Moscou rugit, Damas reprend son souffle, Washington et Londres se résignent, Paris et Tel Aviv se lamentent, Ankara et Ryad frémissent de rage, Pékin sourit, Téhéran s'esclaffe. Tels des oiseaux de proie, Sukhoï 24, 25, 30 et 34 planent sur la Syrie, à l'affût des rebelles/terroristes, l'affrontement à propos de l'appellation résumant parfaitement la situation. La géopolitique planétaire a désormais pour centre, le temps d'un conflit long et sanglant, le pays de Cham, carrefour géostratégique du Moyen Orient, disputé depuis des siècles par tous les empires qui ont dominé la région ou chercher à y parvenir. Poutine, le judoka espion devenu tsar président, l'a signifié à coup de bombes KAB500, qui pèsent effectivement 500kgs, un argument massif pour convaincre ; Fin de partie au Levant ! Les destinataires en premier du message ont cru le ciel leur tomber sur la tête et se précipitent pour se convertir en réfugiés, la mère Merkel étant généreuse, sauf en grec, alors que le père Hollande a failli faire partir l'indéboulonnable Assad, même scandé « Je suis Charlie ». « No, we can't ! » (Non, nous ne pouvons pas), l'a très bien compris Obama, car traduit du russe, l'oukase poutinien veut dire ; « Zone d'exclusion aérienne au dessus de la Syrie, il y a ! ». Reste à savoir qui n'y est plus vraiment la bienvenue... La preuve par Sukhoï 30 et 34, de missiles air-air R27, et d'une version maritime du fameux missile antiaérien de longue portée S300, à bord du croiseur Moskva, qui croise en Méditerranée orientale, au large des côtes syriennes. Les observateurs initiés à la chose militaire ne s'y sont pas trompés. Aucun de ces systèmes d'armes n'est destiné à mater les jihadistes, qui ne disposent pas d'une force aérienne. C'est plutôt la mission de bombardiers Sukhoï 24 et 25, le 34 étant multi-rôle. Qui est (ou sont) donc ce (ou ces) « indésirable(s) » que les chasseurs russes cherchent à dissuader ? C'est un chasseur Mig29 qui l'a semble-t-il clarifié. Selon des informations difficiles à vérifier, le 3 ou 4 du mois courant, cet appareil militaire syrien a affiché sur son radar, durant quelques minutes, des F16 turcs, à la frontière du pays d'Erdogan. Le sultan président aux visions néo-ottomanes s'est, par ailleurs, fait retirer les missiles antiaériens Patriot américains et allemands, parapluie estampillé OTAN déployé en 2013 et refermé récemment. Ce serait la première fois, depuis quatre années, qu'un chasseur syrien s'aventure à voler aussi près des frontières turques. Rafale... de vent ! Les Rafales français ? Ils ont beau pouvoir frapper des cibles dans un pays souverain sans lui demander autorisation, ni susciter, de ce fait, le moindre remous d'indignation dans la presse mainstream d'Occident, pourtant si prompt à dénoncer l'intervention militaire russe requise par les autorités officielles syriennes, sans le soutien américain, l'armée de l'air française n'a pas les moyens de s'imposer aussi loin de l'hexagone. Alors que les relations avec la Russie ont été « mistralisés ». Il ne reste plus qu'à accueillir ceux qui fuient cette terrible guerre, dont quelques clones de Merrah et Kouachi, qui n'attendent que le moment propice pour sauter au cou des « Francs mécréants », qui les auraient fait escompter devenir califes à la place de Bachar, avant de les laisser s'expliquer tous seuls avec Poutine. L'heure est si grave à Paris que même les armes de Coulibaly ont été classés « secret défense »... En trois déplacements rapides d'importants moyens militaires, la Géorgie en 2008, la Crimée en 2014, et maintenant la Syrie, le maître du Kremlin a sonné la fin du monde unipolaire, avec