La police sud-africaine a tiré des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes pour disperser des manifestants anti-immigrés dans la banlieue de Johannesburg, alors que le président Jacob Zuma appelait à la fin des violences. Cette vague de violences xénophobes, qui a débuté il y a deux semaines à Durban, a gagné, jeudi 16 avril, Johannesburg, où une soixantaine de personnes avaient été tuées en 2008 lors d'une précédente série d'attaques de ce genre. Au moins six personnes ont trouvé la mort à) Durban, dont un Éthiopien brûlé vif dans l'attaque de sa maison. Des incidents ont été signalés ailleurs à Johannesburg et à Pietermaritzburg, à moins d'une heure de route dans l'arrière-pays de Durban. "Ça fait quinze ans que je suis là", raconte un commerçant éthiopien. "Qu'est-ce qu'on a fait de mal, si ce n'est travailler dur pour améliorer notre vie ? Est-ce que la police nous protège ? Non. À Soweto, ils étaient là à regarder pendant que les gens pillaient les magasins", accuse-t-il, en référence aux violences qui ont fait six morts dans ce township en début d'année. Lors d'un discours devant le Parlement, jeudi, au Cap, le président Jacob Zuma a condamné ces violences qu'il a qualifiées de "violation" des valeurs sud-africaines. "Aucun sentiment de frustration ou de colère ne peut justifier les attaques contre les étrangers et le pillage de leurs magasins. Nous condamnons ces violences avec la plus grande fermeté. Ces attaques sont une violation des valeurs que l'Afrique du Sud porte en elle", a-t-il déclaré. Jacob Zuma a dans le même temps assuré que son gouvernement travaillait à un renforcement du contrôle aux frontières. L'ANC, le parti au pouvoir en Afrique du Sud, et le prince traditionnel des Zoulous ont condamné mercredi 15 avril ces actes xénophobes. "Quelle que soit la cause de ces actes barbares, le Congrès National Africain (ANC) les considère comme des actes criminels contre des populations vulnérables et sans défense, qui ont cherché refuge, réconfort et prospérité économique dans notre pays", déclare le parti dans un communiqué, appellant tous les Sud-Africains à condamner sans réserve ces exactions. Auparavant, le prince Thulani Zulu, leader traditionnel zoulou, s'est efforcé lui aussi d'apaiser les tensions : "Ce qui se passe actuellement, le roi le condamne dans les termes les plus fermes", a-t-il dit, au nom du roi Goodwill Zwelithini, chef spirituel de 12 millions de Zoulous. Ce dernier a été accusé d'avoir attisé les violences par des déclarations en mars, où il estimait que les immigrants illégaux devaient "faire leurs bagages et quitter le pays". La xénophobie du Roi des Zoulous Le gouvernement chinois, un partenaire économique majeur de l'Afrique du Sud, a de son côté indiqué que des magasins tenus par des Chinois avaient été endommagés à Johannesburg et a annoncé le dépôt d'une plainte en justice. A Durban, où les violences ont débuté après des déclarations rapportées par la presse du roi zoulou Goodwill Zwelthini appelant au départ des étrangers, plusieurs centaines de personnes ont participé jeudi à une "marche pour la paix" pendant que de nouveaux heurts éclataient entre habitants, immigrés et policiers. Pays d'environ 50 millions d'habitants, l'Afrique du Sud compterait quelque cinq millions d'immigrés originaires pour la plupart d'Afrique australe, de la corne de l'Afrique et du sous-continent indien. Le taux de chômage s'élève à 25% et approche même 40% chez les plus jeunes. Les migrants sont souvent accusés de tous les maux par la population comme par certains responsables politiques, qui leur reprochent pêle-mêle de résider illégalement dans le pays, de faire des affaires au détriment des commerçants locaux ou encore de commettre des crimes. Les violences xénophobes risquent d'attiser les tensions dans les pays frontaliers de l'Afrique du Sud comme le Mozambique, un des pays les plus pauvres du monde, dont de nombreux ressortissants ont franchi la frontière à la recherche d'un travail. La société pétrochimique Sasol a ainsi annoncé que les employés mozambicains du prestataire de services d'un de ses gisements gaziers avaient "dénoncé la présence d'employés sud-africains" sur le site, sans toutefois recourir à la violence.