Les autorités algériennes ont recouru de plus en plus en 2016 aux poursuites pénales à l'encontre de blogueurs, de journalistes et de personnalités du monde des médias pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d'expression, utilisant des articles du code pénal qui considèrent comme un crime le fait d'« outrager le président », d'« insulter des responsables de l'État » ou de « dénigrer l'Islam ». Elles ont également poursuivi en justice des militants syndicaux qui avaient organisé ou appelé à des manifestations pacifiques, sous des chefs d'accusation tels que « participation à un attroupement non autorisé ». Le Parlement a adopté, en février 2016, des amendements à la Constitution qui incluent la reconnaissance de la liberté académique et de la liberté de la presse, sans censure préalable et stipulant que le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté. Toutefois, la constitution conditionne l'exercice de ce droit, ainsi que d'autres droits, au respect de lois nationales qui les restreignent de manière substantielle. Liberté de réunion : violée régulièrement La Constitution algérienne de 2016 proclame que « le droit de réunion pacifique est garanti dans le cadre de la loi, qui établit comment il doit être exercé » (article 49). Dans la pratique, en s'appuyant sur une série de lois, les autorités algériennes violent régulièrement le droit à la liberté de réunion. Le code pénal punit d'une peine pouvant aller jusqu'à un an de prison (article 98) l'organisation ou la participation à une manifestation non autorisée dans un lieu public. Les autorités d'Alger, la capitale, ont interdit sine die les manifestations publiques en 2001, lorsque le pays était sous le régime de l'état d'urgence. Les autorités n'ont pas levé cette interdiction lorsqu'elles ont mis fin à l'état d'urgence en 2011. L'interdiction des manifestations à Alger est appliquée strictement par les autorités, qui mobilisent d'importants effectifs de police pour entraver les manifestations et interpeller les participants, lesquels sont d'ordinaire gardés à vue pendant quelques heures avant d'être remis en liberté. Par exemple, la police a arrêté 20 membres de la Coordination nationale des enseignants contractuels qui avaient appelé à une manifestation à Alger les 21 et 22 mars, et les a gardés à vue dans des postes de police pendant plusieurs heures, puis les a remis en liberté sans retenir d'accusation contre eux. La police a arrêté des membres des familles de personnes victimes de disparitions forcées lors des violences des années 1990, ainsi que plusieurs militants des droits humains, alors qu'ils manifestaient le 30 août, à l'occasion de la Journée internationale des disparus, devant l'immeuble de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme à Alger. Elle les a gardés à vue pendant plusieurs heures, avant de les remettre en liberté sans retenir de chef d'accusation à leur encontre. Les autorités ont même restreint le droit de réunion dans des lieux privés et abrités. Le 6 février 2016, le Syndicat national du personnel de l'administration publique (SNAPAP), un syndicat indépendant, a organisé un symposium sur la situation socio-économique en Algérie à la Maison des syndicats, un espace privé loué par le SNAPAP. La police a encerclé les lieux, en a empêché l'accès et a arrêté six dirigeants syndicaux qu'elle a gardés à vue pendant plusieurs heures, avant de les remettre en liberté sans retenir de chefs d'accusation. Refus d'accréditation des associations et représailles contre les syndicats En 2012, le gouvernement a adopté la loi 12-06, qui exige que toutes les associations — y compris celles qui s'étaient déjà fait enregistrer avec succès — remplissent de nouveau des formulaires d'accréditation et obtiennent un récépissé d'enregistrement du ministère de l'Intérieur avant de pouvoir fonctionner légalement, procédure lourde qui équivaut à imposer une nouvelle accréditation. Jusqu'ici, d'importantes organisations de défense des droits humains telles que la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADDH) et le Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), ainsi que la division algérienne d'Amnesty International, qui ont soumis des demandes d'accréditation en janvier 2014 comme exigé par la loi 12-06, n'ont toujours pas obtenu de récépissé certifiant leur existence légale. Cette absence de récépissé affaiblit ces organisations en leur ôtant la possibilité d'ouvrir un compte en banque ou de louer un bureau à leur nom, ou de louer une salle publique pour y tenir une réunion. En outre, les membres d'une association qui est « non accréditée, suspendue ou dissoute » risquent des peines de prison pouvant aller jusqu'à six mois pour avoir mené des activités en son nom. Jusqu'aux années 1990, l'Algérie ne comptait qu'un seul syndicat légal, l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Le 2 juin 1990, le gouvernement a adopté la Loi 90-14, autorisant la constitution de syndicats indépendants. Plusieurs syndicats autonomes ont alors été créés dans le secteur public. Mais dans la pratique, les autorités ont entravé de diverses manières le travail des syndicats indépendants. Elles ont refusé un statut légal à des syndicats indépendants qui en avaient fait la demande, entravant leur capacité à collecter les cotisations de leurs adhérents dont ils auraient besoin pour louer un bureau et organiser des événements. Sans statut légal, ils ne peuvent pas ouvrir un compte en banque ou acter en justice. Plusieurs militants syndicaux ont subi des représailles pour avoir organisé ou participé à des mouvements de grève. Ils ont été suspendus de leurs postes sans compensation et n'ont jamais été réemployés. En 2016, l'Organisation internationale du travail (OIT) a recommandé que les autorités algériennes mettent fin à la pratique consistant à faire obstacle à l'accréditation de syndicats autonomes et rétablissent dans leurs fonctions tous les travailleurs suspendus ou congédiés en raison de leurs activités syndicales. Liberté d'expression : lois répressives Depuis les années 1990, l'Algérie a connu une prolifération de journaux privés qui jouissent d'une certaine marge de liberté pour critiquer les personnalités publiques et les politiques de l'État. La Loi de 2014 sur les activités audiovisuelles a mis fin au monopole officiel de l'État sur les médias audiovisuels. Cependant, des lois sur la presse répressives, la dépendance des revenus tirés de la publicité émanant du secteur public et d'autres facteurs se conjuguent pour limiter la liberté de la presse. Le « code de l'information », adopté en 2012, contient plusieurs articles qui restreignent la liberté d'expression. Son article 2 stipule que le journalisme d'information doit être « une activité librement exercée », tant qu'elle respecte « l'identité nationale, les valeurs culturelles de la société, la souveraineté nationale et l'unité nationale, ainsi que les exigences de la sécurité nationale, de la défense nationale, de l'ordre public et des intérêts économiques du pays, entre autres. » En 2016, les autorités ont poursuivi en justice un certain nombre d'Algériens pour avoir tenu un discours critique. Le 6 septembre, une cour d'appel a condamné Slimane Bouhafs, un chrétien converti, à une peine de trois ans de prison pour des affichages sur Facebook qui « insultaient le prophète » et « dénigraient le dogme ou les préceptes de » l'Islam, en vertu de l'article 144bis du code pénal. Le 9 août, une cour d'appel d'Alger a confirmé une peine de deux ans de prison à l'encontre de Mohamed Tamalt, un journaliste indépendant doté de la double nationalité algérienne et britannique, pour une vidéo qu'il avait affichée sur Facebook contenant un poème considéré comme insultant pour le président algérien. Tamalt est décédé le 11 décembre dans un hôpital à Alger suite à une grève de la faim qu'il avait entamée pour protester contre son arrestation. Le 25 mai, le tribunal de première instance de Laghouat a condamné Belkacem Khencha, un militant des droits du travail, à six mois de prison pour avoir affiché sur Facebook une vidéo critiquant le système judiciaire pour des peines infligées à d'autres défenseurs de ces droits. Il a été laissé en liberté provisoire jusqu'au jugement en appel prévu pour le 29 septembre. Le 24 juin, les autorités ont placé en détention préventive deux responsables exécutifs de la chaîne de télévision privée KBC, qui diffusait l'émission de débat politique satirique « Ki Hna Ki Ness » (Juste comme tout le monde), cinq jours après que les forces de sécurité eurent mis fin aux activités du studio qui produisait l'émission et confisqué du matériel de production. « Ki Hna Ki Ness » avait commencé à être diffusée le 6 juin. Les deux responsables exécutifs ont été accusés d'avoir fait de fausses déclarations aux termes de l'article 223 du code pénal et de complicité d'abus de pouvoirs en vertu des articles 33 et 42 d'une loi anti-corruption de 2001. Ils ont passé trois semaines en détention préventive avant d'être condamnés, le 18 juillet, à six mois de prison avec sursis et à une amende de 50 000 dinars (425 euros). Au moment de la rédaction de ce rapport, l'émission n'avait pas repris et les équipements de production étaient toujours confisqués. Code de la famille discriminatoire