Tu n'a pas à te plaindre ! Implore ton créateur, remercie Dieu de t'avoir accordé sa miséricorde, comblé de valeurs divines, de t'avoir enveloppé dans un drap gracieusement béni, de vous apporter ses aides généreuses dans les circonstances infortunées de ton existence. Ta vie est un trophée particulier, avide d'ingrédients inouïs, festival du meilleur de ce temps, des espérances, des émerveillements, des rêves, des intelligences artificielles jonglant du bien ou de l'eau de roses amères. Tes pas vadrouillent déjà dans la douceur énigmatique des cités sombres, lisible dans des scènes artificielles, que bombent les couleurs virtuelles. Tu ne chantes ton bien être que dans tes retraits en des extrémités invisibles du ciel. Tu fuis la vie, tu contournes les foules ou tu fonds dans les ouvrages humains. Mobile, travailleur à distance. Maintenant tu griffonnes un nouveau maktoub, tu erres avidement dans les cérémonies des langages mobiles, dans des choses et dans des riens. Tu navigues dans les océans des mots, des sensations de dires, des sémantiques des paysages de paroles, des grisailles d'images électroniques universelles. Tu tchates l'existence sans existence, des bonheurs virtuels, des fleuves cybernétiques, infinis, des hyperliens, des liens aussi solides que le vent. Tu ne manquais pourtant de rien. Tu eus toutes les espérances sacrées des gens qui ont réussi, les gens heureux. Une activité de lettres et de mots, d'entrepreneur des prairies de rêves, un engin à quatre roues, un pied à terre, un charmant être au féminin, intensificateur de ton bien être, une attache bancaire – tout pour t'occuper, tout pour être de très prés, comme les autres, les gens heureux. Tu tournais le dos au monde. Tu renonçais à tout ou presque. Tu larguais tes feuilletons biographiques, ta propre histoire, tes repères enfantins spatioculturels, morroco-casablancais. Tu oubliais ta fontaine d'origine du quartier, ta famille, ta demeure bâtie par tes ancêtres, à la naissance de Derb Soltane, les souvenirs des superbes arcades du quartier royal des Habbous, tes liens bancaires, les affections des billets de monnaie en couleur. Tu lâchais des pays lointains et des devises. Tu rampes avec le monde, son métal jaune. Face aux chiffres, tes doigts cliquent silencieusement « ignorer », face aux mots, la fiction et les rêves, cliquent sur enregistrer, retentissent du jaune des nouveaux dossiers. Tu ne rêves que d'une seule chose, télécharger au plus vite les substances instructives, des contextes arborant du socio-culturel planétaire, encyclopédier les gradins fleurissant le globe de ta mémoire. Tu l'as bien cherché, ta misérable, pitoyable profession de foi. Regarde ton frère, Batal est plus heureux, en raison de ses prières au quotidien. Présent à la mosquée tous les vendredis, honore les « taraouihs » après chaque ftour du ramadan. Il fait comme l'immensité du monde. De l'œil sur la façade, son exposition sociale. La conduite en bonne et due forme. Toujours debout, toujours à jours. Il se sent heureux grâce à ses gandouras et djellabas blanches, artistiquement brodées, babouches brillamment jaunies, pour les vendredis, des opportunités et délicates circonstances. Il se rend aussi à la Mecque, pour se débarrasser de ses péchés, ses erreurs volontaires ou accidentelles. En conséquence, il peut vivre à crédit, n'honorer ses dettes que par de douces paroles, des beaux mots de hadith. Toi, qu'est ce que tu vas gagner avec ta technologie rêveuse, tes projets science-fiction, ta généreuse pédagogie, le brassage des mots, des images, le tissage des tapis d'écriture refugiée dans les grottes de ta mémoire. On parlera de tes griffonnages, peut-être, un jour quand tu ne seras plus là, enterré dans un cimetière de seconde classe, autre que celui réservé aux chouhadas, les vrais martyrs ou ceux reconnus de la place. Hadj à gagné des cœurs. Il marie les femmes et même les moins femmes, les hommes normaux ou ceux qui cherchent à réconforter le plaisir nécessaire à leur bien être, par une seconde ou troisième douceur au féminin. Situation normale pour l'homme, légale par la charia. Voyez-vous, Hadj s'occupe des femmes, donne sans compter aux pauvres et aux orphelins, intervient pour calmer ou faire disparaitre même des reproches ou des infractions ; il rend service, fi Sabile Allah, (dans le sentier d'Allah) Maintenant, il s'intéresse aussi aux riches veuves, leur suggère des opportunités d'investissement pour faire fructifier leur bien ou apprendre à essuyer à répétition les larmes. J'ai connu beaucoup d'hommes spécialistes en la question qui guettaient et aidaient à bien gérer. Hadj travaille avec tout le monde, il gagne avec l'humain, il gagne avec son Dieu. Il sera même avec sa fierté sociale, un jour, haut placé, député, ministre ou encore prestigieux conseiller. Ses bras sont de plus en plus long, un serpent de mer. Tu t'es déjà vu dans une glace toi ? Tu passes ton temps à caresser les lumières, boire les lettres qui ruissellent de ton corps, peindre au henné des toiles où naissent des prairies suspendues au plus haut du ciel. Tu n'aimes te délecter que des dattiers du bled, des amandiers nourris de soleil, des arbres fruitiers spirituels plantés dans les champs de ta mémoire. Maintenant tu veux que l'on prenne soin de toi ! Tu n'es tout de même pas un arganier ! Tu passes ton temps à décrypter les nuages mosaïques au loin dans le ciel, à déchiffrer des étoiles, à chercher l'introuvable. Tu brules ton temps dans la recherche en pédagogie numérique, à philosopher ou à poétiser la technologie, ou encore à géolocaliser les sémantiques de la vie. Tu ne vis que dans de mystérieuses forêts, des bibliothèques d'idées qui mouillent généreusement la verdure de ton âme. Tu n'es qu'un phénomène du temps. Tu fuis la vie, les feuilles de route qu'acclament les plus hautes instances internationales, les plus justes patrons de ce monde. Tu fuis les leçons de moral que valsent les autres mains. Avec ton mode de vie, tu resteras infiniment riche en misère, un déserteur de la terre ; tu resteras mal compris, planté dans tes iles mobiles que tu gardes subtilement dans ta mémoire. Voilà ce que tu vaux en toute sincérité. Veuillez accepter cet état de fait. Oui, je te considère soustrait de ce monde ! Déçu, Wahid, le Mob se détacha en plein nuit de son rêve. .... !Mais il ne regrettait rien, se sentant prêt à tatouer d'autres voyages dans ses rêves.