Cinq ONG, dont Human rights watch et Amnesty international, ont dénoncé l'attitude de l'Algérie qui refuse d'autoriser les organisations non gouvernementales des droits humains à effectuer des enquêtes en Algérie. Ces cinq ONG ont appelé, lundi, Alger à ouvrir son territoire aux visites et aux enquêteurs conformément à ses engagements en tant que «membre du Conseil des droits de l'homme» (CDH). Dans une lettre adressée au gouvernement algérien depuis Genève, les cinq organisations regrettent qu'Alger «persiste depuis des années à refuser tout accès à son sol à des acteurs des droits humains mondialement reconnus et des experts du système des Nations unies». Membre du Conseil des Droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies depuis le début de cette année et jusqu'à la fin de 2016, l'Algérie a déjà été épinglée par l'ONG américaine Human Right Watch dans son rapport mondial pour l'année 2013, publié le 21 janvier dernier. HRW dénonce le peu de cas que font les autorités algériennes des libertés de réunion et d'association et le monopole exercé sur l'information, ainsi que son orientation. L'ONG américaine s'est particulièrement insurgée contre le traitement de faveur réservé aux terroristes «repentis» et, à l'opposé, l'harcèlement dont font l'objet les «associations de disparus, qui continuent d'appeler à la vérité et la justice». Il n'y a que ceux qui ne connaissent pas le pouvoir algérien qui seraient étonnés de ce comportement contraire au bon sens le plus élémentaire. Il suffit de garder à l'esprit les liens obscures et non moins étranges entre les services de sécurité militaires algériens, la DRS, et les organisations terroristes jihadistes qui sévissent en Algérie même et dans les pays voisins, pour que toutes les pièces du puzzle prennent leurs places. L'Algérie et la Libye sont les seuls pays maghrébins non signataires du Protocole facultatif contre la torture à la Convention des Nations Unies (OPCAT). Si, dans le cas de la Libye, ce manquement est compréhensible, le pays étant à peine sorti d'une longue nuit de dictature kaddafiste, celui de l'Algérie l'est beaucoup moins, son régime étant plutôt à court d'arguments pour se justifier. A moins d'avouer l'évidence, c'est-à-dire une situation similaire à celle de la Libye pré-révolution... «L'Algérie demeure le seul pays parmi ses voisins qui limite l'accès aux organisations des droits de l'Homme. Depuis 2011, nos organisations ont régulièrement visité le Maroc, la Libye et la Tunisie avec quelques ou sans obstacles», a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de Human Rights Watch en charge du département Moyen-Orient et Afrique du Nord. Il en déduit, en toute logique, que «ce blocage est un indice du manque de volonté d'ouverture et de transparence du gouvernement algérien». Escompter aller enquêter en Algérie pour des militants des Droits humains est, bien entendu, un vœu utopique, les dirigeants algériens n'étant pas prêts à ce que le monde entier sache ce qui se passe dans ce pays voisin. Le dernier refus d'entrée en date signifié par les autorités algériennes à des enquêteurs d'ONG défendant les Droits de l'homme date de décembre 2013, quand des représentants d'Amnesty Internationale se sont vus rejeter leurs demandes de visas par le consulat d'Algérie à Londres. Selon Hassina Oussedik, militante algérienne membre de cette ONG internationale, les autorités algériennes refusent systématiquement de laisser entrer des enquêteurs des ONG des Droits de l'homme. Pour ceux d'Amnesty Internationale, en particulier, c'est systématique depuis 2005, selon la même source. «Les autorités algériennes, qui interdisent depuis 2005 le séjour en Algérie des équipes de chercheurs d'Amnesty International, omettront certainement d'inscrire dans leur rapport notamment le phénomène du kidnapping qui prend des proportions alarmantes en Kabylie, avec pas moins de 67 entrepreneurs kidnappés depuis 2005», déclarait déjà, en mai 2012, Makhlouf Idri, le ministre de la justice et des droits humains au sein du gouvernement provisoire kabyle. Mais il n'y a pas qu'en