Salué à l'international pour sa stabilité politique, le Maroc est parvenu aussi sur le plan sportif à tirer profit de ses capacités, estime Me Mohamed Belmahi, président de la Fédération Royale Marocaine de Cyclisme. Le 18 novembre1955, le Maroc franchissait l'ultime étape vers son indépendance. Soixante ans plus tard, Me Mohamed Belmahi, président de la FRMC, dresse un bilan sportif «prometteur » de ces six (6) décennies sur les colonnes de « L'Opinion ». « L'Opinion » : Quel bilan sportif tirez-vous de ces 60 années d'indépendance ? Maitre Belmahi : « Mitigé. Le pays est parvenu à passer d'une ère sportive uniquement basée sur le bénévolat et l'apport personnel des athlètes à une politique de préparation, avec pour la première fois, la mise en place d'un véritable programme de Haut Niveau. Le Maroc a un grand potentiel, mais n'arrive pas toutefois à mettre en place une politique sportive nationale, votée par le Parlement et acceptée par tous. La volonté politique ne suffit pas ! La moitié des sportifs vit toujours en dessous du seuil de pauvreté (inexistence d'un système de couverture sociale pour les sportifs par exemple). Le secteur «informel» dans le secteur sportif est toujours de mise et le sport attire peu les investisseurs privés ». Q. : Quelle a été la politique sportive durant ces décennies ? R. : « Si les activités physiques et sportives constituent un élément important de l'éducation, de la culture et de l'intégration, elles participent également à la promotion d'un développement harmonieux et intégré de la société. Aussi, l'épanouissement et l'essor de ce secteur doivent figurer impérativement parmi les missions principales de l'Etat et des pouvoirs publics, appelés à mettre au point une véritable stratégie de dynamisation et à dispenser un enseignement de l'éducation physique et sportive en partenariat avec toutes les parties concernées. Ce rôle, ô combien noble, est dévolu au ministère de la Jeunesse et des Sports qui est, selon l'article 1er du décret relatif à ses attributions, l'autorité gouvernementale chargée de la jeunesse et des sports qui a pour mission d'élaborer et de mettre en œuvre la politique gouvernementale dans le domaine. Or, à ce jour, le gouvernement tarde à mettre en place une politique gouvernementale, votée par le parlement et budgétisée. Que voulons-nous du Sport ? Les deux grands paradigmes qui étaient ceux de la politique sportive marocaine des années 80 n'ont pas été modifiés : elle est restée concentrée sur le football et la recherche du spectacle. Le constat est là : - Inexistence de vision claire quant au rôle du Sport en matière d›apports économiques ; - Faible nombre de pratiquants, moins de 1% des Marocains ; - Inadaptation du cadre juridique du sport au Maroc ; - Faiblesse du système de formation des cadres sportifs ; - Faiblesse des financements alloués au sport ; - Vétusté et faiblesse des infrastructures sportives ; - Faiblesse du système de formation des talents scolaires ; - Absence de stratégie globale et cohérente pour le sport. Sa Majesté le Roi a toutefois choisi la voie de la réalité et de l'excellence, un modèle de développement fondé sur l'encadrement, la mise en place de programmes viables. Cette politique va permettre de moderniser le sport, le rendre plus productif. Mais l'intendance doit suivre au niveau des dépenses publiques. Comme chacun le sait, en 2008, lors des JO de Pékin, le sport marocain se retrouve au bord de la banqueroute ». Q. : Comment le sport marocain peut-t-il se redresser ? R. : « À partir de 2009, sous la houlette du Comité National Olympique Marocain (CNOM), le sport marocain s'est lancé dans un programme de façonnement des capacités des sportifs marocains avec le Programme de Préparation du Haut Niveau. On peut dire que le Maroc s'est engagé dans l'ajustement structurel, avec pour objectif le développement des capacités de ses athlètes. Trois mots d'ordre : Confiance, objectifs clairs, engagement et accompagnement de l'État. Mais ce n'est véritablement qu'à partir de 2012 que l'État ouvre vraiment les yeux et accélère les réformes sportives, de son plein gré. Depuis lors, une évolution remarquable s'est opérée au niveau du cadre national lié aux activités sportives. Cette évolution a fini par imposer une sorte de gouvernement sportif national de caractère sui generis, dont la légitimité tranche avec les disciplines sportives connues. On peut aujourd'hui parler d'espace sportif autonome en quête de reconnaissance de la part des institutions étatiques nationales et internationales ». Q. : Qu'en est-il du cyclisme. Qu'est-ce qui explique un tel ralentissement ? R. : « Avant 2008, le cyclisme marocain connaît un creux, en partie à cause de la crise du sport marocain. Les coureurs marocains n'ont jamais bénéficié de l'intérêt qu'ils méritent, alors que la pratique intérieure dépend beaucoup des clubs locaux, donc des collectivités locales. Les subventions nationales diminuent. Les finances publiques traversaient une passe difficile, donc les subventions publiques n'existaient pas. Résultat : Dégringolade d'une discipline qui honorait notre pays et vulgarisait sa culture tant au niveau national qu'international ». Q. : Quels sont les grands défis du cyclisme marocain ? R. : « Tout d'abord, les infrastructures et l'accompagnement des Ligues et clubs locaux. Au Maroc, et ce n'est plus admissible, nous ne possédons pas de vélodrome. N'oublions pas que le Maroc champion d›Afrique, sera confronté année à de multiples échéances : Jeux Olympiques de la Jeunesse, Championnat du Monde (Doha), Jeux de la Francophonie 2017 (Côte d›Ivoire), Jeux Méditerranéens, Jeux Olympiques (2016 Rio), etc. Ensuite les clubs au niveau local, les institutions peignent à s'impliquer dans les fondements de la Constitution et notamment les articles 26, 31 et 33 qui ont érigé le sport en droit Constitutionnel. C'est pourquoi je lance un appel au ministère de tutelle (l'Intérieur et Collectivités Locales) à rectifier le tir car nous visons la diversification. Le Maroc peut pour cela se baser sur un potentiel encore insuffisamment exploité dans plusieurs spécialités. Le BMX d'abord, avec à terme, la possibilité de peaufiner les talents des jeunes cyclistes marocains, un produit à plus grande valeur ajoutée. Autres secteurs : le Vélo Tout Terrain (VTT), le cyclisme féminin, etc. L'autre défi est d'attirer enfin en masse les investisseurs privés. Les obstacles ? Le sentiment du laisser-aller, la lenteur et la complexité administrative, ainsi qu'un problème de formation professionnelle : nous ne formons pas assez de cadres sportifs intermédiaires. Si le Maroc peut relever ces défis, il figurera sans doute dans les 10 à 15 ans parmi les pays émergents du cyclisme mondial».