Il s'est largement distingué par rapport à ses camarades de l'I.D.H.E.C. (Institut Des Hautes Etudes Cinématographiques) tout en intégrant docilement le système de fonctionnement du C.C.M. Il s'érigea en conteur d'un autre temps, en écrivain original, en scénariste méticuleux, en poète solitaire, en monteur adroit, en commentateur professionnel, en réalisateur créatif. Le cinéma marocain, à part le pluridisciplinaire Ahmed Belhachmi, mort dans l'anonymat en Suisse, n'a pas compté plus que deux cas de la facture d'Ahmed Bouanani. Cette distinction nationale vient de prendre une aura internationale au cœur même du cinéma. L'occasion n'est autre que le festival de Berlin, un lieu cinématographique de prestige, connu pour sa défense d'un cinéma de qualité, qui a tenu à rendre hommage au cinéaste marocain. C'est tout à l'honneur du cinéma marocain qu'un cinéaste national soit plébiscité à titre posthume même si cette reconnaissance concerne une personnalité plutôt qu'un film, sachant que les films marocains font régulièrement défaut au palmarès. Ce n'est qu'une question de temps, rétorquent les plus optimistes. A l'époque de Bouanani, du temps de "Wechma" et "Assarab", le taux de production était misérablement situé aux alentours de 1,5 film par an. Ce chiffre donne aujourd'hui de quoi rire sachant qu'il a été considérablement multiplié. Mais, ce que nous avons gagné en quantité, nous l'avons perdu en qualité. C'est une simple règle de transformation hélas, si chère à Lavoisier et ses compères et qui s'applique à notre production nationale. Néanmoins, les sacrifices déployés par l'ancienne génération, celle de Bouanani, de garder l'espoir sur l'avenir, prometteur certes d'un cinéma distingué, sincère et efficace, n'ont été que peu fructueux. Lui-même n'a constitué qu'un faux modèle pour certains cinéastes qui se revendiquent de la lignée de Bouanani. Et pourtant leur style s'écarte bien distinctement de celui du cinéaste-poète. Car on peut peut-être s'improviser cinéaste mais pas un cinéaste-poète.