Les Turcs ont renouvelé dimanche leur confiance au Parti pour la Justice et le Développement (AKP, au pouvoir), en votant à une nette majorité en faveur de la révision de la Constitution, proposée par le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. En ce prononçant clairement pour la réforme de la Constitution, un texte rédigé en 1982 par les militaires au lendemain d'un coup d'Etat, les Turcs ont dit «OUI» au changement et à «une nouvelle ère dans leur histoire moderne». Ils étaient quelque 22 millions d'électeurs, sur les 49,5 millions inscrits sur les listes électorales (58 %), à se prononcer en faveur des réformes constitutionnelles lors du référendum de dimanche, qui a enregistré un taux de participation dépassant les 77 %. La révision de la Constitution permettrait de redéfinir les rapports de force entre le pouvoir politique et la hiérarchie judiciaire et l'armée, gardienne autoproclamée de la laïcité. Elle permettrait à la Turquie de se doter d'une «constitution démocratique et civile», comme le réclame l'AKP, qui a réussi ainsi son «test de confiance» à la veille des élections législatives de 2011. Cette révision de la Constitution, qui a fait l'objet d'un référendum coïncidant avec le 30ème anniversaire du dernier putsch militaire, comprend 26 articles, dont la majorité suscite peu de controverse, mais les réformes qui concernent la composition de la Cour constitutionnelle et celle du Conseil supérieur de la magistrature (HSYK), l'organisme de l'Etat qui nomme les magistrats, inspirent des inquiétudes sur l'indépendance du pouvoir judiciaire. En plus du point relatif au changement d'instances judiciaires, la réforme constitutionnelle lève l'immunité sur les auteurs du coup d'Etat militaire du 12 septembre 1980, qui pourraient alors être traduits en justice, même si certains juristes estiment que ce procès ne peut pas avoir lieu en raison de l'expiration du délai de prescription. Erdogan, président de l'AKP, a estimé que par cette victoire, le peuple turc «a franchi une étape historique sur la voie de la démocratie et de la suprématie de l'Etat de droit». «Le 12 septembre sera un tournant dans l'histoire démocratique de la Turquie», a déclaré à la presse le chef du gouvernement turc, ajoutant que la victoire du «OUI» reflète «l'aspiration du peuple turc à la démocratie». Cette réforme «n'était pas un projet de l'AKP», mais une avancée pour davantage de droits démocratiques, dans une Turquie qui aspire à intégrer l'Union européenne, a-t-il souligné. Les opposants aux réformes, le CHP (Parti républicain du peuple) et le MHP (Parti d'action nationaliste) en tête, ont exprimé leur respect de la volonté des urnes, tout en mettant en garde contre les menaces qui pèsent sur «l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs» en Turquie, après la victoire de l'AKP. Kemal Kiliçdaroglu, président du CHP, a estimé que le référendum de dimanche a montré que le parti au pouvoir tente de mettre en place «une juridiction totalement dépendante de lui», ajoutant que son Parti continuera sa lutte politique pour faire face à ce genre de menaces. «Une période sombre et pleine de risques et de dangers a commencé en Turquie» avec la victoire de l'AKP, a estimé, pour sa part, le président du MHP, Devlet Bahceli, qui a appelé à des élections législatives anticipées.