Alors que les finances publiques souffrent d'un épuisement chronique, Abdellatif Maâzouz attribue ce marché colossal à une entreprise basée à Rabat plutôt qu'à une structure locale, ce qui pose la question de la cohérence économique et territoriale. En tant que métropole, Casablanca abrite plusieurs cabinets d'audit et de conseil en gestion publique spécialisés dans l'évaluation des politiques publiques. Le fait de faire appel à un prestataire externe à la région prive Casablanca-Settat d'un effet d'entraînement, notamment en matière d'emplois et de valorisation des expertises. Abdellatif Maâzouz, président du Conseil régional de Casablanca-Settat, a attribué un marché public de 3,7 millions de dirhams pour l'«assistance au maître d'ouvrage dans la mise en œuvre, le suivi, l'évaluation et l'actualisation du Programme de développement régional (PDR) 2022-2027.» Selon les termes de l'extrait du procès-verbal d'appel d'offres n° 22/2024/BR, l'ouverture des plis a eu lieu le 20 novembre 2024 au siège de la région après publication de l'avis de consultation dans deux journaux ainsi que sur le portail des marchés publics. Toutefois, la justification de cette enveloppe budgétaire, jugée exorbitante au regard de la nature de la mission, soulève une vive controverse d'autant plus que la société adjudicataire est basée à Rabat et non à Casablanca, centre économique du pays. Un marché attribué sans visibilité sur les retombées concrètes Le Programme de développement régional (PDR) constitue un document stratégique destiné à structurer les priorités d'aménagement et d'investissement de la région Casablanca-Settat pour la période 2022-2027. Son évaluation aurait pour objet d'examiner l'état d'avancement des projets, leur conformité aux objectifs annoncés et leurs retombées socio économiques. Or, plusieurs mois après l'adjudication du marché, aucune donnée publique n'a été fournie sur l'avancement de cette évaluation, interrogeant la pertinence de l'investissement consenti. L'absence de résultats mesurables rend difficile l'appréciation du retour sur investissement de cette mission alors même qu'elle relève principalement d'un travail d'analyse et d'audit et non de réalisations physiques nécessitant des moyens matériels considérables Un coût disproportionné pour une mission d'évaluation Une telle démarche ne nécessite ni investissements en équipements ni infrastructures physiques, ce qui pose la question de la proportionnalité du coût par rapport à la nature de la prestation. Le montant alloué semble excéder largement les standards habituels pour ce type de mission, qui relève d'un travail essentiellement intellectuel et statistique. En comparaison, des études similaires commanditées par d'autres collectivités territoriales ou institutions nationales font état de budgets sensiblement inférieurs, oscillant entre 500 000 et 1,5 million de dirhams, selon l'ampleur du programme analysé. L'écart avec le marché attribué par le Conseil régional de Casablanca-Settat apparaît ainsi difficile à justifier, sauf à démontrer une complexité exceptionnelle qui, en l'état, n'a pas été démontrée. Le choix d'un prestataire hors de la région : un non-sens économique ? L'attribution de ce marché à une entreprise basée à Rabat plutôt qu'à une structure locale de Casablanca soulève également des questions de cohérence territoriale. Casablanca, métropole économique du Maroc, abrite plusieurs cabinets d'audit, de conseil en gestion publique et d'expertise en ingénierie territoriale. Le fait de privilégier une entité extérieure prive la région d'un effet de levier économique en matière d'emploi local et de transfert de compétences. Les règles de la commande publique imposent une mise en concurrence fondée sur des critères objectifs, notamment l'expérience du prestataire, sa méthodologie et l'adéquation de ses ressources humaines aux exigences du marché. Toutefois, en l'absence d'explications sur les motifs précis ayant conduit à l'exclusion de candidats potentiels basés à Casablanca, des doutes subsistent quant à la pertinence de cette décision. Un contexte de rigueur budgétaire peu compatible avec de telles dépenses Dans un contexte où la gestion des finances publiques fait l'objet d'une attention accrue, notamment en raison des défis économiques et sociaux auxquels fait face le pays, ce type de dépenses interroge sur l'efficience de l'allocation des ressources. L'absence de suivi budgétaire transparent et de résultats tangibles accentue le scepticisme autour de ce contrat, perçu par certains observateurs comme un simple exercice administratif dénué d'impact réel sur la mise en œuvre effective du PDR. En d'autres termes, une évaluation ne doit pas être un exercice formel, mais un outil stratégique permettant d'orienter l'action publique en identifiant les écarts entre les engagements pris et les réalisations concrètes.