardiens pour dire +présent+ sinon la bastonnade", confie-t-il à la MAP. Comble de la barbarie. Lors d'une terrible séance de torture, la bande noire placée sur les yeux tombe et c'est à ce moment que Mohamed Cherif a reconnu son tortionnaire. Sorti de prison en 1988, il est affecté à l'"ambassade" de la république du sable à Alger en tant que chargé des relations extérieures du "croissant rouge sahraoui", l'incarnation même de l'arnaque et de l'escroquerie. Car c'est cette institution qui collecte les aides envoyées par les organisations internationales, mais au lieu de les distribuer aux personnes séquestrées à Tindouf, elle en fait profiter en premier lieu la hiérarchie du "Polisario" qui les écoule sur les marchés de Nouadhibou et de Bamako. Et ceux qui doutent encore de l'implication honteuse et très coûteuse du pouvoir algérien dans le conflit du Sahara peuvent demander à Mohamed Cherif qui paie les salaires des "diplomates" du Polisario, leurs frais de mission et toutes leurs autres dépenses. La réponse est toute simple puisque l'argent du pétrole, au lieu d'être utilisé pour la satisfaction des besoins du peuple algérien qui vient de se soulever contre la misère et les privations, il est mobilisé pour nuire à un pays frère et voisin pour un chimérique leadership au Maghreb. "C'est l'Algérie qui tire les ficelles et personne au Polisario n'ose faire la moindre chose sans l'autorisation et le consentement de l'Algérie", affirme-t-il. Profitant d'une mission en Espagne en 1991, M. Cherif prend la poudre d'escampette pour humer l'air de la liberté dans son pays, le Maroc, où l'attendaient son père, malade, et sa mère. Quant à son tortionnaire, et pour les services rendus à la mauvaise cause, il est promu représentant à l'ONU. Le comble de cette supercherie algérienne, c'est que le sieur Sghir n'a aucune relation avec l'affaire du Sahara, étant né à Tindouf, en Algérie, et n'ayant jamais mis les pieds dans les provinces du Sud. Confondu jeudi par une journaliste française sur ses origines algériennes, ce propagandiste en chef des séparatistes au Forum social mondial de Dakar, et après avoir esquivé la réponse, a appelé à la rescousse la milice privée payée à grands frais par l'Algérie pour être aux bons soins des séparatistes et de leurs soutiens espagnols. Autre insulte à la dignité des sahraouis séquestrés à Tindouf, ce geôlier sanguinaire a été nommé conseiller du président de la république du sable, chargé des droits de l'Homme. La honte !!! Le sieur Sghir doit en effet sa place au sein de la hiérarchie du Polisario aux liens de famille avec Khadija, l'épouse du président de la chimérique "RASD", Mohamed Abdelaziz. Cette femme, qui fait le bon et le mauvais temps à Tindouf, est la fille d'un député algérien, très proche du pouvoir. Tout un symbole!!! Quant à sa victime, elle a réussi à se forger une vie nouvelle parmi les siens, sans jamais oublier ceux qui sont encore retenus contre leur gré dans les camps de Tindouf. Mohamed Cherif a créé plusieurs associations, dont "Luimière et justice", qui militent pour la libération de ces personnes séquestrées et enchaîne les déplacements pour dénoncer partout dans le monde les violations de leurs droits. Le rêve de ce rescapé miraculeux, dont l'histoire rocambolesque aura été la principale attraction du FSM de Dakar, est de voir la fin du calvaire des milliers de familles séparées par le conflit du Sahara.