La recherche et la formation sur le genre dans les universités au Maroc n'ont jamais fait l'objet d'un état des lieux. A cet effet deux journées d'études et de réflexion y ont été consacrées, les 16 et 17 avril, au sein de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université Hassan II du Grand Casablanca. L'objectif a été aussi l'occasion de s'intéresser à l'évolution de la structuration de la recherche et des formations au Maroc. L'enjeu et l'urgence, c'est de diffuser des idées d'égalité qui devraient être promues et intégrées dans tous les domaines et dans ce lieu académique qu'est l'université. C'est au fait la question de la recherche dans son environnement. Le genre est transversal. Ce débat a connu une large participation de différents protagonistes de la recherche et de la formation sur le genre au Maroc, surtout des femmes, des universitaires chercheuses doublées de militantes associatives, concernées par les questions de genre. L'université a été fort longtemps renfermée sur elle-même, en ne produisant que le savoir. Elle devrait, à travers sa richesse cachée, mener une recherche sur elle-même car les recherches se font à huit-clos. A quoi sert donc l'université et quel est l'intérêt de la formation et de la recherche s'il n'y a aucun lien entre les actions, les politiques publiques et l'université ? A qui profite la production de la connaissance ? C'est là la vraie question, la connaissance devrait arriver au consommateur. Du moment que la recherche se nourrit de l'action de la société civile, ce pont qui existe entre les chercheurs des universités et les associations devrait s'élargir à l'université elle-même. L'objectif de cet événement scientifique est de répertorier l'existant tout en réfléchissant aux solutions possibles à apporter à l'avenir : réfléchir à la structuration de la formation sur les questions de genre à l'université (curriculum, coordination), les solutions pratiques possibles à mettre en œuvre dans un très court délai et d'envergure plus limitée, mais concrètes et aux retombées rapides. Mais aussi, la mutualisation des compétences, la capitalisation des connaissances et des expériences, la valorisation des recherches effectuées afin d'avancer dans la voie de l'égalité au Maroc et la mise en place d'un réseau national de recherche dont la base sera contenue dans un Observatoire marocain du genre ou autre institution. Seulement, il est nécessaire, d'après les intervenantes de faire une différence entre la recherche académique, neutre, fondamentale et scientifique qui n'est autre que les publications, et, le consulting et la recherche action. Car, côté associatif, l'objectif c'est de faire un plaidoyer, d'avoir des arguments clairs et nets pour trouver un projet et cette action peut être faite à travers un expert. L'autre problématique, c'est que faire des partenariats avec l'université n'est pas possible du fait qu'elle n'est pas autonome et ne se suffit à elle-même. L'Etat des lieux des structures de recherche et des formations sur le genre et les femmes au Maroc, fait par l'IRD : Institut de recherche pour le développement et la Faculté de lettres de Casablanca a montré qu'il y a 20 structures de recherche, 4 formations seulement sont actuellement ouvertes. Il y a une structure à Agadir qui a disparu, 4 à Casablanca, 3 à Fès, 1 à Ifrane, 3 à Kenitra, 2 à Marrakech et à Meknès, 1 à Oujda et 5 à Rabat. Le deuxième objectif de l'état des lieux, c'est de recenser les thématiques de recherche et d'enseignement et de les analyser à l'aune des transformations de la société et législation marocaines sur un temps relativement long. Les données quantitatives montrent que sur un total de 724 mémoires soutenues au département de Langue et Littérature Françaises, de 1985 à 2006, ceux ayant trait aux thématiques du genre, s'élèvent à 87 soit 12,07%. Sur 100 thèses, seules 3 répondent aux critères retenus. Au département de la Langue et Littérature Arabe, 73 mémoires sur 3500 traitent de la question du genre. Au département des études islamiques, on note l'absence de thèses qui s'inscrivent dans l'orientation de l'inventaire, on relève aussi l'absence totale de la composante sociale « femme » dans les sujets de recherche au département d'Histoire et Civilisation. Pour ce qui est du recensement du master genre, sociétés et cultures de la faculté de lettres, réalisé en 2011, depuis la création de cette formation en 2006, 116 mémoires ont été soutenus de 2008 à 2014. S'agissant de l'insertion professionnelle des lauréats qui ont suivi un cursus marqué « études féminines » ou « genre » (master ou thèse), une étude a été réalisée en 2013. Ces études attirent plus les femmes que les hommes (70% de femmes contre 30%). 