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Témoignage : Récit d'un rescapé de l'enfer de Tindouf
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 04 - 03 - 2005

Dans le témoignage qui suit, le capitaine Ali Najab, qui a passé 25 ans dans les geôles du polisario à Tindouf, en territoire algérien, raconte les souffrances endurées par les prisonniers marocains. Édifiant.
Convention III de Genève :
« Les prisonniers de guerre doivent être traités en tout temps avec humanité. Tout acte ou omission illicite de la part de la puissance détentrice entraînant la mort ou mettant gravement en danger la santé d'un prisonnier de guerre en son pouvoir est interdit et sera considéré comme une grave infraction à la présente Convention. »
Les prisonniers de guerre marocains ont passé plus de 25 ans dans les geôles de ce qu'ils appellent eux-mêmes « l'algérisario » pour employer le mot-valise fabriqué par l'un d'entre eux-408 prisonniers croupissent toujours dans les prisons du polisario à Tindouf jusqu'à ce jour alors que les hostilités ont cessé depuis 14 ans. Ce qui est contraire à la convention de Genève qui stipule la libération des prisonniers immédiatement après l'arrêt des hostilités.
De retour dans leur pays le Maroc, ces prisonniers libérés, avec du recul, font une analyse lucide de ce qu'ils ont enduré durant plus de 25 ans.
La convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par l'assemblée générales des Nations Unies dans sa résolution 39/46 du 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987 dans son article premier, définit la torture comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne, des renseignements ou des aveux de la punir d'un acte ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telle ssouffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou tout autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.»
Quand on lira ce qui va suivre, il ne sera pas possible de ne pas constater que pendant les 25 ans, c'est-à-dire 9125 jours passés aux mains du polisario, il n'y a pas eu une seule journée où cette définition de la torture n'a pas été violée par le polisario dans le traitement des prisonniers de guerre marocains.
Dans les lignes qui vont suivre, les prisonniers de guerre marocains se rappellent…
1/ de la torture physique :
Pendant le travail forcé :
Le polisario fait travailler les prisonniers marocains, soldats et officiers compris sept jours que sept pendant toute l'année du lever du jour, jusqu'au coucher du soleil dans toutes sortes de travaux pénibles de construction : les administrations, les écoles et les internats les hôpitaux, les jardins et les puits. Tous ces travaux sont effectués sous la menace et le fouet par les prisonniers contre leur gré – que ce soit dans les camps des réfugiés ou dans les postes ou zones militaires, les prisonniers ont été la seule main-d'œuvre que le polisario a utilisée. Les prisonniers ont toujours travaillé dans des chantiers où aucune mesure de sécurité n'était observée. C'est ainsi par exemple, qu'un soldat Mohamed Marmouchi fut broyé par une bétonneuse, ou le cas d'un autre soldat qui dormait à l'ombre sous un camion, quand un chauffeur polisario démarra et lui écrasa la tête.
Au cours des interrogatoires :
La torture des prisonniers chez le polisario commence avec les interrogatoires. Les officiers reçoivent « le part du lion » parce qu'ils sont les plus visés. L'isolement dans une cellule ou une chambre très étroite pendant longtemps avec les menottes aux mains, aux pieds, souvent les deux. Pratiquement tous les officiers sont interrogés par des officiers algériens au QG de l'armée algérienne à Tindouf. Au retour dans les centres ou casernes du polisario, ils subissent de nouveau le même interrogatoire pour servir d'alibi de les faire passer à tabac. Il y a eu le cas de quelques uns brûlés à la cigarette comme le cas du capitaine Megzari Youssef qui vient de rentrer au Maroc après s'être évadé de Tindouf.
Pour ceux qui tentent de s'évader et qui sont rattrapés – toujours par les unités algériennes grâce aux moyens électroniques et aux hélicoptères, le sort est tout autre.
Suspendus par les pieds avec une corde qu'on attache au plafond pendant tout l'interrogatoire et frappés avec n'importe quoi par plusieurs tortionnaires du service de sécurité, ils perdent souvent connaissance. Ils sont ensuite jetés dans des cellules individuelles souvent oubliés sans soins et sans nourriture jusqu'à mort s'en suive.
C'est le cas du lieutenant Mouzoun Laarbi battu à mort ou encore Maataoui Mahjoub pilote de chasse retrouvé par ses camarades, le corps décomposé sous des sacs de lentilles au moment où ils vidaient un container. C'est aussi le cas de deux soldats : Hamou et Hamuid Kabba morts suite à la torture dans le centre dit Arrachid. La liste est longue déjà fournie par les prisonniers à France Liberté.
Les prisonniers peuvent être accusés de tentative d'évasion suite à un soupçon et punis et torturés en conséquence. Ce fut le cas du lieutenant Hadry pilote de chasse accusé de préparer une évasion, fut jeté dans une cellule pendant 33 jours les mains constamment menottées.