l'appui sans fanfares, mais sans hésitations, des mandarins de la cité interdite de Pékin. La narrative fantastique des médias occidentaux, même portée à un stade avancé de délire hystérique, ne peut occulter l'évident. C'est d'abord eux-mêmes que Russes et Chinois cherchent à défendre, en se portant au secours de Bachar. C'est que, depuis quelques temps, les Da'échiens se sont mis à converser entre eux, par messages radios, plus dans la langue de Dostoïevski que celle de Mutanabbi. Même le parler de Confucius a trouvé droit de cité parmi les jihadistes opérant en Syrie et en Irak. Il y a eu d'abord l'apparition en Syrie, il y a un an de cela, du groupe jihadiste Khorasan, affilié à Al Qaïda, dont on n'a plus entendu parler, ensuite celle de Da'ech en Afghanistan, à laquelle se sont ralliés quelques chefs Talibans. Or le grand Khorasan du Moyen âge, époque que les takfiristes prisent en particulier au point de s'activer hardiment pour y faire revivre l'ensemble du Monde msulman, comprend, outre l'Afghanistan, trois républiques de la défunte Union soviétique, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan, et longe les frontières actuelles à l'ouest de la Chine, et au sud de la Russie. Ce qui était d'ailleurs le ventre mou de la Russie est maintenant protégé d'un bouclier fait de la 201ème division motorisée déployée au Tadjikistan, rebaptisé symboliquement 201ème « base ». Manière de signifier que les soldats russes y sont pour rester. Et si jamais ça devait commencer à chauffer aux confins de l'Afghanistan, la 98ème division aéroportée russe peut rapidement débarquer en renfort. En Tchétchénie, la 58ème armée, qui est venue à bout de la rébellion dans république fédérée, en 2000, avant d'aller vaincre l'armée géorgienne, en Ossétie du sud, en 2008, est prête à étouffer dans l'œuf tout nouveau foyer jihadiste. Go en Eurasie et mat au Levant Mais à Moscou, comme à Pékin, ils ont aussi dû se dire qu'il valait peut être mieux d'aller aussi faire barrage aux visées des jihadistes en amont, c'est à dire en Syrie ou ils se trouvent actuellement, avant d'avoir à les pourchasser sur leurs marches. Une sorte de pivot des combattants jihadistes vers l'Asie centrale, à l'exemple de celui des soldats américains vers le Pacifique, n'étant pas, en effet, à exclure. Si l'on y ajoute le déploiement de forces de déploiement rapide otanesques en Europe orientale, ça ressemble, à s'y méprendre, à une prise en étau de ces deux puissances eurasiatiques que sont la Russie et la Chine... Le jeu de go, plus ancien jeu de stratégie inventé en Chine, se dit en japonais « igo », ce qui veut dire encercler. Ce n'est donc pas au vieux singe qu'on peut apprendre à faire la grimace. Lui préfères rire jaune des fourberies de l'Oncle Sam. Le joueur d'échecs Poutine, après un grand roque en Ukraine, en verrouillant le Donbass, prend la syrienne reine Zénobie, mettant de fait le Cheikh en mat. D'ailleurs, l'auteur du « Grand échiquier », Zbigniew Brzezinski, n'a plus la côte à Washington, ou l'on redécouvre, non sans résistances de l'Etat profond, les vertus de la « détente », telle que prônée à une époque tout aussi « froide » par Henry Kissinger. Ainsi vont les affaires géostratégiques de ce bas monde, réduit en un village planétaire, enchevêtré d'intrigues et dégoulinant de sang. L'illusionnisme y tient lieu pour beaucoup de praxis politique, qui s'évertue alors à tenter de tordre le cou à la réalité plutôt que de s'y adapter. Et tant qu'il y aura des lapins qui essayent de sortir des magiciens de leurs chapeaux, il y aura des loups qui essayeront de se faire passer pour chiens de berger.