Des mandats d'arrêt ont été délivrés à l'encontre de 42 journalistes dans le cadre des purges tous azimuts lancées après le putsch du 15 juillet en Turquie, ont annoncé lundi les médias turcs. - Le président turc doit évoquer, hier lundi les conséquences du coup d'Etat manqué du 15 juillet avec les dirigeants de partis d'opposition, qui ont manifesté en masse pour soutenir la démocratie et dire leur inquiétude devant la riposte du pouvoir au putsch avorté. Au niveau européen, le président de la Commission européenne Jean Claude Junker a annoncé que la Turquie n'est pas en état à l'heure actuelle d'intégrer l'Union européenne. La Turquie, théâtre d'une tentative de putsch avortée le 15 juillet dernier, n'est pas à l'heure actuelle en situation d'adhérer à l'Union européenne, a déclaré lundi Jean-Claude Juncker. "Je crois que la Turquie, dans l'état où elle se trouve, n'est pas en situation de pouvoir adhérer sous peu ni d'ailleurs sur une plus longue période", a dit le président de la Commission européenne sur France 2 "Si la Turquie demain matin devait réintroduire la peine de mort, nous arrêterions immédiatement les négociations parce qu'un pays qui dispose dans son arsenal législatif de la peine de mort n'a pas sa place au sein de l'Union européenne, a-t-il ajouté. Par ailleurs, 42 journalistes sont le coup de mandats d'arrêt. Parmi les journalistes se trouve Nazli Ilicak, figure de premier plan du monde des médias en Turquie, limogée du quotidien progouvernemental Sabah en 2013 pour avoir critiqué des ministres impliqués dans un scandale de corruption, ont rapporté NTV et CNN-Turk. Née en 1944, elle a créé un journal l'an passé, Özgür Düsünce (La libre pensée). Elle n'était pas à son domicile d'Istanbul et pourrait être en vacances sur la mer Egée, a indiqué le quotidien Hurriyet, qui a cité le procureur antiterroriste d'Istanbul Irfan Fidan. Samedi, le président Recep Tayyip Erdogan avait prévenu dans un entretien à France 24 que si "les médias soutiennent le coup d'Etat, qu'il s'agisse de médias audiovisuels ou autres, ils en paieront le prix". "C'est dans les lois, c'est dans le droit, les médias sont dans l'obligation de (respecter) la loi", avait averti le chef de l'Etat, confronté aux critiques de l'Union européenne pour la sévérité des purges. Le 19 juillet, le régulateur turc des médias audiovisuels, avait retiré leur licence à de nombreuses chaînes de télévision et de radio soupçonnées de soutenir le réseau du prédicateur Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis depuis 1999, accusé d'être l'instigateur du putsch. Cette décision concernait 24 chaînes de télévision et radios et 34 journalistes, considérés proches de ce religieux. Ils avaient été privés de leur carte de presse. En mars, le quotidien Zaman et l'agence de presse Cihan avaient déjà été saisis et leur direction confiée à des administrateurs de l'Etat. Lundi matin, la police a mené de nouveau coup de filet, dans une école militaire d'Istanbul, où 40 personnes ont été arrêtées, selon l'agence Anadolu Depuis l'échec du coup d'Etat, plus de 11.000 personnes ont été placées en garde à vue et plus de 5.800 placées en détention, selon un bilan dimanche. Erdogan rencontre l'opposition Par ailleurs, le président Erdogan devait recevoir hier lundi dans la matinée, les responsables de l'opposition, le patron du président du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), Kemal Kilicdaroglu, et celui du Parti de l'action nationaliste (MHP, droite), Devlet Bahceli. En revanche, Selahattin Demirtas, chef du principal parti prokurde (HDP), n'a pas été convié. Le président turc doit évoquer les conséquences du coup d'Etat manqué du 15 juillet avec les dirigeants de partis d'opposition, qui ont manifesté en masse pour soutenir la démocratie et dire leur inquiétude devant la riposte du pouvoir au putsch avorté. Au moment où démarrait dimanche une manifestation à l'appel du principal parti d'opposition, l'ONG Amnesty International affirmait avoir réuni des "preuves crédibles" attestant de tortures, et même de viols, de personnes détenues en Turquie après la tentative de coup raté. C'est le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate et laïc) qui avait appelé à ce rassemblement. S'y était rallié le parti islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan (AKP), dont les partisans descendent par dizaines de milliers dans les rues chaque soir. Mais place Taksim, à Istanbul, dominaient bien les portraits de Mustafa Kemal Atatürk, père de la République et figure tutélaire des militants du CHP. "Nous défendons la République et la démocratie", "Non au coup d'Etat, oui à la démocratie", proclamaient des pancartes. Car au-delà du rejet des putschistes, de nombreux Turcs ont exprimé dimanche leur inquiétude après l'instauration de l'état d'urgence, ainsi que leur opposition à M. Erdogan. Lundi, le président et son Premier ministre Binali Yildirim doivent d'ailleurs rencontrer Kemal Kiliçdaroglu, chef du CHP, et Devlet Bahceli, chef du Parti de l'action nationaliste (MHP), pour discuter de la tentative de coup d'Etat et de ses conséquences. Le rassemblement de dimanche est intervenu huit jours après la tentative de coup d'Etat qui a fait au moins 270 morts et déclenché des purges massives dans l'armée, la justice, l'enseignement et les médias par un pouvoir turc totalement pris par surprise. C'est la première fois que pouvoir et opposition en appelaient ensemble au peuple depuis le putsch raté.