L'objectif du développement durable ne sera pas atteint si l'aide internationale ne s'intensifie pas. À l'échelle mondiale, la pauvreté est de plus en plus concentrée dans un groupe de 48 pays, qui sont de plus en plus à la traîne du reste du monde sur le plan du développement économique, selon une publication des Nations Unies que la CNUCED a fait paraître mardi. Selon le Rapport 2016 sur les pays les moins avancés : le processus de reclassement et au-delà : tirer parti de la dynamique, l'objectif mondial consistant à réduire de moitié le nombre de pays classés dans ce groupe ne sera pas atteint si la communauté internationale ne prend pas de nouvelles mesures. « Ce sont les pays où la bataille mondiale en faveur de l'élimination de la pauvreté sera gagnée ou perdue », d'après le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi. « Il y a un an, la communauté internationale s'est engagée à "ne laisser personne de côtéˮ, mais c'est exactement ce qui arrive aux pays les moins avancés (PMA). » Depuis 1990, la proportion de pauvres vivant dans les 48 PMA a plus que doublé à l'échelon mondial, atteignant nettement plus de 40 %. La part de ceux n'ayant pas accès à l'eau a également doublé pendant la même période, s'établissant à 43,5 %. Et ces pays représentent désormais la majorité (53,4 %) des 1,1 milliard de personnes dans le monde qui n'ont pas accès à l'électricité, en hausse de deux tiers. Le taux d'extrême pauvreté se situe entre 70 et 80 % dans six PMA et entre 50 et 70 % dans 10 autres. Il n'y a que quatre autres pays dans le monde où ce taux est supérieur à 30 % mais ne dépasse pas 50 %. De nombreux PMA sont ainsi pris au piège de la pauvreté, cercle vicieux dans lequel la pauvreté se traduit par une mauvaise alimentation, une détérioration de la santé, un manque d'accès à l'éducation, aboutissant à une baisse de la productivité et de l'investissement. Cette situation les empêche de parvenir au développement durable indispensable à la réduction de la pauvreté. Les pays peuvent uniquement sortir de ce cercle vicieux en bénéficiant de mesures internationales d'appui dans les domaines financier, commercial et technologique. La catégorie des PMA a été créée dans une large mesure pour que les pays qui en ont le plus besoin reçoivent cette aide. Les pays sortent de la catégorie des PMA lorsqu'ils répondent à un ensemble complexe de critères économiques et sociaux. Mais seuls quatre d'entre eux ont été reclassés depuis quarante-cinq ans que cette catégorie existe. En 2011, consciente de la lenteur des progrès accomplis, la communauté internationale a fixé comme objectif que la moitié des PMA répondent aux critères de reclassement d'ici à 2020. Mais à mi-chemin de la date fixée, cet objectif semble déjà hors de portée. Seul un pays (Samoa) a été reclassé depuis 2011 ; seuls trois autres pays devraient l'être (Guinée équatoriale, Vanuatu et Angola) dans les prochaines années. La CNUCED prévoit que seuls 13 pays répondront aux critères de reclassement d'ici à 2021, très loin des 21 pays qui étaient censés être reclassés d'ici à 2020. Le reclassement en soi n'est que la première étape vers un développement à long terme. Pour supporter la perte de l'aide internationale dont ils bénéficiaient en tant que PMA et surmonter les difficultés auxquelles ils auront à faire face, ces pays doivent s'engager dans ce que le Rapport appelle un « reclassement dynamique », processus marqué par des changements structurels qui entraînent une hausse de la productivité de leur économie. Mais nombre de pays censés être reclassés n'y parviendront pas. « Le reclassement n'est pas la ligne d'arrivée d'une course dont le but est de s'échapper de la catégorie des PMA, mais la première grande étape d'un marathon dont l'objectif est de parvenir à un développement durable à long terme. », selon M. Kituyi. « La façon dont un pays est reclassé est donc tout aussi importante que la date de son reclassement. » L'inadéquation des mesures internationales d'appui aux besoins des PMA en matière de développement est illustrée par la probabilité que l'objectif de reclassement ne soit pas atteint ou que le processus de reclassement ne soit pas dynamique. Il est donc préconisé, dans le Rapport, d'améliorer ces mesures, par exemple de la manière suivante : Les donateurs devraient respecter leurs engagements à long terme d'allouer 0,15 à 0,20 % de leur revenu national à l'aide aux PMA, afin de stabiliser celle-ci, de la rendre plus prévisible et de l'aligner plus étroitement sur les stratégies nationales de développement ; L'admission en franchise de droits et sans contingent de 100 % des exportations des PMA sur les marchés des pays développés devrait être accélérée ; De nouveaux efforts devraient être faits pour sortir de l'impasse des négociations qui se tiennent à l'Organisation Mondiale du Commerce sur le traitement spécial et différencié en faveur des PMA ; La banque de technologies pour les PMA devrait être pleinement opérationnelle à la date prévue, soit 2017, disposer des ressources financières voulues et tenir dûment compte du stade de développement des pays concernés ; Le suivi du transfert de technologie aux PMA devrait être amélioré ; Le processus de transition des pays reclassés devrait être plus systématique et se faire plus en douceur, afin de limiter les incidences de la perte du bénéfice des mesures internationales d'appui consécutive au reclassement. Pour les gouvernements des PMA, il est également essentiel de passer à des stratégies de reclassement « optimisées » qui visent à un reclassement dynamique. Parmi les principales priorités figurent : La transformation de l'économie rurale en développant les activités rurales non agricoles parallèlement à la modernisation de l'agriculture ; L'association de politiques industrielles englobant l'économie et visant à remédier aux défaillances du marché et de politiques destinées à promouvoir les activités productives qui contribuent au développement ; Le renforcement des capacités dans les domaines de la science, de la technologie et de l'innovation ; La consolidation des régimes fiscaux, l'amélioration des systèmes financiers et l'intégration financière ; La poursuite de politiques macroéconomiques qui allient la stabilité au dynamisme de l'investissement et à la création d'emplois ; L'intensification des efforts visant à remédier aux inégalités hommes-femmes dans tous les domaines d'action.