97% des lauréats sont actifs dans la société contre 2,5 qui cherchent du travail. Et, depuis 2005, une étude est menée à l'université Hassan II pour dresser l'état des lieux du genre (recherche et formation) dans 6 établissements universitaires. Le recensement soulève le problème de l'ouverture de la recherche universitaire, un positionnement qui soulève certaines questions. La société civile se nourrit-elle de la recherche à l'université ? Il y a certes des masters genre, seulement, sont-ils dans la diffusion du savoir ? Est ce que la recherche bénéficie à la société civile ? Dans le contexte marocain, la recherche est-elle en mesure d'agir sur la gouvernance ? Il s'avère que la thématique genre a été associée pendant longtemps à des idées de sexualité, elle fait état de cours isolés ou à travers une institution, de journées d'études au FLSH à Casablanca en 2010, de mémoires d'étudiants jamais publiés, de masters, de modules ou de diplômes qui consacrent l'étude du genre ou du moins, la question des femmes ou de la famille. Ou aussi des équipes, des groupes ou des laboratoires qui ont au moins un axe de recherche affiché et actif sur le genre. Mais que, aussi, Il y a une confusion entre féminisme et genre. En plus, si le lien existe entre les unités de recherche et la société civile, l'idée c'est de renforcer et de faire avancer ce partenariat ou ce genre d'initiatives efficientes dans la recherche, entre la société civile et l'université. Les universitaires ont beaucoup contribué dans le cadre associatif, seulement il n'y a pas eu de ponts réels entre l'université et les associations pour leur permettre de collaborer et d'agir sur les politiques. Ce sont certes des initiatives individuelles et non structurées ou entre des groupes réduits, entre la société civile et les universités. D'autant plus qu'il n'y a pratiquement pas d'associations et de clubs au sein des universités. Côté curricula, on trouve des masters mais pour les programmes de développement et non de genre, des masters de gestion de projet..., ce sont des cursus à développer et à encourager pour plus de visibilité. Seulement, les masters ont-ils une logique de renouvellement ? C'est ce qu'ont relevé les participants et les participantes lors des ateliers parallèles, ajoutant que la recherche qui fait objet pour la société civile n'est autre que la recherche-action ou le consulting et non pas la recherche académique proprement dite. Aussi, à défaut de partenariat entre l'université et les parlementaires, en matière de recherche, on a appelé à la nécessité d'inciter et d'encourager les chercheurs à faire ce premier pas vers les élus, en matière de réforme du Code Pénal ou d'études dans le domaine du genre, comme par ailleurs dans le monde. Car, les vases communicants sont les partis politiques, les syndicats, les ONGs... Lors de cette plate-forme d'échange et de concertation, plusieurs sujets ont été soulevés tels que : « Etat des lieux du féminisme et du genre au Maroc », « Combattre les stéréotypes fondés sur le genre : réfléchir l'action », « Avancées institutionnelles et sociales pour l'égalité au Maroc », « Féminisme et genre au Maroc : une histoire en continu. Quelles évolutions ? », « Une histoire, des féminismes»... S'agissant de structuration de la recherche et de la formation sur le genre au Maroc, quatre ateliers parallèles ont été organisés par des chercheuses universitaires et des acteurs de la société civile. Quelles formations sur le genre au Maroc ? Vers la mise en place d'un référentiel, un socle de compétences commun. Quelle articulation entre les associations, les organisations internationales et de coopération, et l'université pour la recherche ? Quelles études de genre au Maroc ? Comment mieux structurer la recherche? Quelles thématiques de recherche favoriser ? Pour une meilleure articulation genre/développement ? Plusieurs recommandations ont été dégagées comme : -Donner plus de visibilité au travail des acteurs associatifs qui se fait dans le cadre du bénévolat non encore valorisé au Maroc, alors qu'aux USA, s'il n'y a pas de travail associatif, le CV n'est pas pris au sérieux. Les employeurs focalisent sur le parcours associatif d'un demandeur d'emploi ; - Proposer aux étudiants des travaux de recherche en la matière ; -Proposer des partenariats ; -Installer des instances de dialogue et des instances méthodologiques pour un processus commun ; -Ouvrir l'université ; -Faire des conférences générales sur les principes d'égalité avec les différents acteurs et les étudiants au niveau de l'université : partis politiques, syndicats, société civile ; -Permettre à l'université d'occuper la place publique, à travers les médias, pour montrer qu'il y a un potentiel ; -Créer des clubs où pourraient être soulevées des questions de citoyenneté et de droits de l'Homme. Ces clubs sont les cellules de liaison entre l'associatif et l'université ; -Faire passer les idées d'égalité à l'université ; -Il ne faut pas s'isoler en master genre mais introduire l'approche genre dans différents cours ; -Réfléchir sur la création d'associations ou valoriser un travail associatif dans l'université. A l'intérieur de certaines universités, il y a création de clubs et d'associations et les enseignants poussent les étudiants à des stages qualifiants dans les centres associatifs ; - L'université qui est le lien de portée de la connaissance, doit attirer la gouvernance locale, régionale et nationale ; -L'université regorge de qualités, il faut les valoriser via des médias ; - Le recherche doit être ouverte mais avoir à disposition les outils