Kabylie que des choses pas très claires se produisent et que les dirigeants algériens tiennent à garder au secret. Malgré des requêtes répétées depuis des années, le Haut commissariat des Nations Unies aux réfugiés n'est toujours pas arrivé à obtenir l'autorisation des autorités algériennes pour recenser les familles marocaines d'origine sahraouie séquestrées par les mercenaires du Polisario dans les camps de la honte de Lahmada, récemment coupés du reste du monde, le temps d'y réprimer les populations révoltées. Techniques et arsenal juridique de la répression En septembre 2012, Navanethem Pillay, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme, déclarait à Alger même où elle était en visite: «J'ai des préoccupations par rapport aux questions de la liberté d'expression et d'association. Je suis également venue m'enquérir sur la question de la lutte antiterroriste et le respect des droits de l'Homme. Et je m'intéresse aussi à la question des personnes disparues». Nullement intimidée, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme s'est révoltée contre le traitement réservé par les autorités algériennes aux militants du pays voisin, qui seraient, selon ses propres dires, «fréquemment harcelés, intimidés et arrêtés arbitrairement par les forces de sécurité, et ne bénéficient pas d'une protection suffisante contre ces pratiques abusives par le cadre juridique en vigueur». Les astuces grossières des autorités algériennes pour maintenir l'illusion d'une Algérie véritable éden des Droits humains ne trompent plus personnes. L'ONG HRW a dévoilée le pot aux roses en dénonçant, dans son rapport pour l'année 2013, «l'adoption de techniques préventives pour restreindre la liberté de réunion», parmi lesquelles le «blocage de l'accès aux sites de manifestations prévues» et «l'arrestation des organisateurs à l'avance pour empêcher les manifestations publiques». L'appareil répressif algérien est très bien rôdé, comme le reconnaît HRW.». En amont, «lors de manifestations pacifiques dans le sud du pays, organisées par les associations de chômeurs, la police a arrêté des manifestants», indique l'ONG américaine. Et en aval, «les tribunaux ont plus tard condamné plusieurs d'entre eux à des amendes ou à des peines d'emprisonnement avec sursis». Les indociles ont été intimidés et bâillonnés, affaires closes ! Circulez, il n'y a rien à voir... Pour les récalcitrants particulièrement têtus et tenant mordicus à défendre leurs droits, l'arsenal juridique du voisin de l'est est autant bien fourni qu'impitoyable. Possession ou distribution de tracts, bulletins ou dépliants «de nature à nuire à l'intérêt national» ? Le tarif, c'est trois ans de prison, selon le code pénal algérien. «Diffamation ou injure à l'encontre du président de la République, du Parlement, de l'armée ou d'institutions publiques» ? C'est une année à l'ombre, le temps de réfléchir sur la pertinence de garder pour soi les critiques à l'encontre des tenants du pouvoir. Pas la peine, non plus, de chercher à inscrire la contestation dans un cadre légal. Les juristes du régime des caporaux ont tout prévu et bloqué tous les accès. Human Right Watch a formellement mis à l'index les «manœuvres administratives visant à refuser le statut juridique aux syndicats indépendants». Comment se faire entendre alors, en Algérie ? Ce n'est même pas la peine de rêver, il n'y a pas moyen ! «Toutes les stations de télévision et de radio», contrôlées d'une manière ou d'une autre par le régime en place, «diffusent la ligne officielle», surtout quand il s'agit de «questions clés, telles que la sécurité et la politique étrangère et économique», dévoile HRW dans son rapport. Et les choses ne vont pas en s'améliorant, bien au contraire. L'ONG américaine de défense des Droits de l'homme critique sévèrement le dernier texte de loi sur l'information promulgué dans le pays voisin, et ce pour avoir «élargi les restrictions imposées aux journalistes». Les tenants du pouvoir à Alger, reconnaît Human Right Watch, «ne tolèrent pas de commentaires dissidents ou de reportages critiques». Silence dans les rangs ! Terroristes amnistiés, victimes réprimées A défaut d'être le paradis des Droits humains, l'Algérie est celui des terroristes «repentis» ! «Les atrocités commises pendant la guerre civile des années 1990» et ses 250.000 victimes ? «La charte pour la paix et la réconciliation nationale», fierté du président jusqu'à la mort, Abdelaziz Bouteflika, a tout effacé... comme par magie ! «Les forces de sécurité et les groupes armés», qui se partagent la culpabilité, peuvent couler de vieux jours dans la plus totale impunité. Ils savent qu'ils peuvent compter sur un cadre juridique taillé sur mesure pour assurer «l'impunité des auteurs d'atrocités pendant la guerre civile», selon les termes du rapport de HRW. Les bonnes âmes naïves de Human Right Watch se posent aussi des questions sur l'attaque menée contre le site gazier de Tiguentourine, à In Amenas, en Algérie, en janvier 2013, par les jihadistes «Signataires par le sang» du qaïdiste déchu, Mokhtar Belmokhtar. «Les forces spéciales algériennes ont attaqué le site dans le but de libérer les otages. À la fin de l'épisode, au moins 37 otages étrangers et 29 membres du groupe armé avaient été tués», s'étonnent les auteurs du rapport de HRW. Quand on veut libérer vivants des otages, on ne fait pas attaquer le convoi qui les transporte par un hélicoptère de combat SuperHind Mil Mi 24 MKIII, équipé d'un canon mitrailleur Vector GI-2 de 20mm, à haute cadence de tir... Les observateurs attentifs de la «guerre contre le terrorisme», qui n'en finit pas en Algérie, savent que le fondateur et dirigeant du devenu tristement célèbre groupe terroriste jihadiste des «Signataires par le sang», Mokhtar Belmokhtar, est un personnage à l'allégeance prêtant à soupçon. «Il y a des questions persistantes, qui remontent aux années 1990, à propos de l'allégeance ultime de la plupart des émirs du mouvement jihadiste algérien», a déclaré John Schindler, ancien officier de contre-espionnage de l'agence américaine National Security Agency (NSA), dans un article publié en janvier 2013 par le site d'information en ligne «The Daily Beast». Ce spécialiste de l'insurrection djihadiste en Algérie a déclaré que des transfuges algériens ont dénoncé nommément plusieurs émirs jihadistes comme étant des agents de la sécurité militaire algérienne, dont Mokhtar Belmokhtar, alias «Laouer» (le borgne). Surnommé également «Mr Marloboro» pour ses hauts faits d'armes dans la contrebande de cigarettes, Belmokhtar s'est distingué en réussissant à échapper, des années durant, à la justice algérienne, tout en exerçant normalement ses activités de terroriste et de contrebandier. Il serait même doté du don de la précognition, lui permettant de quitter, toujours à temps, les endroits investis, quelques minutes plus tard, par les services de sécurité algériens... Sauf que les experts du domaine du renseignement ne croient ni au hasard, ni aux coïncidences, encore moins au don de voyance. Un câble de l'ambassade des Etats-Unis à Bamako, au Mali, daté du 18 mars 2009 et révélé par Wikileaks, adressé au Département d'Etat, avec copies pour la CIA et l'US Africa Command, indique qu'un chef touareg du nord du Mali, Ag Ghalla, «prétendait être aussi confus que tout le monde en ce qui concerne la réticence du gouvernement algérien à se rendre dans les camps de Belmokhtar (bel Moctar dans le câble), dans le nord du Mali». Il a dit qu'il ne pouvait qu'en conclure que Belmokhtar recevait le soutien de certains milieux du gouvernement algérien. Puis il a cité la légendaire réputation de Belmokhtar pour ses fuites de dernière minute et son talent «surnaturel» pour ne jamais se trouver au mauvais endroit et au mauvais moment». Entre les maquisards de la glorieuse époque de la lutte pour l'indépendance et ceux de la génération de la «sale guerre», qui a ensanglantée, au cours des années 90, le pays voisin à l'est du Oued Isly, il semblerait qu'il y ait bien plus que des affinités... «Au pays des merveilles» chanté par Cheb Mami, les victimes sont réprimées et les terroristes amnistiés ! Sauf que, un jour ou l'autre, «les souvenirs s'éveillent»...