2/ de la torture morale :
- La radio :
Les prisonniers marocains chez le polisario et plus particulièrement les officiers étaient systématiquement désignés à tour de rôle pour lire des textes dénigrant leur pays et insultant la monarchie dans les termes très vulgaires.
Tous ceux qui ont refusé de le faire (et c'est la très grande majorité) ont été systématiquement torturés.
C'est le cas du capitaine Ali Najab et du lieutenant Ali Atmane qui ont refusé à la fois d'écrire et de lire un texte sur «la politique du Roi et des partis politiques vis-à-vis du peuple marocain», ont été torturés pendant deux jours puis jetés dans des cellules individuelles pendant un mois sans couvertures ni nourritures.
- L'exposition à la curiosité publique et à la presse algérienne et internationale :
La présentation des prisonniers et plus particulièrement les officiers aux journalistes et aux délégations étrangères était quotidienne. A ces occasions, le polisario punissait sévèrement tous ceux qui faisaient des déclarations portant atteinte à leurs thèses. Souvent, les officiers recevaient des consignes strictes du commissaire politique du polisario à l'avance, ce qui les forçait à vivre toujours sous-tension et la hantise d'être présentés aux journalistes surtout que ces derniers n'ont aucun scrupule de poser aux prisonniers des questions embarrassantes du genre : «La guerre menée par le Maroc au Sahara contre le polisario est-elle juste ou injuste ?»
C'est le cas de journalistes algériens ou d'autres pays souvent soutenant le polisario.
Les délégations n'étaient pas en reste. C'est le cas d'une délégation iranienne dirigée par le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Khomeini. Les officiers prisonniers ont été présentés à ce ministre qui a eu l'audace de demander à l'un d'entre eux, le capitaine Ali Najab, d'insulter le Roi du Maroc, de souhaiter l'abolition de la monarchie au Maroc et de dire Amen. Le capitaine Najab regarda le ministre iranien dans les yeux puis déversa sur lui, toute son aversion avec des mots très blessants. Le ministre iranien écourta sa visite. A peine avait-il franchi le portail que le chef de centre présent à la scène, commença à ruer le capitaine Najab de coups sur le visage et dans les parties basses. Un autre lieutenant Ali Jawhar ayant exprimé son mécontentement, a subi le même sort.
Au retour au centre, ces deux officiers furent torturés chaque jour pendant 14 jours avant d'être jetés dans une cellule collective pendant 11 mois. Dix de leurs camarades y passèrent 2 mois avec eux.
A tout cela s'ajoute l'humiliation quotidienne pour les prisonniers tous grades confondus. Ces graves atteintes à leur dignité étaient quotidiennes. Les prisonniers marocains détenus chez le polisario à Tindouf ont aujourd'hui comme jadis du « ressentiment pour les visiteurs c'est-à-dire les représentants de certaines associations de solidarité internationale ou ONG qui les ont vus et parfois photographiés ». Ces prisonniers perçoivent que leur souffrance est ignorée ou pire déconsidérée et niée par la communauté internationale y compris la Communauté européenne.
Le polisario tire profit de cette situation en utilisant les prisonniers marocains comme monnaie d'échange contre l'aide alimentaire ou autre. Les prisonniers de guerre marocains sont devenus des otages du polisario au mépris de toutes les conventions de Genève qui stipulent ou prévoient la libération des prisonniers juste après l'arrêt des hostilités.
• Les humiliations :
Le polisario avait une méthode «originale» pour humilier les officiers : il les déshabillait à l'occasion et les faisait ramper vêtus seulement de leurs slips devant les soldats ou encore en leur faisant ramasser de force leurs excréments à la main et la liste est longue.
• Les prisonniers donneurs de sang :
Pendant la période des opérations, le polisarion avait besoin de beaucoup de sang pour ses hôpitaux. C'est pourquoi chaque prisonnier doit donner son sang chaque fois 1/4 de litre parfois le double à raison de deux fois par an. On avait même choisi des groupes de jeunes prisonniers relativement bien portants et qui étaient nourris en conséquence pour servir de « vache à sang ».
• Le courrier :
Le polisario obligeait les prisonniers à commencer leurs lettres par des slogans de propagande dont le texte était écrit au tableau. Pour éviter que ces slogans ne parviennent à leurs familles, les prisonniers écrivaient à de fausses adresses. Ce qui les privait d'avoir des nouvelles des leurs.
• Sous-alimentation et sous-médication :
La nourriture se limitait à 2 repas par 24 heures. A midi, une demi louche soit de lentilles soit d'haricots secs avec un morceau de pain. Le soir une louche de pâtes ou de riz. En conséquence, la grande majorités des prisonniers fut atteinte de scorbut et d'autres maladies graves.
Dans les centres où il n'y avait pas de médecin, les prisonniers étaient soignés par des infirmiers non confirmés et jamais ramenés à temps chez le médecin quand la maladie se complique. Cette situation était à l'origine de beaucoup de décès.