et lois rendant les femmes vulnérables aux menaces La Constitution algérienne consacre le principe de non-discrimination basée sur le sexe et requiert que l'État agisse de manière positive afin d'assurer l'égalité en droits et en devoirs de tous les citoyens, hommes ou femmes. En février 2016, la révision constitutionnelle a ajouté un article proclamant que « l'État s'efforce d'atteindre la parité entre hommes et femmes sur le marché du travail » et « encourage la promotion des femmes à des postes de responsabilité dans les institutions publiques et dans le monde des affaires.» Le 10 décembre 2015, le parlement a adopté des amendements au code pénal qui criminalisent spécifiquement certaines formes de violence conjugale. Agresser son conjoint ou son ancien conjoint peut être puni d'une peine allant jusqu'à 20 ans de prison, en fonction des blessures de la victime, et si l'agression a eu pour conséquence la mort de la victime, son auteur est passible de la prison à perpétuité. Ces amendements criminalisent également le harcèlement sexuel dans les lieux publics. Mais malgré l'adoption de la loi, l'Algérie n'a pas encore adopté les mesures législatives complémentaires, telles que des ordres de protection temporaires pour protéger les femmes de nouvelles violences et l'assignation de tâches concrètes aux responsables de l'application des lois pour faire face aux cas de violence conjugale, qui sont nécessaires pour empêcher ce type de violences, porter assistance aux survivantes et poursuivre en justice les auteurs d'infractions. En outre, la loi rend les femmes vulnérables aux menaces de la part de l'auteur des agressions ou de membres de sa famille, car elle comprend une disposition selon laquelle le pardon de la victime met fin aux poursuites. Le Code de la famille algérien demeure discriminatoire envers les femmes, en dépit de l'adoption en 2005 de certains amendements qui ont amélioré leur accès aux procédures de divorce et à la garde des enfants. Une femme adulte a toujours besoin d'un tuteur de sexe masculin pour conclure son contrat de mariage, exigence qui n'est pas imposée aux hommes. Si une femme souhaite divorcer sans le consentement de son mari et sans justification, elle est tenue de rembourser sa dot, ou une somme d'argent équivalente, à son mari en échange du divorce. Ceci pose un problème particulier car le code ne reconnaît pas la propriété maritale, des dispositions qui permettent d'évaluer les contributions non monétaires de la femme au mariage au moment de sa dissolution. Impunité pour les crimes passés Les auteurs de crimes et violations des droits humains lors du conflit armé interne des années 1990 ont continué de jouir de l'impunité dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Cette charte criminalise les propos considérés comme dénigrant les forces de sécurité ou les institutions de l'État pour leur comportement lors du conflit armé, alors que les forces gouvernementales et les groupes islamistes extrémistes se sont livrés lors de cette période à des actes de torture, à des disparitions forcées, à des exécutions extrajudiciaires et à d'autres graves abus. Des associations représentant les familles de disparus ont continué de se heurter à des refus d'accréditation légale. Des familles de disparus ont affirmé être soumises à des pressions parce qu'elles ont refusé d'accepter des indemnités de l'État en échange de l'acceptation d'un certificat de décès pour leurs proches qui sont toujours portés disparus. Ni l'Algérie ni le « polisario » n'ont mis fin au « confinement » des femmes sahraouies dans les camps de Tindouf À au moins trois reprises en 2016, des familles sahraouies ont empêché leurs filles adultes d'exercer leur droit à la liberté de déplacement en se rendant en Espagne, où elles avaient vécu et établi leur résidence légale. Le Polisario a été indésireux ou incapable de mettre fin à ces situations de confinement illégal de femmes, qui sont une forme de violence familiale. L'Algérie, en dépit de sa responsabilité in fine de protéger les droits humains de toutes les personnes présentes sur son territoire, n'est pas intervenue pour mettre fin à leur confinement. Entrée refusée aux organisations internationales de défense des droits humains L'Algérie a continué de refuser l'entrée sur son territoire aux organisations internationales de défense des droits humains afin d'accomplir des missions de recherche. Elle s'est également abstenue de répondre aux demandes de visites des rapporteurs spéciaux de l'ONU sur la torture et sur la liberté de réunion pacifique et d'association, qui sont en souffrance depuis 1997 et 2011, respectivement.