• Lorsque le CICR commença à visiter les prisonniers :
Les visites du CICR des années 80 n'ont apporté aucune amélioration dans la vie des prisonniers marocains. Il a fallu attendre l'année 1994, c'est-à-dire 3 ans après le cessez-le-feu pour constater un léger changement. Si le fouet commençait à disparaître, la torture par contre n'a pas complètement disparue dans le cas des évasions échouées où en 2000 il y a eu deux morts sous la torture.
Des colis familiaux étaient acheminés par le CICR mais ils étaient incomplets parce que ouverts en cours de route.
Le travail n'est plus un enfer comme avant parce que tout était construit, résultat de 20 ans de souffrance. Cependant de temps à autre il y avait de nouveaux chantiers où les prisonniers étaient toujours durement sollicités.
• En conclusion :
Dans ce rapport, il apparaît clair que le polisario, au mépris du droit humanitaire et des conventions de Genève, a fait travailler les prisonniers marocains comme des esclaves. Si le polisario a donné ou montré un semblant de changement dans le traitement des prisonniers marocains à la fin des années 90 et au début des années 2000, c'est encore pour mieux les exploiter en les autorisant à vendre ça et là dans les camps où il y la population civile, le fruit de leur savoir-faire.
Pour rémunérer les soldats polisariens qui montent la garde, le polisario prélève 60 à 80% sur tout ce que le savoir-faire des prisonniers peut rapporter. Ce prélèvement souvent aussi va tout simplement dans la poche du chef de centre ou celle du commissaire politique.
408 prisonniers de guerre marocains : sont toujours détenus par le polisario à Tindouf qui fait fi des recommandations de l'ONU et au mépris des Conventions de Genève qui stipulent la libération des prisonniers immédiatement après l'arrêt des hostilités.
Les prisonniers de guerre aujourd'hui libérés demandent aux instances internationales, aux Nations Unies et surtout à la Communauté européenne de faire pression sur «l'Algérisario» pour la libération des 408 prisonniers encore détenus à Tindouf.
Que le monde sache que les prisonniers de guerre marocains libérés ont été des témoins oculaires pendant plus de 25 ans, que la pièce théâtrale orchestrée par l'Algérie et joué par le polisario n'est ni plus ni moins qu'une mascarade.
A Tindouf, il y a deux choses : le polisario créé au moment où la guerre froide entre l'est et l'ouest était à son paroxysme est aujourd'hui avec la disparition du bloc soviétique, un mouvement sans âme. Et puis, il y a la population civile celle-là même ramassée contre son gré par les unités algériennes tout à fait au début de la guerre. Les unités de l'armée marocaine se sont heurtées d'ailleurs à ces unités algériennes dès le début du conflit à plus d'un endroit : à Mehbes, à Tifariti, àAmgala, et à Bir Lahlou, etc.
Faut-il rappeler à ceux qui ont la mémoire courte ou qui ne veulent pas avoir de mémoire du tout, que 106 militaires algériens furent capturés comme prisonniers de guerre durant la bataille d'Amgala I, que les unités algériennes en déroute furent renforcées par tout un bataillon armé jusqu'aux dents sont revenues à la charge pour réoccuper Amgala. Ce fut bataille perdue pour les unités algériennes grâce à l'intervention d'une escadrille F5 des Forces Royales Air dont il faut saluer le courage des ses pilotes. Ces derniers conscients de l'importante de leur rôle dans cette guerre n'ont jamais ménagé leurs efforts pour rapporter un appui efficace aux unités terrestres et ceci malgré l'introduction du missile SAM-7 et SAM-6 par les unités algériennes dès le début de la guerre (Janvier 1976).
Faut-il rappeler pour cela le cas du pilote de chasse Ahmed Boubker capturé a Ain Ben Telli (Sud Bir Lahlou) en janvier 1976 après que son avion ait été abattu par un missile tiré un officier algérien et qui n'a été libéré qu'en septembre 2003.
Les unités algériennes ont été repérées par des avions de reconnaissances marocains photos à l'appui dans d'autres localités comme Gueltat Zemmour et Oum Dreiga.
La grande majorité des Sahraouis étaient des éleveurs et partant, vivaient éparpillés en dehors des villes sur tout le Sahara. C'est pourquoi un grand nombre d'entre eux furent tout simplement ramassés par ces unités algériennes et ramenés contre leur gré de nuit à Tindouf .
Cette population civile a connu le mêmes souffrances, la même humiliation et la même torture que les prisonniers de guerre marocains. Qu'on laisse donc parler les Sahraouis de Tindouf qui ont pu regagner leur mère patrie, le Maroc ! Beaucoup d'entre eux ont connu la torture aussi.
Il est temps que la communauté internationale (la Communauté européenne surtout), fasse pression sur l'Algérie, pour que les Sahraouis des camps de Tindouf retenus là-bas contre leur gré, puissent rejoindre leur mère-patrie le Maroc.
• Par le Capitaine Ali Najab
Ex-prisonnier (25 ans à Tindouf)


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